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Monde - REPÈRE

Ce que l’on sait du scandale du "Qatargate" qui ébranle Bruxelles

Considérée comme l’affaire la plus sérieuse et la plus choquante touchant le Parlement européen depuis des années, l’enquête belge qui impliquerait le Qatar pourrait conduire à des réformes au sein des institutions européennes.

Ce que l’on sait du scandale du

Le Parlement européen à Bruxelles, où il est écrit, « votre voix compte ». Photo d'archive Kenzo Tribouillard/AFP

Révélé durant le week-end, le scandale de corruption lié à l’hôte de la Coupe du monde, qu'on surnomme déjà "Qatargate", a touché le cœur de la vie politique européenne. À Bruxelles, le choc est violent et les appels aux réformes se font déjà entendre.

Les faits

• Pour sa vingtième perquisition depuis vendredi, la police belge a fouillé lundi les locaux du Parlement européen, dans le cadre d’une enquête du parquet fédéral belge visant d’importants versements d’argent pour influencer la politique européenne. Selon une source judiciaire, ces transferts impliqueraient le Qatar.

• La vice-présidente du Parlement européen, la Grecque Eva Kaili, a été incarcérée dimanche pour corruption, aux côtés de trois ressortissants italiens, dont son compagnon.

• La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, lui a retiré samedi soir toutes les tâches qui lui étaient déléguées, notamment celle de la représenter au Moyen-Orient. « Il n’y aura aucune impunité », a-t-elle déclaré, annonçant une « enquête interne pour examiner tous les faits liés au Parlement » et affichant une volonté de réformer l’institution.

• Selon le média Politico, l’Italien Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste et directeur de l’ONG Fight Impunity, a également été interpellé vendredi. Il est accusé par les autorités italiennes d’« être intervenu politiquement pour le bénéfice du Qatar et du Maroc auprès des membres travaillant au Parlement européen ».

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• L’affaire a créé une onde de choc au sein des institutions européennes. Les soupçons de corruption au sein du Parlement européen sont « très graves », a estimé lundi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Le chef de la diplomatie Josep Borell a quant à lui jugé ces informations « très préoccupantes ». Les ministres européens des Affaires étrangères ont eux averti que la crédibilité de l’Union européenne était en jeu.

• La présidente du Parlement européen s’est néanmoins félicitée que les plans de « ces acteurs malveillants liés à des pays tiers autocratiques » aient échoué, alors qu’ils « ont apparemment utilisé des ONG, des syndicats, des individus, des assistants et des députés européens comme des armes dans le but de soumettre nos processus ».

• Doha a rejeté dimanche dans un communiqué toute tentative visant à l’associer à des accusations de mauvaise conduite. Des allégations qu’il juge « sans fondement et sérieusement mal informées ».

Le contexte

• L’affaire éclate en pleine Coupe du monde au Qatar, dont l’obtention en 2010 est entourée de scandales de corruption, et pour laquelle le pays a investi plus de 220 milliards de dollars.

• Sous le feu des projecteurs, Doha a lancé des réformes du droit du travail pour répondre aux critiques émises depuis sur la question des droits de l’homme, notamment concernant les travailleurs migrants.

• Fervente défenseuse de l’émirat, la vice-présidente Eva Kaili s’y était rendue seule début novembre où elle avait rencontré le ministre du Travail et salué les réformes de l’émirat dans ce secteur. Au Parlement européen, elle avait créé la polémique fin novembre en défendant la « transformation historique d’un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe ».

• L’émir Tamim ben Hamad al-Thani s’est néanmoins plaint fin octobre de faire l’objet d’une « campagne de critiques sans précédent », fondée sur une politique des deux poids, deux mesures.

• Fort de son soft power, le Qatar cherche à améliorer son image à l’étranger. Doha a ainsi signé un contrat d’une décennie pour plus de 200 millions de dollars avec David Beckham afin qu’il devienne ambassadeur culturel du pays.

• L’émirat a déjà été pointé du doigt dans des affaires de lobbyisme illégal aux États-Unis, remontant notamment à l’époque du blocus du quartette arabe (Riyad, Abou Dhabi, Le Caire et Manama) contre Doha entre 2017 et 2021.

• L’enquête belge a été révélée après que le comité des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a approuvé le 1er décembre une proposition de loi exemptant notamment les ressortissants du Qatar de visa Schengen pour des séjours allant jusqu’à 90 jours. Certains eurodéputés ont appelé à suspendre le vote prévu cette semaine permettant d’entamer les négociations finales.

• Le Qatar est par ailleurs l’un des premiers pays exportateurs de gaz naturel liquéfié, vers lequel se sont tournés les Européens pour remplacer les livraisons de gaz russe dans le contexte de la crise ukrainienne.

Les enjeux

• Bruxelles a cherché depuis la guerre en Ukraine à accélérer la concrétisation d’un partenariat stratégique avec le Golfe, dévoilé en mai dernier, y compris à travers un accord de libre-échange.

• Si l’UE a fait preuve de prévoyance en remplissant ses réservoirs de gaz, profitant d’un automne relativement doux, le Qatar reste un partenaire incontournable pour surmonter la crise énergétique attendue cet hiver en Europe.

• « L’incident actuel montre avec quelle agressivité les pays tiers tentent d’exercer une influence dans l’UE », a déclaré Daniel Freund, eurodéputé vert allemand et coprésident de l’intergroupe anticorruption au Parlement européen, cité par The Guardian. « Ceux qui le font par des moyens illégaux, voire par des pots-de-vin, doivent être punis. »

• Mais les critiques sont jusqu’à présent surtout tournées vers les institutions européennes et le manque de protection contre les ingérences étrangères. Une solution proposée serait d’appliquer aux pays tiers les règles de lobbying existantes, afin de publier leurs efforts et réunions dans le registre de transparence de l’UE. La présidente du Parlement européen a ainsi déclaré vouloir mieux protéger les lanceurs d’alerte.

• De nouveau évoquée, l’instauration d’une entité éthique indépendante avait été proposée par l’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son entrée en fonctions.

• À l’heure où l’euroscepticisme gagne du terrain dans de nombreux pays, cette affaire de corruption risque d’ébranler encore plus la confiance des citoyens européens dans les institutions des 27.

Révélé durant le week-end, le scandale de corruption lié à l’hôte de la Coupe du monde, qu'on surnomme déjà "Qatargate", a touché le cœur de la vie politique européenne. À Bruxelles, le choc est violent et les appels aux réformes se font déjà entendre.Les faits• Pour sa vingtième perquisition depuis vendredi, la police belge a fouillé lundi les locaux du Parlement européen,...

commentaires (1)

On ne s'étonne pas. Les Qataris sont habitués à régler les problèmes et les conflits avec les sacs de dollars. Rien qu'à revoir comment ils auraient distribué ces cadeaux à nos politiques en 2008, et ils seraient sur le point de recommencer incessamment.

Esber

15 h 14, le 13 décembre 2022

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Commentaires (1)

  • On ne s'étonne pas. Les Qataris sont habitués à régler les problèmes et les conflits avec les sacs de dollars. Rien qu'à revoir comment ils auraient distribué ces cadeaux à nos politiques en 2008, et ils seraient sur le point de recommencer incessamment.

    Esber

    15 h 14, le 13 décembre 2022

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