Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Patrimoine

À Mechmech, la demeure d’un ancien ministre reconvertie en maison d’hôtes

Dans le caza de Byblos, à 1 200 m d’altitude, le domaine d’Édouard et Isabelle Noun, point de repère de l’hospitalité locale.

À Mechmech, la demeure d’un ancien ministre reconvertie en maison d’hôtes

À 1 200 mètres d'altitude, le domaine d’Édouard et Isabelle Noun devenu Beit Noun. Photo DR

Situé à Mechmech, dans le caza de Byblos, à 1 200 mètres d’altitude, Beit Noun était la maison familiale d’Édouard Noun. Grand avocat, proche politiquement du président Béchara el-Khoury, il a été plusieurs fois ministre, notamment celui de l’Éducation nationale dans le cabinet de Hussein Oueini, en 1951. Son père, le curé de Mechmech, père Boutros Noun, et Hiléné (Hélène) ont eu cinq garçons et trois filles : Édouard, Joseph, Philippe, Ibrahim, Victor, Milia, Marie et Adèle.  Ibrahim, qui se préparait au sacerdoce au Collège maronite à Rome, est mort du typhus et a été inhumé à Rome. Édouard (1898-1994), l’aîné de la famille, un self-made-man qui travaillait le jour à la Banque de Syrie et du Liban et étudiait la nuit, a ainsi obtenu sa licence en droit de l’Université Saint-Joseph (promotion 1928). Il est considéré comme l’un des plus brillants avocats de sa génération. Pétri de culture, lecteur assidu de Paul Bourget et Maurice Barrès, il était célèbre pour ses grandes plaidoiries. Ses proches se rappellent fièrement d’un épisode au cours duquel le président d’un tribunal lui avait dit : « Continuez, maître, la cour a plaisir à vous entendre », quand certains avaient cherché à l’interrompre. Il épouse Isabelle Haddad avec qui il aura quatre enfants : Hélène, Pierre, Fady et Nawal. À leur mariage qui s’était déroulé à Bkerké, il avait pour témoin le cheikh Béchara el-Khoury.

Édouard Noun et Isabelle Haddad unis à Bkerké. On peut voir à l’arrière le patriarche, le témoin du marié, le cheikh Béchara el-Khoury. Photo DR

Raymond Eddé v/s Édouard Noun

En 1930, le jeune avocat se fait construire une maison, petit joyau architectural conçu par son oncle, Victor. Elle sera le noyau d’un vaste domaine, comprenant deux annexes à deux étages pour les invités, des dépendances pour le personnel et des abris de jardin. La hara, comme l’appellent les gens du village, s’étend sur quelque trente mille mètres carrés de terrain plantés d’oliviers, de cerisiers, de figuiers et de pommiers. À son apogée, le chantier avait mobilisé une soixantaine d’ouvriers, dont des artisans, des maçons et des tailleurs de pierre venus des villages du Metn et du Chouf. « Bien avant les grosses machines, bulldozers et autres pelleteuses, certains des monolithes ornant le domaine provenaient des carrières situées à plusieurs kilomètres du village. Ils étaient transportés sur des traîneaux tirés par des mulets, puis roulés et placés à la force des bras », raconte son fils Fady, notre ancien collègue, longtemps pilier du service local de L’Orient-Le Jour. Il est aussi essayiste et poète, auteur de Guerre et Mémoire préfacé par le patriarche Sfeir (éditions L’Orient-Le Jour) ; de Dévastation et rédemption (publié par l’Université Saint-Joseph-Institut d’études islamo-chrétiennes) ; d’une biographie de saint Charbel, Avec saint Charbel (éditions Nouvelle Cité), traduite en plusieurs langues ; et de Dans la nuit de diamant.

Lire aussi

Dar Zefta, un regard inédit sur le Liban-Sud

Le domaine a connu son heure de gloire après la nomination d’Édouard Noun ministre, et en tant que candidat aux élections législatives. Le diwan, abritant les augustes chênes centenaires du domaine, est resté célèbre pour les grandes réceptions auxquelles assistaient de nombreuses figures politiques de l’époque : le président Béchara el-Khoury, le président du Conseil Rachid Karamé, les ministres Philippe Takla et Maurice Gemayel, et des parlementaires, notamment la députée Nouhad Souhaid. Édouard Noun s’est présenté deux fois aux élections, en 1956 puis en 1964, mais sans succès. Et pour cause : « Il avait en face de lui Raymond Eddé, une légende politique, avec lequel il avait par ailleurs des rapports très courtois et qu’il épatait avec ses Cadillac ! » confie notre ancien collègue. 

Un havre de tranquillité. Photo DR

30 000 mètres carrés aux mille recoins et arbres

Des années quarante et cinquante et le jeu de croquet et les fêtes glorieuses qui se poursuivaient jusqu’aux petites heures du matin, à des rassemblements plus hédonistes typiques des années soixante aux sons des guitares, des récitals de poésie et bien plus encore, le domaine a connu son âge d’or.

Aujourd’hui, c’est un havre de tranquillité. Pierre, le fils aîné d’Édouard Noun, avait hérité de la maison ; à sa mort, celle-ci est échue à son fils Édouard. Son épouse Carole et sa fille Mia, deux belles femmes énergiques, expliquent qu’« il fallait faire quelque chose pour entretenir cet immense domaine de 30 000 mètres carrés aux mille recoins et arbres. Nous avons donc décidé de le reconvertir en maison d’hôtes ». Ces dames font alors appel à l’architecte Galal Mahmoud qui mènera une vaste opération de rénovation. La toiture, l’isolation, la plomberie et l’électricité ont été entièrement rénovées et le chauffage installé. La cuisine et les salles de bains adaptées aux normes modernes. Les pans des murs peints, les meubles Art déco revêtus de tissus colorés, les 13 chambres à coucher au design raffiné offrent à l’ancienne demeure et ses annexes créativité, soleil et bonheur. « C’est le magicien des couleurs dont avait besoin la vieille maison », relève Carole Noun.

Lire aussi

La villa Linda Sursock, plus d’un siècle d’histoire

« Nous n’avons pas touché à l’architecture. Les seuls ajouts modernes sont la piscine, la boutique du domaine qui présente une variété de produits faits maison ainsi que le restaurant et le bar dans le verger, qui accueillent, outre les résidents, des clients venus de partout, mais il faut évidemment réserver à l’avance », précise encore Carole Noun. Quant au qabou tout en voûtes (construit par l’arrière-grand-père au début des années 1800) et sur lequel se dresse la maison, il a été réaménagé en bar de nuit, incontournable pour faire la fête.

Les employés sont majoritairement issus du village, dont la fidélité à la famille est transmise d’une génération à l’autre. « De père en fils, ils ont participé à la construction de la maison et plus tard à la récolte et à son entretien. Ils se souviennent encore de cette période avec fierté et nostalgie. Certains me racontent qu’ils faisaient leur pique-nique dans les vergers tous les dimanches. D’autres se rappellent qu’ils s’étaient isolés dans le domaine pour réviser leur brevet national. Ce lieu a toujours été ouvert au village », relate Mia Noun, la fille d'Édouard et Carole. C’est elle qui gère les lieux et qui a donné à chaque chambre un nom : « Les copains d’abord » ; la « Zaza », parce qu’elle était la pièce d’Isabelle ; la « 94 », date de mariage de ses parents ; « La piscine » pour celle ayant vue sur le bassin d’eau, ou encore « La chambre bleue » pour le salon avec cheminée. Outre les photos d’Édouard et Isabelle Noun et de leur famille, sont exposées des œuvres d’art mises à la vente, signées Nabil Nahas, Jamil Molaeb, Samir Sayegh, Rania Farsoumi et d’autres.

Le « qabou » datant des années 1 800 abrite désormais le bar. Photo Jacqueline Ayoub

Sur la route des saints et… du vin

Bien que son nom fasse penser à l’abricotier, Mechmech serait en réalité une déformation du mot mechmess qui signifie ensoleillé. Dans ce village convoité pour son climat, les agriculteurs produisent principalement des pommes, des poires, des figues et des olives.

Mechmech possède certains atouts, notamment des bosquets de chênes centenaires, dont le principal avoisine l’école complémentaire publique, une massive construction en pierre taillée recouverte d’un toit de tuiles rouges repérable de loin.

Les amoureux des vieilles pierres peuvent par ailleurs visiter à Mechmech deux antiques chapelles dédiées l’une à sainte Barbara, une martyre du IVe siècle, l’autre à saint Tadros (ou Tédros, selon la prononciation locale), du nom d’un prince du IVe siècle, également martyrisé.

À l’entrée sud du village se cache, loin de la route principale, un chemin de terre qui mène vers un mystérieux bois de chênes dit nawawiss, domaine indivis resté à l’état sauvage recelant des tombes romaines, qui lui ont donné son nom.

On ne quitte pas Mechmech sans visiter le complexe de Kfar Sama, un ensemble de chalets entourant un bâtiment central, prisé par les retraités, mais comprenant également un magnifique amphithéâtre en plein air qui accueille aussi bien des manifestations culturelles que des réceptions de mariage. Plusieurs complexes résidentiels regroupant des logements de type chalet y poussent en ce moment, répondant à une vocation de villégiature à laquelle s’efforce de s’adapter ce village, encore pauvre en services, restaurants et autres minimarkets où l’on trouve pêle-mêle savon, charbon et produits locaux, tels le thym sauvage ou l’arak baladi. Ce qui, pour certains, passe pour un charme.

Une des annexes plantées au milieu d’une forêt. Photo Jacqueline Ayoub

Mechmech bénéficie par ailleurs de plusieurs avantages. La localité se situe dans le prolongement du couvent Saint-Maron de Annaya, donc du voisinage de la tombe de saint Charbel Makhlouf à la renommée de faiseur de miracles. Du village, la route conduit à Ilige (siège patriarcal maronite de 1121 à 1440), à Kfifane (saint Nehmetallah Hardini) et à Jrebta (sainte Rafqa).

Le village est également à 20 minutes du centre de sports d’hiver de Laklouk et de la cédraie de Jaje. À 40 minutes environ de celle de Tanourine et ses trois gouffres. Enfin, Mechmech est désormais sur « la route des vins », depuis le développement de la production de vins dans les régions de Jbeil et surtout de Batroun.

Situé à Mechmech, dans le caza de Byblos, à 1 200 mètres d’altitude, Beit Noun était la maison familiale d’Édouard Noun. Grand avocat, proche politiquement du président Béchara el-Khoury, il a été plusieurs fois ministre, notamment celui de l’Éducation nationale dans le cabinet de Hussein Oueini, en 1951. Son père, le curé de Mechmech, père Boutros Noun, et Hiléné...

commentaires (6)

C'est un très bel endroit, à visiter absolument. J'ai eu le plaisir d'y venir il y a bien longtemps maintenant et, à voir la photo qui illustre l'article, le bâtiment a été bien conservé. Ne pas hésiter à y réserver un week-end.

Marionet

16 h 39, le 18 juillet 2023

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • C'est un très bel endroit, à visiter absolument. J'ai eu le plaisir d'y venir il y a bien longtemps maintenant et, à voir la photo qui illustre l'article, le bâtiment a été bien conservé. Ne pas hésiter à y réserver un week-end.

    Marionet

    16 h 39, le 18 juillet 2023

  • Chambre à 300$ la nuit ?

    IBN KHALDOUN

    15 h 36, le 18 juillet 2023

  • Ah, si c’est la maison d’un ancien ministre, alors c’est la classe. Ouf!

    Gros Gnon

    13 h 54, le 18 juillet 2023

  • Tres joli. Bon courage

    Abdallah Barakat

    12 h 57, le 18 juillet 2023

  • Magnifique de pouvoir conserver et mettre en avant une partie de notre héritage et du travail réalisé

    Georges Olivier

    09 h 38, le 18 juillet 2023

  • How lovely and wonderful that traditional Lebanese homes are being transformed into small hotels. This is absolutely fantastic ❤️

    Mireille Kang

    07 h 04, le 18 juillet 2023

Retour en haut