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Moyen-Orient - Repère

Où en sont les négociations sur le nucléaire iranien ?

Si la possibilité de faire revivre l’accord de Vienne semble pour l’heure enterrée, les signes de compromis entre la République islamique et les États-Unis se multiplient.  

Où en sont les négociations sur le nucléaire iranien ?

L'ayatollah Ali Khamenei visitant une centrifugeuse à Téhéran, le 11 juin 2023. Photo Reuters

Pourparlers indirects à Oman et directs à New York, coopération accrue avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) : L'Iran multiplie les signes d’ouverture envers les États-Unis tout en restant ferme sur sa volonté de garder une industrie nucléaire qu’elle dit être à vocation civile. De son côté, faute de soutien politique pour revenir à l'accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien (JCPOA), l’administration américaine se montre favorable à une «entente » a minima pour limiter le programme nucléaire iranien et, espère-t-elle, créer ainsi les conditions d’une désescalade régionale.

Ce que l’on sait

● Un haut responsable diplomatique iranien s'est entretenu lundi à Abou Dhabi avec des représentants français, britannique et allemand sur des dossiers stratégiques, dont le programme nucléaire iranien, ont indiqué mardi des sources diplomatiques.

● Le guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, s’est dit prêt dimanche à conclure un accord avec les pays occidentaux sur le programme nucléaire iranien, tout en posant ses conditions. « Il n’y a rien de mal dans un accord (potentiel avec l’Occident), mais l’infrastructure de notre industrie nucléaire ne doit pas être touchée », a-t-il affirmé, tout en niant que son pays cherchait à acquérir la bombe atomique.

● L’Iran et les États-Unis ont tenu des pourparlers indirects sur le nucléaire iranien à Oman en mai, selon le site Axios. Le but : parvenir à une « entente » sur l’arrêt du développement du programme nucléaire iranien, qui pourrait poser les bases pour des négociations sur un futur accord. Des discussions indirectes se poursuivent par l'intermédiaire d'Oman, a confirmé lundi un responsable diplomatique à Téhéran, évoquant notamment des pourparlers « sur la levée des sanctions » américaines visant l'Iran.

● Des réunions directes ont aussi eu lieu aux États-Unis entre l’ambassadeur iranien à l’ONU, Amir Saeed Iravani, et l'envoyé spécial américain sur l’Iran, Robert Malley, selon des révélations du Middle East Eye (MEE). Un responsable iranien a confirmé à Reuters que les deux diplomates s’étaient rencontrés à trois reprises.

Le contexte

● Les pourparlers indirects entre les États-Unis et l'Iran sur un retour au JCPOA ont échoué en septembre 2022, chaque camp accusant l’autre d’avoir des demandes maximalistes. L’accord, duquel les États-Unis se sont retirés unilatéralement en 2018 sous l'ancien président Donald Trump, visait à empêcher l'Iran de développer une arme nucléaire en échange de la fin des sanctions occidentales.

● Depuis le retrait américain, la République islamique a continué à développer son programme nucléaire, dont elle nie toute portée militaire. En février, l’AIEA a pourtant annoncé avoir détecté dans l’usine souterraine de Fordo des particules d'uranium enrichi à 83,7 %, soit juste en deçà des 90 % nécessaires pour produire une bombe atomique.

● La coopération militaire accrue de l’Iran avec la Russie en pleine guerre d’Ukraine, où des drones militaires iraniens seraient utilisés, embarrasse Washington dans l’optique de pourparlers avec la République islamique. John Kirby, un porte-parole de la Maison-Blanche, a averti le 9 juin que la Russie « reçoit du matériel d'Iran pour construire une usine de drones » sur son sol et ce site « pourrait être pleinement opérationnel au début de l'année prochaine », selon des documents de renseignement déclassifiés.

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● Washington a fait référence, à plusieurs reprises, à une potentielle action militaire, reprenant des éléments de discours brandis par son allié israélien, qui mène une guerre de l’ombre depuis des décennies contre la République islamique. En face, l’Iran a construit une usine nucléaire souterraine si profonde qu’elle serait hors de portée des missiles américains fabriqués à cet effet, a révélé fin mai l'agence Associated Press. La Maison-Blanche a finalement toujours dit préférer la solution diplomatique, malgré une opposition bipartisane contre un retour à l’accord de 2015.

● Les Européens, intermédiaires dans les négociations, ont récemment poussé les États-Unis à se remettre à la table des négociations. En avril, Washington a ainsi discuté avec l’Union européenne et Israël d’un possible accord intérimaire permettant une levée de sanctions plus modeste en échange d’un allègement d’une partie du programme nucléaire iranien, selon Axios. Médiateur traditionnel dans la région, le sultan d’Oman, Haitham ben Tareq al-Said, a effectué une visite de deux jours en Iran le 28 mai. Téhéran et Washington ont néanmoins démenti le 8 juin une information de MEE selon laquelle les deux parties s’approcheraient d’un tel accord provisoire.

● Samedi 10 juin, lors d’un échange téléphonique avec son homologue iranien Ebrahim Raïssi, le président français Emmanuel Macron a souligné « l'importance que Téhéran prenne des mesures de désescalade », ainsi que « les engagements pris auprès de l'AIEA ». Quelques jours plus tôt, le chef de l’agence atomique, Rafael Grossi, avait jugé trop « lente » la coopération de Téhéran sur la réinstallation de caméras de surveillance sur plusieurs sites nucléaires. Une décision prise le 4 mars dernier, avec celle d'augmenter le rythme des inspections.

● Le 30 mai, l'agence de presse officielle iranienne IRNA rapportait cependant que Téhéran et l’AIEA avaient par ailleurs clos deux litiges relatifs à la présence de traces d’uranium enrichi sur trois sites non déclarés. La fermeture de l’enquête était une condition iranienne pour un retour au JCPOA l’été dernier.

● En parallèle, l'Irak a accepté de payer environ 2,76 milliards de dollars de dettes de gaz et d'électricité à l'Iran après avoir reçu des États-Unis une dérogation aux sanctions, a déclaré le 10 juin à Reuters le ministère irakien des Affaires étrangères. « Cette dérogation montre que les États-Unis sont prêts à répondre aux récentes concessions iraniennes», écrit sur Twitter Sina Toossi, chercheur non résident au Center for International Policy, basé à Washington. Il suggère aussi que les deux pays « explorent différentes options pour surmonter l’impasse des négociations nucléaires», selon lui.

Les enjeux

● « Une dynamique est certainement en train de se mettre en place pour parvenir à un nouvel accord avec Téhéran, mais je suis sceptique quant aux informations qui suggèrent que le JCPOA est en train d'être relancé », estime Sanam Vakil, directrice de Chatham House Mena, selon laquelle « les parties cherchent avant tout à apaiser les tensions ». Certains médias laissaient entendre qu’en contrepartie d’un arrêt du développement de son programme nucléaire et d’un échange de prisonniers, l’Iran pourrait obtenir le dégel d’une partie de ses avoirs, ainsi que la possibilité d’exporter jusqu’à un million de barils par jour.

● Cette dernière concession pourrait profiter au président Joe Biden avant les élections de 2024, évitant une crise régionale avec l’Iran, mais aussi en freinant la montée des prix du pétrole que la récente décision saoudienne de diminuer la production quotidienne a provoquée. Pour le président-candidat, il s’agit de contourner l’opposition bipartisane à tout accord avec la République islamique, notamment face aux craintes qu’une levée des sanctions contre l’Iran se traduise par un gain militaire pour Moscou. Une « entente » plus limitée, qui ne nécessiterait pas un vote au Congrès, pourrait ainsi faire l’affaire, surtout si elle est accompagnée d’une libération de ressortissants américains détenus en Iran. Le 12 juin, Téhéran a fait savoir qu’un échange de prisonniers avec les États-Unis pourrait bientôt avec lieu.

● Sur le plan régional, Washington s’est récemment montré très actif auprès de son allié israélien et de son partenaire saoudien, qui a signé un accord de normalisation avec Téhéran le 10 mars, laissant penser qu’il les a informés de l’avancée du dossier. En 2015, reproche lui avait été fait de ne pas avoir associé les pays du Golfe aux négociations préalables à la signature de l’accord de Vienne. Au côté de l’État hébreu, ils avaient ensuite décrié le deal, anticipant une extension de l’influence de l’Iran dans la région. Aujourd’hui encore, Israël « pourrait essayer de perturber les négociations par une pression diplomatique, le partage de renseignements, des déclarations publiques ou des actions clandestines », souligne Sina Toossi.

● Se montrant plus ouvert aux négociations, Téhéran ne s’engagera pourtant pas dans un accord avec les États-Unis sans garantie qu’ils ne s’en retireront pas une nouvelle fois, selon Sina Toossi : « La question-clé dans le discours de Khamenei sur l’industrie nucléaire qui ne doit pas être touchée est ce à quoi il fait référence : aux centrifugeuses avancées, aux réserves d’uranium enrichi, etc. » Une chose est sûre, pour le chercheur, le guide suprême a dit clairement qu’il « n’accepterait aucun accord qui sape les capacités nucléaires de l’Iran ».

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