L'ONG Amnesty MENA a critiqué jeudi le système judiciaire libanais pour avoir "agi rapidement pour pénaliser" les proches des victimes de la double explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020 qui ont manifesté mardi devant le palais de justice contre l'absence d'avancée judiciaire sur cette affaire.
La justice libanaise a convoqué un certain nombre de proches des victimes pour les interroger, sous plusieurs chefs d'accusation : émeutes, vandalisme et dégradation des bureaux au palais de justice.
"Il est absurde de voir le pouvoir judiciaire agir rapidement pour pénaliser les familles des victimes qui demandent justice, au motif qu'elles ont jeté des pierres sur le palais de justice", a déclaré Amnesty dans un communiqué sur Twitter. "Tandis que près de deux ans et demi après l'explosion de Beyrouth qui a décimé plus de la moitié de la ville, personne n'a été amené à rendre des comptes", poursuit l'organisation.
Les autorités ont convoqué Peter Bou Saab et William Noun, dont les frères, membres de la brigade des pompiers, sont morts lors de leur intervention sur les lieux de l'explosion. Une partie de la colère des manifestants s'est dirigée vers le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, accusé de bloquer les nominations judiciaires qui permettraient de faire avancer l'enquête sur ce drame qui a tué plus de 220 personnes et en a blessé 6 500 autres.
#Lebanon | It is absurd to see the judiciary acting swiftly to penalize families of the victims who are demanding justice for throwing stones at the Judicial Palace, while almost 2.5 years after the #Beirutblast that decimated over half the city, no one has been held to account.
— Amnesty MENA (@AmnestyMENA) January 12, 2023
"Les autorités libanaises ont clairement indiqué qu'elles ne s'intéressaient ni à la vérité ni à la justice et qu'elles utiliseraient tous les outils à leur disposition pour entraver l'enquête nationale et protéger les hommes politiques inculpés dans cette affaire", a ajouté Amnesty MENA. "Remplacer le juge Bitar [chargé de l'enquête] revient à écraser l'enquête. Le juge Bitar doit être autorisé à reprendre son travail immédiatement. Mais la communauté internationale doit également tenir compte des appels des victimes à une enquête internationale."
Le juge Bitar n'a plus le contrôle de l'enquête en raison des nombreux recours déposés contre lui par des fonctionnaires et responsables politiques soupçonnés dans l'enquête.
Entre-temps, début septembre, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a décidé de nommer un juge d'instruction suppléant, mais certaines des familles des victimes ont insisté sur le fait que Tarek Bitar est "le maître de son affaire" et ont affirmé qu'"avec un juge aussi audacieux et impartial, la vérité ne sera pas perdue." Quatre membres du CSM avaient convoqué une réunion pour ce jeudi afin de statuer sur cette nomination, mais la réunion n'a pas pu avoir lieu, faute de quorum.
Les proches des victimes protestent régulièrement contre le manque de progrès dans l'enquête et l'obstruction opérée par les politiciens de tous bords.
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