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Moyen-Orient - FOCUS

Le meurtre d’une femme et de son enfant provoque le mécontentement des Raqqaouis contre les Kurdes

Des manifestations ont agité la ville le week-end dernier, démontrant un manque de confiance grandissant envers les autorités à majorité kurde qui contrôlent la région.

Le meurtre d’une femme et de son enfant provoque le mécontentement des Raqqaouis contre les Kurdes

Un membre des Forces démocratiques syriennes agite le drapeau du groupe sur la place al-Naïm de Raqqa après la libération, en 2017, de la ville, occupée jusque-là par le groupe État islamique. Bulent Kilic/AFP/Getty Images

« Nous sommes tous Rama. » Au premier rang des manifestations à Raqqa, de petites filles brandissent des pancartes dénonçant le meurtre, le 16 janvier, de l’enseignante Noura Ahmad, enceinte, et de sa fille Rama, huit ans. Le week-end dernier, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de cette ville du nord-est de la Syrie. Les protestataires ont appelé à la condamnation à mort et à l’exécution publique des quatre personnes impliquées, accusant les autorités de protéger ces dernières en raison de leur appartenance aux Forces démocratiques syriennes (FDS), en charge de l’administration de la zone. S’il n’a pas participé aux rassemblements, Ali, qui se rend quotidiennement dans les territoires sous contrôle des FDS pour travailler, considère que « le meurtre de Noura Ahmad fait partie de leurs abus, et ceux qui ont fait cela doivent être tenus pour responsables ». D’après le média favorable au régime al-Mayadeen, les protestataires ont incendié une partie des quartiers généraux des « Assayech », les forces chargées de la sécurité dans ces régions du Nord-Est syrien, ainsi que la maison d’un des meurtriers, Haval Jamie, affilié aux FDS. Les coupables ont tous été arrêtés, ont affirmé les Assayech, parmi lesquels une jeune femme kurde connue sous le nom de Sabreen.

Diffusée sur les réseaux sociaux la veille des manifestations, une vidéo du mari de la victime a dénoncé le favoritisme de la justice envers les coupables, qui seraient protégés illégitimement en raison de leurs liens avec les autorités de la région. Soutenues par Washington en échange d’une coopération dans la lutte antiterroriste, les FDS, à majorité kurde, font en effet partie de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (Aanes) qui gouverne une partie du Nord-Est syrien depuis la conquête en 2017 des zones contrôlées par le groupe État islamique. Depuis, « les FDS sont un système à part entière, explique Navvar Şaban, chercheur au centre des études stratégiques de l’Orsam Center, supposé fournir à la population toutes sortes de services et, notamment, garantir sa sécurité ».

Différences de traitement

Selon le chercheur, « si les régions à majorité kurde (Afrine, Kobani et Jazira) sont la priorité des FDS, sur tous les aspects, dans tous les secteurs, les régions à majorité arabe (Raqqa, Hassaké et Deir ez-Zor) ne le sont pas, ce qui laisse place à des failles sécuritaires: attaques de Daech, trafic de drogue, présence de milices soutenues par l’Iran, corruption locale… ». Mardi, un enfant de neuf ans a été tué dans le gouvernorat de Deir ez-Zor par l’explosion d’une mine posée par le groupe État islamique, a rapporté le journaliste et analyste Hussam Hammoud sur son compte Twitter. L’activiste Zeïn el-Abidine estime pour sa part que « le chaos augmente considérablement à Raqqa, Hassaké et Deir ez-Zor, et que les vols et les meurtres ne s’arrêtent pas ». Le trentenaire juge que « les FDS ne se soucient pas vraiment des conditions de vie des gens, se contentant de prélever des impôts, ou encore de kidnapper des enfants et des jeunes pour les mettre dans des camps de conscription ». Pour le journaliste basé dans la province de Raqqa, les FDS « ne sont qu’un corps étranger dans une société arabo-musulmane, et leurs idées (lui) sont étrangères ».

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Ancienne capitale syrienne de l’EI, Raqqa est notamment composée de 90 % d’Arabes sunnites et subit régulièrement des tensions communautaires. Le résultat d’un « manque de confiance », selon un rapport de 2021 de l’International Crisis Group qui note que « les dirigeants kurdes des FDS ont encore du mal à obtenir le soutien de la population majoritairement arabe de la région ». Les récentes protestations à Raqqa sont donc non seulement représentatives d’une fatigue sociale croissante quant à l’augmentation de l’insécurité dans la région, mais, d’après Navvar Şaban, « elles signalent aussi la persistance du sentiment d’injustice » lié aux différences de traitement entre les populations kurde et arabe.

Lundi dernier, plus d’une trentaine de manifestants ont été arrêtés. Rien d’inhabituel, selon l’expert du centre d’Orsam : « Chaque fois qu’il y a une violation de la sécurité dans les zones à majorité arabe, la réponse des FDS est extrême si la population s’exprime. » L’activiste Zein el-Abidine insiste quant à lui sur le fait que les FDS « ont toujours un prétexte et des accusations prêts » pour arrêter les civils. Il avertit en outre que si justice n’est pas rendue dans le meurtre de Noura Ahmad – bien que n’appliquant pas la peine capitale, l’Aanes a appelé à faire confiance au système judiciaire –, la population arabe pourrait « aller plus loin ». La réaction sécuritaire des forces à majorité kurde face au mécontentement des populations sous leur contrôle pourrait ainsi « créer un environnement propice à l’épanouissement de l’État islamique, qui profite habituellement des zones instables pour faire émerger ses cellules », prévient Navvar Şaban.

« Nous sommes tous Rama. » Au premier rang des manifestations à Raqqa, de petites filles brandissent des pancartes dénonçant le meurtre, le 16 janvier, de l’enseignante Noura Ahmad, enceinte, et de sa fille Rama, huit ans. Le week-end dernier, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de cette ville du nord-est de la Syrie. Les protestataires ont appelé à la...

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