Critiques littéraires

Les Illuminati et le pouvoir occulte

Les Illuminati et le pouvoir occulte

D.R.

Au départ, c’est un ordre secret fondé par un universitaire bavarois, Adam Weishaupt (1748-1830) dans le but de fonder, par une initiation progressive, une « école de l’humanité » affranchie des dogmes religieux et de toute forme de conservatisme. Le premier recrutement est dans les milieux universitaires puisqu’il s’agit de former les élites à venir. L’ordre est créé le 1er mai 1776, chaque membre recevant un pseudonyme.

Les débuts sont difficiles, mais un lieutenant de Weishaupt entreprend de noyauter les loges maçonniques pour en faire les instruments de l’ordre. On arrive ainsi à 1394 membres identifiés dans l’espace germanique dans les années 1780-1785. Il faut certainement en doubler le nombre pour avoir le nombre total d’adhérents.

En 1785, les autorités bavaroises découvrent le mouvement et lancent une très dure répression avec, entre autres, la confiscation des papiers des adhérents d’où la très riche documentation archivistique dont disposent aujourd’hui les historiens. Les textes principaux sont même publiés pour dénoncer la conspiration. Un certain nombre d’adhérents, comme le jeune Goethe, rompt publiquement avec l’ordre afin de préserver leurs carrières.

Les autres passent dans la clandestinité. Ils se politisent dans le contexte de la Révolution française et rejoignent ceux que l’on a appelé les « jacobins allemands ». De même, les autorités politiques cessent de favoriser les Lumières et leurs partisans sont soupçonnés de collusion avec la France révolutionnaire.

C’est là où commence la seconde histoire des Illuminati. L’auteur décrit avec minutie comment la pensée contre-révolutionnaire va progressivement inventer leur complot.

On replace la vieille théorie des machinations jésuites par celle, nouvelle, des Illuminati. Il se constitue ainsi un réseau d’experts en Europe et même en Amérique du Nord qui échangent leurs informations. La Révolution française est ainsi le produit d’un complot où les francs-maçons et les Illuminati ont leur part. On remonte aux Templiers qui auraient survécu clandestinement afin de se venger de la monarchie française. On en arrive aux célèbres Mémoires pour servir l’histoire du jacobinisme de l’abbé Barruel à partir de 1796.

Dans les archives

Les théories du complot au scalpel

Les deux premiers volumes sont respectivement consacrés aux « sophistes de l’impiété », au premier rang desquels les philosophes pour le premier, aux « sophistes de la rébellion » autour de la maçonnerie des hauts grades pour le deuxième. Quant aux troisième et au quatrième, ils étudient les « sophistes de l’anarchie », soit les Illuminés de Bavière, mais aussi d’autres formes d’« illuminisme ».

Tout se met en place jusqu’à aujourd’hui. Alors que les Lumières dénonçaient la censure comme un obstacle aux progrès de la raison, on peut parler d’« Illuminati 2.0 », le moteur de la lecture complotiste de l’histoire: l’opinion ne peut s’informer librement par les canaux traditionnels car ils sont passés insidieusement sous le contrôle d’une pensée unique prétendument bien-pensante mais qui dissimule une inextinguible soif de domination. Elle passe maintenant par le contrôle de l’information. On se demande d’ailleurs comment les si nombreuses dénonciations du complot sont possibles dans ce cadre.

Tout à la fin, Barruel a ajouté les juifs aux catalogues, créant ainsi le complot juif qui prolonge ainsi celui des jésuites et des Illuminati.

Le reste de l’ouvrage fait l’inventaire des dénonciations des complots menés par les Illuminati de la fin d’un XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui, en particulier aux États-Unis. Les œuvres de fiction se sont largement emparées de ce thème, aussi bien en littérature, au cinéma que dans les jeux vidéos.

J’ajoute ici que ce complotisme se retrouve dans les discours du Covid-19 qui serait le produit d’un projet concerté s’inscrivant dans un projet de domination. On les trouve en particulier chez les « antivax » qui sont d’ailleurs prêts à mélanger différents complots. De même, le président Macron est la marionnette de puissances occultes et obscures. Certains soupçonnent même l’action d’extraterrestres.

L’ouvrage très documenté et bien mené se lit avec plaisir, mais on sait bien que toute réfutation des complots n’est, pour les adeptes concernés, qu’une preuve supplémentaire de leur existence.


Les Illuminati : de la société secrète aux théories du complot de Pierre-Yves Beaurepaire, Tallandier, 2022, 336 p.


Au départ, c’est un ordre secret fondé par un universitaire bavarois, Adam Weishaupt (1748-1830) dans le but de fonder, par une initiation progressive, une « école de l’humanité » affranchie des dogmes religieux et de toute forme de conservatisme. Le premier recrutement est dans les milieux universitaires puisqu’il s’agit de former les élites à venir. L’ordre est créé...

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