« Je vous serais gré si vous pouviez me faire un design de niche pour chien, qui serait facile à construire et, en même temps, irait avec le style de notre maison. Le nom de mon chien est Edward, mais nous l’appelons Eddie. Il a quatre ans, ou, dans la vie d’un chien, 28 ans. C’est un labrador retriever. Il mesure 62,23 cm de haut et 91,44 cm de long. La raison pour laquelle je voudrais cette niche, c’est pour qu’il puisse s’abriter en hiver. »
Cette demande, un peu à la manière du « Dessine-moi un mouton » du Petit Prince de Saint Exupéry, avait été formulée en 1956 par un jeune garçon de 12 ans nommé Jim Berger. Sauf que sa requête, apparemment si simple, s’adressait au grand nom de l’architecture américaine et mondiale Frank Lloyd Wright, célèbre auteur du musée Guggenheim et qui avait conçu la maison des parents du jeune garçon en Californie en 1950. Le jeune Jim avait même proposé de payer les frais de sa commande avec l’argent qu’il gagnait en vendant des journaux ! Wright avait accédé à sa demande et avait envoyé, sans rémunération aucune, les plans pour une niche adéquate à l’animal en recommandant à la famille de la bâtir sur une dalle de béton et d’utiliser les matériaux restants de la construction de leur propre maison. Selon la Fondation Frank Lloyd Wright, c’est la seule niche qu’il ait jamais conçue. C’était aussi son plus petit projet dont la réalisation vient d’être exposée dans la plus grande structure qu’il ait signée, le Marin County Civic Center à San Rafael, en Californie, qui a révélé tous les détails de cette jolie histoire dans un communiqué de presse.
La « Maison du chien Eddie » exposée en permanence
Il s’agit d’une niche de forme triangulaire, conçue en parfaite harmonie avec la résidence familiale, comprenant des détails caractéristiques à Frank Lloyd Wright, comme le toit à faible pente avec un surplomb. L’architecte a même suggéré à Jim d’utiliser des morceaux d’acajou et de cèdre des Philippines laissés par la construction originale de la maison.
Quant au principal intéressé, le labrador retriever auquel cette niche griffée était destinée, il n’en a jamais voulu, préférant la chaleur de la maison familiale ! En 1970, l’hôtesse des lieux Gloria Berger s’en est débarrassée en l’envoyant dans une décharge… En 2010, Jim et son frère Eric Berger l’ont reconstruite, à partir des plans originaux, pour la réalisation d’un film documentaire sur Frank Lloyd Wright. En 2016, ils en ont fait don au Marin Civic Center qui avait prévu de l’exposer sous le titre The House of Eddie pendant deux mois dans la bibliothèque qu’il abrite. Mais les responsables ont joué les prolongations en raison de la demande populaire. Finalement, pour faire de la place à d’autres expositions, cette installation des plus insolites a été placée dans la cafétéria du centre. À ce sujet, Garisson Giuseppe Ricapito, du Marine Independent Journal a confié : « Nous sommes une communauté qui aime les animaux de compagnie, et je pense que cette niche est une construction intime et pleine de charme. J’ai l’impression qu’elle raconte une plus grande histoire de Frank Lloyd Wright. »
Défenseur de l’architecture organique
Dans cet esprit, le département culturel du Marin County Civic Center a lancé une activité familiale intitulée « Dessinez votre propre maison d’animal », inspirée de la niche de Frank Lloyd Wright. Ce complexe n’est pas seulement le plus grand projet public de Wright, mais c’était aussi sa dernière commande. L’architecte est décédé en 1959, et le centre est à présent un monument historique national. Génial concepteur de l’iconique Maison sur la cascade, Frank Lloyd Wright est l’un des architectes les plus marquants du XXe siècle. Grand défenseur de l’architecture organique, il est le père, entre autres, du style Prairie et des maisons usoniennes, ces petites habitations spécifiquement US, en harmonie avec l’environnement où elles sont construites et qui ont fait sa renommée. Il est également l’auteur de plus de 400 bâtisses de grande envergure : musées, stations-service, tours d’habitation, hôtels, églises, ateliers. Sa carrière culminera vers la fin de sa vie. À presque 80 ans, il entre dans la phase la plus productive de son existence. Au cours des quinze ans qui suivront, l’architecte et ses disciples dessineront les plans de plus de 350 édifices, parmi lesquels le fantastique Guggenheim Museum de New York en 1943. Wright devra se battre pendant treize ans avant que ce bâtiment-sculpture révolutionnaire en forme de spirale prenne forme. Pendant les travaux, la critique fait rage contre celui que l’on surnommera Frank Lloyd Wrong. Néanmoins, en 1991, il a été reconnu par l’Institut des architectes américains comme le plus grand architecte américain de l’histoire. De l’art de bâtir, il avait notamment dit : « L’architecte doit être un prophète... Un prophète dans le vrai sens du terme. S’il n’est pas capable de voir au moins dix ans dans le futur, ne l’appelez pas un architecte... Chaque bon architecte est forcément un bon poète. Il doit être un grand interprète original de son temps, son jour, son âge. »
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