Critiques littéraires Bande dessinée

Dessiner la nature selon Meurisse

Dessiner la nature selon Meurisse

La Jeune fille et la mer de Catherine Meurisse, Dargaud, 2021, 116 p.

Le Japon est de ces pays qui, au-delà de l’attirance, fascinent. Et toute fascination porte en elle des promesses qui doivent tant à ce que le pays est qu’à ce qu’on attend de lui. Nombre d’auteurs de bande dessinée ont rendu compte de la manière dont ce pays les a influencés, d’Emmanuel Guibert à Frederic Boilet, en passant par Cosey ou Nicolas DeCrecy. Chacun son Japon. Aujourd’hui, à travers La Jeune Fille et la mer, c’est au tour de Catherine Meurisse de nous évoquer son passage au pays du soleil levant. Lorsqu’elle se rend au Japon, invitée en résidence, son projet est on ne peut plus simple, et donc on ne peut plus ample : « l’envie de dessiner la nature ».

Catherine Meurisse raconte ses rencontres. En particulier celle avec un peintre qui, face à la vie, face à l’inspiration et face à ses modèles, semble avoir une toute autre approche qu’elle. Elle veut peindre le paysage. Lui veut peindre une femme. Pour y arriver, chacun a son processus. Ils échangent, mettent des mots sur leurs priorités, se taquinent, s’observent. Ils devisent sur les peintres occidentaux et sur les maîtres de l’estampe japonaise en cherchant dans ces références imbriquées l’endroit où chacun d’eux se situe.

Consciente de côtoyer le Japon avec les yeux de celle qui découvre, Catherine Meurisse joue en permanence de cette sincérité, si bien que le lecteur s’identifie aux réflexions qu’elle se fait.

Voici plusieurs albums déjà que Catherine Meurisse déploie son goût pour la représentation des grands espaces. Les Grands Espaces est d’ailleurs le titre qu’elle donne, en 2018, à un récit autobiographique revenant sur son enfance en campagne.

Déjà, elle y développait une esthétique très particulière, dans laquelle les personnages sont dessinés dans un trait qui s’inscrit dans le direct héritage du dessin d’humour, de presse, ou de planches de bandes dessinées telles que celles de Claire Bretécher. Mais ils sont inscrits dans des décors qui, eux, prennent le contrepied de ce choix, tout en atmosphères, en matières, en touches fouillées.

Ce décalage entre les manières de représenter la nature et les personnages, s’il est très répandu en animation (pour des raisons d’abord techniques), l’est beaucoup moins en bande dessinée. Il fonctionne à merveille chez Catherine Meurisse, tant il semble lui donner deux libertés essentielles : celle de libérer l’expressivité de ses personnages, et celle de s’adonner, en contrepartie, à la description apaisée d’un environnement sensible et sensuel.

Le résultat graphique de l’album doit également beaucoup aux couleurs d’Isabelle Merlet, coloriste très prisée par de grands dessinateurs qui savent combien ses mises en couleurs peuvent tout faire pour ne pas dénaturer le trait, tout en ne s’effaçant pas, puisqu’elle propose toujours des atmosphères marquées, étonnantes, fruits de véritables choix. Elle dialogue à merveille avec le dessin de Catherine Meurisse qui, bien souvent, lui laisse l’espace nécessaire à l’interprétation.


La Jeune fille et la mer de Catherine Meurisse, Dargaud, 2021, 116 p.Le Japon est de ces pays qui, au-delà de l’attirance, fascinent. Et toute fascination porte en elle des promesses qui doivent tant à ce que le pays est qu’à ce qu’on attend de lui. Nombre d’auteurs de bande dessinée ont rendu compte de la manière dont ce pays les a influencés, d’Emmanuel Guibert à Frederic...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut