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Culture - Installation

Annabel Kassar fait entrer la maison libanaise au V&A Museum

L’architecte franco-libanaise présente au sein du prestigieux musée londonien, « The Lebanese House : Saving a home, Saving a city », une reconstitution en dimensions réelles de la façade d’une demeure beyrouthine du XIXe siècle impactée par l’explosion du 4 août 2020. Une pièce architecturale et interactive qui draine un flot de visiteurs fascinés par ce qu’elle raconte de la splendeur et du drame de Beyrouth.

Annabel Kassar fait entrer la maison libanaise au V&A Museum

Annabel Kassar devant son installation au V&A Museum de Londres. Photo Ed Reeve

« Contribuer à faire parler de Beyrouth, autant au sujet de la conservation de son patrimoine architectural que de l’impact traumatique de l’explosion du 4 août sur la vie de ses habitants. » C’est à cela que se consacre, artistiquement, Annabel Karim Kassar dès qu’elle en a l’occasion.

En 2016 déjà, cette architecte franco-libanaise avait transposé un morceau de Beyrouth au bord de la Tamise à travers une installation qui recréait sur le parvis de la Somerset House ses façades bigarrées, ses échoppes, ses pancartes colorées, ses marchands ambulants, son chaos, ses bruits et ses saveurs…. Intitulée « Mezzing in Lebanon », l’œuvre réalisée dans le cadre de la Biennale de design de Londres lui avait valu la London Design Biennale Medal. Et l’appréciation profonde de Christopher Turner, le directeur de la manifestation, pour son travail alliant avec subtilité héritage et modernité.

Six ans plus tard, c’est la reconstitution en taille réelle de la façade de Beyt K, une demeure typique de l’architecture beyrouthine du XIXe siècle sévèrement endommagée par l’explosion du 4 août 2020 qu’elle présente, jusqu’au 25 septembre, au sein du prestigieux Victoria & Albert Museum (V&A) de la capitale britannique.

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Baptisée The Lebanese House : Saving a home ; Saving a city (La maison libanaise : sauver une maison ; sauver une ville), sa nouvelle installation illustre la croisade que mène avec passion, depuis quelques années déjà, cette architecte à travers son studio AKK pour préserver l’identité culturelle, patrimoniale et architecturale de Beyrouth. Une mission devenue encore plus cruciale pour Annabel Kassar depuis la crise et la tragédie du port. « Certains estiment que dans le désastre économique actuel les questions de patrimoine et de préservation ne sont pas prioritaires. Je pense personnellement que chacun, à son niveau, peut faire quelque chose. En tant qu’architecte, j’essaye de parler de ce qui est arrivé aux bâtiments de Beyrouth après l’explosion et à sensibiliser à la nécessité de leur préservation. Car derrière le bâti, il y a la vie des gens, leur mémoire, leur histoire et par extension celle de la ville et de ses quartiers qu’il est important de sauvegarder », indique-t-elle à L’OLJ.

Au V&A, une reconstitution en dimensions réelles de la façade d’une demeure beyrouthine du XIXe siècle impactée par l’explosion du 4 août 2020. Photo Ed Reeve

Derrière le bâti, il y a la vie des gens, leur mémoire, leur histoire…

Pour raconter à la fois la splendeur et le drame de Beyrouth, que proposer de plus éloquent aux visiteurs du V&A qu’une reproduction de l’une de ces rares bâtisses ottomanes-vénitiennes échappées aux bulldozers des promoteurs immobiliers libanais, mais malheureusement rattrapée par la catastrophe du 4 août 2020 ?

Une maison à triples arcades, datant de 1860 et située à Gemmayzé, dont le chantier de réhabilitation avait été confié au studio AKK et dont la restauration était en cours lorsque la double explosion a eu lieu. Si sa structure, qui venait d’être renforcée, a résisté au souffle terrible venu du port, elle n’en a pas moins été gravement endommagée. Attelée à nouveau à sa réparation, Kassar a eu l’idée d’en transposer une réplique au sein du musée londonien dans le cadre du programme que dédie ce musée à la conservation architecturale. Un programme dirigé justement par Christopher Turner, devenu entre-temps le directeur et curateur du design et de l’architecture au sein du V&A. C’est à lui que s’est adressée celle qui se bat pour la préservation du patrimoine bâti beyrouthin.

Depuis son ouverture au milieu du XIXe siècle, le musée V&A manifeste un intérêt pour la conservation architecturale dans le monde entier. Grâce à son programme Culture in Crisis, il fait même office de ressource et de centre pour la protection du patrimoine culturel mondial. Y présenter une installation mettant en lumière l’architecture traditionnelle des demeures beyrouthines et leur beauté en péril – à l’image de la ville et du pays tout entier – s’avérait donc parfaitement fondé.

Comme une métaphore de la reconstruction

L’œuvre présentée au musée de Londres déploie la reconstitution d’une façade en pierre de cinq mètres de haut avec des fenêtres à triple arcade intégrées, soutenue par des échafaudages de consolidation en bois « qui font à la fois écho à la construction d’une vraie maison et agissent comme une métaphore de la reconstruction de Beyrouth », souligne Annabel Kassar.

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Pour créer sur place son installation, l’architecte a eu recours à des ouvriers et artisans venus spécialement du Liban. « Ils ont utilisé des carreaux de céramique, du marbre et d’autres pièces provenant de la maison originale », précise celle qui, outre la façade, archétype de l’architecture libanaise traditionnelle du XIXe siècle, a également réinterprété le liwan traditionnel (un petit salon situé dans le hall d’entrée d’une résidence libanaise traditionnelle) et recréé une salle de réception typique, agrémentée de diwans aux coussins colorés invitant les visiteurs du musée à s’arrêter pour contempler l’installation et sa signification.

C’est dans ce liwan que les visiteurs assistent aux projections des trois films documentaires commandés par Kassar et réalisés par Wissam Charaf et Florence Strauss qui explorent l’incidence émotionnelle de l’explosion à travers des entretiens avec des habitants des quartiers dévastés de Beyrouth.

« Continuer à parler de Beyrouth »

Un moyen de rappeler aux spectateurs autant le riche passé du Liban que la tragique situation qu’il affronte depuis quelques années. « Car une maison est un lieu de souvenirs, une structure où les familles vivent souvent pendant des générations et qui devient un élément crucial de l’identité humaine et culturelle », insiste Kassar. « C’est pourquoi, nous considérons qu’à notre échelle, sauver une maison, c’est faire un pas pour sauver l’esprit d’une ville, son héritage et sa mémoire », affirme avec une note d’espoir l’architecte.

Dans cet esprit, elle tient à signaler que son installation sera intégrée au London Design Festival qui se tiendra du 17 au 25 septembre, « à travers une série de conférences qui seront données par des architectes venus du Liban, ainsi que des professionnels de la restauration qui expliqueront de manière détaillée la façon dont s’opère ce projet de rénovation ».

Pour conclure, Annabel Kassar formule le souhait que cette œuvre, « qui documente les conséquences sur le patrimoine, le vécu et la reconstruction de l’architecture de la ville à travers le sort d’un seul bâtiment », puisse être présentée de manière itinérante dans plusieurs capitales. « Pour continuer à parler de Beyrouth et ne pas laisser sa mémoire se déliter. »

« Contribuer à faire parler de Beyrouth, autant au sujet de la conservation de son patrimoine architectural que de l’impact traumatique de l’explosion du 4 août sur la vie de ses habitants. » C’est à cela que se consacre, artistiquement, Annabel Karim Kassar dès qu’elle en a l’occasion. En 2016 déjà, cette architecte franco-libanaise avait transposé un morceau de...

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