Portraits Portrait

Ghaleb Ghanem, la balance et la plume


Ghaleb Ghanem, la balance et la plume

Ghaleb Ghanem prêtant serment devant le président Michel Sleiman et le ministre de la Justice Ibrahim Najjar.

Il est des êtres dont le parcours est tellement riche qu'on se demande s'ils ont vécu plusieurs vies. Ghaleb Ghanem est de ceux-là. Originaire de Baskinta, fils du grand écrivain Abdallah Ghanem (dont un centre culturel porte aujourd'hui le nom), il a occupé les plus importants postes au sein de la magistrature libanaise tout en enseignant dans plusieurs universités et en multipliant conférences et publications.

Président du Conseil d'État et du Conseil supérieur de la magistrature, après une longue carrière judiciaire (il fut successivement Juge unique à Jounieh, président du Tribunal de grande instance de Beyrouth, président de la Cour d’appel au Mont-Liban puis à Beyrouth, et procureur général du Mont-Liban), il a présidé l'Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF), témoignant ainsi des liens étroits entre le droit libanais et la francophonie. Au terme de cet itinéraire où il s'est distingué par sa science juridique, sa probité, sa neutralité, sa capacité à procéder à des permutations judiciaires réussies et son sens exceptionnel de l'organisation, il vient de publier ses Mémoires aux éditions Saer el-Machreq sous le titre Ayam al-safa' wal dawda' (Les Jours de sérénité et de tumulte), un ouvrage passionnant, émaillé de photos et d'anecdotes. Il nous raconte ses racines, l'influence majeure de ses parents et de la fratrie sur sa personnalité et sa culture, ses études de droit et de lettres à Beyrouth puis à Paris – l'occasion pour lui de dépeindre avec justesse la vie estudiantine de l'époque –, avant de s'attarder sur les différentes étapes de son parcours. Dans un style limpide qui témoigne d'une excellente maîtrise de la langue arabe et allie rigueur, poésie, lyrisme et spiritualité, il évoque les coulisses de la magistrature, ses propres rapports avec certains dirigeants toujours enclins à bafouer l'indépendance du troisième pouvoir, sa retraite et les propositions (refusées) pour entrer en politique comme ministre ou député, tout en brossant les portraits de personnalités marquantes qu'il a côtoyées comme Mikhaïl Naimeh, Boulos Salamé, Antoun Ghattas Karam, Edmond Rizk, Mgr Georges Khodr, Said Akl, Youssef el-Khal, Ounsi el-Hajj, Georges Schéhadé, Fouad el-Turk, Rachid Derbas ou Adonis…

On sent chez lui un amour profond pour son pays (qui lui a inspiré une lettre poignante à son frère Rafic, reproduite à la page 216), son village (dont il n'a jamais cessé de célébrer les vertus) et son « clan » familial, ainsi qu'une véritable passion pour son métier qui traverse actuellement une crise sans précédent : « La grandeur d'un magistrat ne se mesure pas à l'importance de son poste, mais à sa trempe », écrit-il en insistant sur la lourde responsabilité qui pèse sur les épaules de celui qui doit juger « au nom du peuple libanais »…

Les années de sérénité – celles de l'enfance, de la jeunesse et des débuts –, dont il parle avec nostalgie et émotion, précèdent la période du tumulte – celle de la guerre et des catastrophes. Ce contraste n'est-il pas à l'image du Liban, incomparable par son patrimoine et sa beauté, mais fréquemment confronté à des tempêtes dévastatrices ?

En dépit de son amertume, Ghaleb Ghanem demeure confiant, reprenant à son compte ces vers de Paul Eluard :

« La nuit n’est jamais complète. / Il y a toujours, puisque je le dis, / Puisque je l’affirme, / Au bout du chagrin / Une fenêtre ouverte, / Une fenêtre éclairée, / Il y a toujours un rêve qui veille. »

Il faut espérer qu'un homme de sa trempe puisse encore servir notre pays pour contribuer à le sauver !


Ayam al-safa' wal dawda' (Les Jours de sérénité et de tumulte) de Ghaleb Ghanem, éditions Saer el-Machreq, 2022, 475 p.

Il est des êtres dont le parcours est tellement riche qu'on se demande s'ils ont vécu plusieurs vies. Ghaleb Ghanem est de ceux-là. Originaire de Baskinta, fils du grand écrivain Abdallah Ghanem (dont un centre culturel porte aujourd'hui le nom), il a occupé les plus importants postes au sein de la magistrature libanaise tout en enseignant dans plusieurs universités et en multipliant...

commentaires (1)

Pour avoir connu personnellement ce grand homme qui a été mon professeur, je ne peux qu'être ravie de lire cet article. Des magistrats de sa trempe sont une nécessité absolue dans notre pauvre pays où "la justice" n'a pas fière allure ces jours-ci.

Jocelyne Hayeck

18 h 31, le 13 février 2023

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Commentaires (1)

  • Pour avoir connu personnellement ce grand homme qui a été mon professeur, je ne peux qu'être ravie de lire cet article. Des magistrats de sa trempe sont une nécessité absolue dans notre pauvre pays où "la justice" n'a pas fière allure ces jours-ci.

    Jocelyne Hayeck

    18 h 31, le 13 février 2023

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