
L'historien Avi Shlaim dans la capitale saoudienne Riyad en 2010. Archives AFP
Bagdad, 1950. La communauté juive, dont la présence en Mésopotamie remonte à plus de 2 500 ans, est ciblée par une série d’attentats. Entre avril 1950 et juin 1951, plusieurs attaques à l’explosif sont menées contre des institutions juives, tuant cinq personnes et en blessant plusieurs autres. Pendant cette période, quelque 110 000 juifs d’Irak, soit une grande majorité des 135 000 membres de la communauté, quittent leur pays pour se rendre en Israël. Parmi eux, le jeune Avi Shlaim, né le 31 octobre 1945, à Bagdad, et ses parents, membres de la haute société de la capitale irakienne, qui auront du mal à s’intégrer dans leur nouveau pays et finiront par se séparer.
Soixante-dix ans plus tard, devenu professeur émérite de relations internationales à l’Université d’Oxford, Avi Shlaim livre une révélation explosive dans ses mémoires Three Worlds : memoirs of an Arab Jew (publiées ce mois-ci aux éditions Oneworld), affirmant détenir les « preuves indéniables » de l’implication du Mossad dans les attaques ayant accéléré le départ des juifs d’Irak vers l’État hébreu. Dans ce livre, mêlant la grande histoire à la petite, il affirme sur la base de ses recherches que si l’attaque à la grenade de la synagogue Massouda Chem Tov de Bagdad, qui a tué quatre juifs, a été perpétrée par un Arabe, les autres attaques ont été menées par le service des renseignements extérieurs d’Israël.
À l’époque, la police irakienne a procédé à un coup de filet contre le réseau clandestin sioniste présent dans le pays – actif notamment pour faire fuir les juifs d’Irak en Israël – arrêtant près de 80 personnes et condamnant deux juifs à la mort par pendaison, rappellent les chercheurs Haïm Saadoun et Pierre Lurçat dans l’article « Y a-t-il eu une provocation sioniste en Irak pour encourager l'émigration des Juifs d'Irak ? », publié en 2003. L’un des deux condamnés à mort exécutés en 1952 a reconnu avoir commis des attentats. Selon les chercheurs, qui rappellent une enquête interne du Mossad ayant conclu à l’absence de lien entre les attentats et une quelconque organisation juive, il n’existe pourtant pas de lien entre ces attaques et l’émigration massive des juifs d’Irak.
Aussi, le nouveau livre d’Avi Shlaim ne manque pas de provoquer de vives polémiques. Du fait du caractère brûlant du sujet, mais aussi en raison des prises de position de l’auteur, farouche dénonciateur de la colonisation par Israël des territoires palestiniens. Membre des « nouveaux historiens » israéliens, ayant notamment mis en lumière les crimes commis lors de la création d’Israël en 1948 en ayant accès aux archives militaires israéliennes, ses précédents livres avaient déjà soulevé les critiques d'autres historiens israéliens, qui dénonçaient un parti pris anti-israélien et pro-arabe.
Au-delà des révélations qu'il avance, le récit d’Avi Shlaim revient sur le malaise identitaire des juifs arabes au lendemain de la Nakba, au cours duquel plus de 700 000 Palestiniens ont été chassés de leur terre en 1948 pour créer l’État d’Israël. Il raconte comment des compatriotes à l'origine acceptés par les Palestiniens ont commencé à être considérés comme des membres d’une cinquième colonne, soupçonnés d’être alliés au nouvel État juif. Entre 1948 et les années 1980, plus de 800 000 juifs auraient quitté ou été expulsés des pays arabes et d'Iran ; la majorité se sont rendus en Israël. Dans ce contexte, il revient également sur les difficultés qu’il a éprouvées à son arrivée dans l'État hébreu, décrivant la discrimination infligée aux juifs séfarades par les juifs ashkénazes originaires d’Europe.
commentaires (7)
Il y a eu aussi l'affaire Lavon - ou Opération Susannah - en 1954 en Égypte - mêmes objectifs, ,même modus operandi...
Nicole Maillard
09 h 59, le 20 juin 2023