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Lifestyle - Gastronomie

De Qobeyate à Hong Kong, le mezzé libanais de Teya Mikhael

À 29 ans, la jeune femme est cheffe de cuisine de Maison libanaise, un restaurant du groupe hongkongais Black Sheep Restaurants. Retour sur son parcours.

De Qobeyate à Hong Kong, le mezzé libanais de Teya Mikhael

Teya Mikhael, cheffe de la cuisine du restaurant La Maison libanaise. Photo fournie par Teya Mikhael

Elle ne connaissait personne à Hong Kong et n’avait jamais envisagé travailler à 7 000 kilomètres de Beyrouth. Mais à 28 ans, Teya Mikhael a quitté le Liban pour la ville aux gratte-ciels, pour devenir la cheffe de cuisine de Maison libanaise, l’un des trente restaurants (dont deux étoilés Michelin) du groupe Black Sheep Restaurants. Sa journée de travail commence à 6h, lorsque Beyrouth somnole encore, et se termine à 23h. « Je dors environ 5 heures par jour, ça vient avec le métier », confie-t-elle. Comment, à même pas trente ans, sans avoir suivi d’école culinaire, Teya Mikhael, qui a vécu toute sa vie entre Harissa et Qobeyate, a-t-elle pris les commandes de la cuisine d’un restaurant à Hong Kong ?

Un menu libanais à Hong Kong. Photo tirée de leur compte instagram@maisonlibanaise

Serveuse à 14 ans

« Ma carrière a débuté sans que je m’en rende compte, à 14 ans, lorsque j’ai commencé à travailler comme serveuse dans un restaurant à Faqra », raconte Teya. Elle est l’avant-dernière d’une famille de 4 enfants et « n’avait pas vraiment besoin de travailler », mais cet univers l’attire. Pour son premier week-end de travail, elle fait croire à ses parents qu’elle est chez sa cousine. Mais finit par leur avouer rapidement la vérité. « Mon père était totalement opposé à l’idée que je travaille, se souvient-elle. Il a fini par lâcher prise en comprenant que j’aimais le job et les rencontres que j’y faisais. » Ses week-ends seront donc chargés, au détriment de ses amitiés et de sa vie d’adolescente, mais au final, elle travaillera dans ce même restaurant jusqu’à ses 20 ans.

Teya Mikhael, cheffe de la cuisine du restaurant La Maison libanaise. Photo tirée du compte instagram @maisonlibanaise

Entre-temps, elle s’inscrit à l’Université Notre-Dame – Louayzé pour obtenir une licence en gestion de l’hôtellerie et des événements. Le père de Teya, un homme d’affaires, tente, lui, de lancer un restaurant à Harissa avec un partenaire. La jeune apprentie prend en charge la cuisine et développe le menu et les recettes avec un chef. Le partenariat ne durera que huit mois, mais cela suffit à Teya pour réaliser qu’elle aime le travail en cuisine. C’est ainsi qu’après avoir obtenu sa licence, elle décroche un premier boulot de commis de cuisine dans un hôtel à Achrafieh. « Ce sera pour moi l’équivalent d’une école culinaire, j’ai beaucoup appris », confie-t-elle. Elle comprend aussi que la cuisine est un milieu dominé par les hommes et qu’elle doit « doubler les efforts pour s’imposer ». Dans le même temps, Teya a des vues sur Baron, le restaurant d’Athanasios Tommy Kargatzidis, à Mar Mikhaël, considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs restaurants de la région MENA (numéro 16 du 50 Best Restaurants 2023). « J’adorais ce qu’il faisait, c’était pour moi le meilleur restaurant de Beyrouth », se souvient-elle. Elle postule deux fois avant d’être contactée et finalement embauchée en octobre 2017 en tant que commis de cuisine. C’est là qu’elle apprendra à être créative et à s’amuser en cuisine.

Une table généreuse aux couleurs et saveurs libanaises. Photo DR

La « mouné » à Qobeyate

C’est l’expérience qui suit qui sera pour elle une des plus marquantes. Lorsque le Covid-19 s’installe, elle passe une bonne partie de son temps à Qobeyate. Avec les habitants du village, elle apprend à faire de la mouné. Avec une téta du village, elle découvre les épices, les herbes, … apprend à faire du fromage, des kabiss, ces cornichons locaux, et du concentré de tomates. « La nourriture faite maison est tellement meilleure. Faire ressortir le goût des aliments sans interférence chimique, c’est tout simplement magnifique », assure-t-elle. Sa pause bucolique prend fin lorsqu’elle est recrutée en tant que cheffe de cuisine à la Lebanese Bakery. Mais avant de retourner en ville, Teya prend le temps de faire une tournée des furns, les fours traditionnels de son village, pour maîtriser la technique de la man’ouché. « Je n’ai peut-être pas fait d’école de cuisine, mais apprendre sur le tas, c’est tout aussi bien », dit-elle. Cette nouvelle entreprise ne lui fait pas peur, bien au contraire. Elle contribue à développer le menu de la boulangerie et introduit de nouvelles recettes dans toutes ses filiales, à Londres et ailleurs.

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C’est là qu’elle reçoit un message laconique sur LinkedIn : « Êtes-vous intéressée pour travailler avec nous ? » L’expéditeur, Christopher Mark, est le cofondateur du groupe Black Sheep Restaurants. « Je ne savais rien de lui, de son groupe, ni de Hong Kong, raconte Teya. J’ai pensé que c’était une blague. » Après une petite recherche, elle répond positivement malgré le « non catégorique » de son père. L’idée de partir si loin et de vivre dans une ville qu’elle ne connaît pas angoisse la jeune femme. « C’était la première fois dans ma carrière que j’ai vraiment eu peur. » Elle attendra plus d’un an pour obtenir son visa, et lorsque celui-ci est enfin délivré, elle quitte le Liban en une semaine avec une seule valise à la main. 14 jours d’isolement dans un hôtel plus tard, en raison des restrictions imposées par Hong Kong dans le cadre de la pandémie, Teya démarre enfin sa nouvelle mission.

La Maison libanaise à Hong Kong. Photo tirée de leur compte instagram@maisonlibanaise

Les recettes de grand-mère

Lorsqu’elle prend les rênes du restaurant Maison libanaise, elle n’hésite pas à revoir entièrement le menu et les recettes. Elle a une vision claire en tête : « Je voulais que ce soit un restaurant que je fréquenterais au Liban. » Teya utilise les recettes de sa mère et de sa grand-mère pour retrouver les saveurs authentiques de la cuisine libanaise. « Je voulais le bon goût de la maison et rester fidèle à la cuisine libanaise. » Elle doit quand même s’adapter à la clientèle de Hong Kong : « Le taboulé et le makdous d’aubergines ne sont pas très populaires ici », reconnaît-elle. Mais son menu reste composé de tout ce qu’elle aime : hommos, mouhammara, baba ghannouge, fattouche, chich taouk. Pour le déjeuner du dimanche, Teya décide d’introduire les grillades à la maison. Sur le toit du restaurant, elle installe un barbecue et cuisine devant les clients, recréant ainsi l’ambiance conviviale d’un dimanche en famille à la montagne. Le succès est au rendez-vous et le restaurant ne désemplit pas, attirant de plus en plus de Libanais, se réjouit-elle. Teya, qui par le passé avait eu du mal à s’imposer dans une cuisine d’hommes, dirige désormais une équipe de 80 personnes constituée à majorité de femmes. « C’est un peu le fruit du hasard, dit-elle. Mais le restaurant est devenu une véritable maison gérée par des femmes, des mères qui font un excellent travail. » Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est « terminer une bonne journée de service autour d’un verre avec toute l’équipe ». Qu’en est-il de ses projets d’avenir ? « Hong Kong est une ville magnifique, très dynamique, et je ne sens pas que ma mission ici soit terminée. Mais je me dis toujours que je rentrerai au Liban à un moment donné. »

Elle ne connaissait personne à Hong Kong et n’avait jamais envisagé travailler à 7 000 kilomètres de Beyrouth. Mais à 28 ans, Teya Mikhael a quitté le Liban pour la ville aux gratte-ciels, pour devenir la cheffe de cuisine de Maison libanaise, l’un des trente restaurants (dont deux étoilés Michelin) du groupe Black Sheep Restaurants. Sa journée de travail commence à 6h, lorsque...

commentaires (2)

Les meilleurs m’neish au furn al lubnani! Bravo Teya pour cette belle initiative, une excellente ambassadrice du Liban a Hong Kong!

CW

12 h 48, le 23 juin 2023

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Commentaires (2)

  • Les meilleurs m’neish au furn al lubnani! Bravo Teya pour cette belle initiative, une excellente ambassadrice du Liban a Hong Kong!

    CW

    12 h 48, le 23 juin 2023

  • Belle histoire...

    Jack Gardner

    17 h 21, le 15 juin 2023

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