Déconfiture

Le spectacle lamentable auquel nous avons assisté la semaine passée au Palais de justice mérite d'entrer dans les annales pour être enseigné à tous les étudiants du monde afin qu'ils saisissent comment, au pays de l'école de droit de Béryte, la magistrature s'est sabordée en faisant fi des lois, de la procédure et de l'éthique. Ce suicide judiciaire, qui a profondément choqué l'opinion publique, n'aurait peut-être pas eu lieu si la présidence n'était pas vacante par la faute de nos députés et si le gouvernement n'était pas paralysé. Il n'aurait certainement pas été perpétré si l'Inspection judiciaire, inefficace depuis longtemps, avait mis de l'ordre au sein du troisième pouvoir qui, voyant la complaisance et l'inertie qu'elle affichait face à certains juges insubordonnés, corrompus ou politisés, s'est cru tout permis et au-dessus des lois… Toujours est-il que l'enquête sur l'explosion du port est, encore une fois, prise en otage et ligotée par ceux qui en redoutent les conclusions, et que le pays, déjà dépourvu de Président, de Premier ministre opérationnel et de Parlement capable, est désormais sans Justice. Or un pays sans Justice sombre fatalement dans l'arbitraire ou le chaos – ce qui représente sans doute l'ambition ultime de ceux qui ont confisqué notre République.

Si les grandes puissances mettaient autant d'énergie à aider le Liban à recouvrer sa souveraineté et sa prospérité qu'elles en déploient pour finaliser l'accord des frontières maritimes avec leur allié israélien et obtenir la libération illégale de leurs ressortissants inculpés, nous n'en serions pas là.