Le discours de Saad Hariri devant la promotion de l’école internationale al-Najd en Arabie saoudite, à l’occasion de la fin des études scolaires de son fils Abdel Aziz, a provoqué un choc au niveau de la rue sunnite libanaise. Les nombreux nostalgiques de l’ère Hariri y ont vu les prémices d’un retour de l’ancien Premier ministre dans l’arène politique, alors que d’autres se sont empressés de préciser que le discours a été prononcé via zoom à partir d’Abou Dhabi.
C’est une fois de plus un signe de la confusion qui règne au niveau du leadership sunnite, à l’heure où plusieurs forces cherchent à s’approprier la base populaire du courant du Futur, sans parvenir à obtenir ni l’adhésion des partisans ni un encouragement clair de la part des autorités saoudiennes, qui constituent le soutien traditionnel des sunnites du Liban. Ceux qui appuient l’idée d’un retour imminent de Saad Hariri sur la scène politique estiment ainsi que même prononcé de loin, le discours du leader sunnite a été largement diffusé sur les réseaux sociaux et il n’aurait pas pu avoir lieu sans une autorisation préalable saoudienne. Selon eux, ce serait le signe concret d’un changement d’attitude de la part du royaume à son égard. Dans ce sillage, des rumeurs ont circulé ces derniers jours sur une possible visite qu’effectuerait bientôt Saad Hariri au Liban, et qui marquerait réellement le début de son retour politique.
Toutefois, des sources proches du Futur démentent totalement ces rumeurs. Elles affirment que rien n’a changé sur le plan de la décision de Saad Hariri de se retirer de la scène politique libanaise. Le discours qu’il a prononcé à l’occasion de la remise de diplômes à l’école al-Najd était destiné à saluer cette étape importante dans la vie de son fils Abdel Aziz et cela n’a rien à voir avec la politique, selon elles. Sur ce plan, affirment les mêmes sources, Saad Hariri tient à avoir le moins de contacts possibles avec son assise populaire au Liban, préférant pour l’instant se concentrer sur ses affaires aux Émirats.
Ce n’est donc pas à la demande de Saad Hariri que l’ancien ministre des Télécommunications Mohammad Choucair a lancé il y a quelques jours son mouvement « Tous pour Beyrouth », dont la plupart des figures sont des anciens du courant du Futur. M. Choucair a même effectué récemment une visite à Dar el-Fatwa pour lancer le mouvement officiellement et obtenir ainsi une couverture religieuse sunnite. Mais certains anciens piliers du Futur, comme Ahmad Hariri (secrétaire général du parti) ou Ahmad Hachimiyé, qui préside « l’Association de Beyrouth pour le développement social », ont immédiatement affiché leur désapprobation, alors qu’ils sont tous les deux en conflit, depuis le départ de Saad Hariri. Chacun d’eux espérait en fait reprendre le flambeau, mais ils n’ont pas réussi à le faire, ni à convaincre la base populaire. Ils se sont toutefois retrouvés pour barrer la voie à une troisième personne. Ils ont aussi joint leurs efforts pour mener la bataille de l’élection de l’Union des familles beyrouthines, qui doit se tenir en juin (cette institution reste un phare dans le leadership sunnite à Beyrouth), ou celle de l’élection du Haut Conseil islamique chérié rattaché à Dar el-Fatwa, en automne.
Il est clair que les « haririens » mènent une guerre existentielle sur le plan de la représentation sunnite, face aux nombreuses personnalités et parties qui veulent s’approprier la base populaire du Futur. Ils utilisent ainsi l’idée d’un retour éventuel de Saad Hariri pour continuer à mobiliser la base, mais ils savent que les développements régionaux n’ont pas encore d’impact sur le plan interne libanais.
La scène est donc ouverte à tous ceux qui seraient intéressés. L’actuel Premier ministre Nagib Mikati a bien essayé, mais jusqu’à présent sa démarche n’a pas été concluante, d’autant qu’il n’a pratiquement plus de groupe parlementaire et qu’il n’a pas réussi à obtenir un aval saoudien à son action politique. L’ancien président du Conseil Fouad Siniora a lui aussi fait une tentative, mais la rue sunnite favorable au Futur n’a pas répondu à ses appels. D’autres personnalités sunnites cherchent aussi soit à former des groupes parlementaires ou politiques, soit à s’imposer sur le plan populaire à travers des aides via des associations humanitaires. C’est ainsi que le député et ancien ministre Fayçal Karamé cherche à revenir en force sur la scène politique, considérant qu’avec le rapprochement syro-saoudien en perspective, il est mieux placé que d’autres pour reprendre le flambeau des Karamé, non seulement à Tripoli mais aussi sur la scène sunnite en général. C’est dans cette optique qu’il a récemment effectué une tournée au Sud en commençant par Saïda, et qu’il compte annoncer aujourd’hui l’élargissement de son groupe parlementaire uniquement formé de députés sunnites, pour le 35e anniversaire de l’assassinat de son oncle et ancien Premier ministre Rachid Karamé le 1er juin 1987.
Fouad Makhzoumi brigue lui aussi une place de choix sur la scène sunnite en s’activant notamment à Beyrouth. Il vise la présidence du Conseil après l’élection présidentielle. Mais il devra dans ce contexte tenir compte de l’ancien Premier ministre Tammam Salam. Depuis près d’un mois, ce dernier a de nouveau ouvert aux visiteurs ses portes à Mousseitbé, faisant ainsi revivre la belle époque de son père Saëb Salam. Selon des sources proches de Dar el-Fatwa, il aurait pris cette décision après avoir reçu des encouragements de la part de Riyad alors que dans les coulisses politiques son nom revient de plus en plus comme étant le futur Premier ministre.
Il faut abolir Taïf et le confessionalisme pour devenir une vraie démocratie et une nation à part entière qui se suffit à elle même sans l’influence des pays et dictatures de la région.
17 h 21, le 31 mai 2023