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Politique - Focus

Vote de la diaspora : le Liban est-il prêt ?

A quelques jours du scrutin à l'étranger, les 6 et 8 mai, L'Orient-Le Jour fait le point sur l'organisation et son financement.

Vote de la diaspora : le Liban est-il prêt ?

Une manifestation qui a eu lieu à Paris lors du soulèvement de la rue le 17 octobre 2019. Photo AFP

Le compte à rebours est lancé. Pour la seconde fois dans l’histoire du Liban, les expatriés sont attendus les 6 et 8 mai prochain dans près de 60 pays afin de prendre part au scrutin législatif. Le chemin a été long et laborieux. Après des mois d’incertitudes, de grève, d’erreurs dans l’enregistrement des électeurs, 230.466 Libanais sont appelés aux urnes, soit trois fois plus qu’en 2018. Cette année-là, 82.965 Libanais de l'étranger s'étaient inscrits, mais seulement un peu plus de la moitié avaient effectivement voté le jour-J. L’enjeu est loin d’être négligeable. Avec plus de 200.000 inscrits répartis sur 15 circonscriptions, le vote des expatriés pourrait faire pencher la balance, comme par exemple au Liban-Nord III, regroupant les quatre cazas du Batroun, Bécharré, Koura et Zghorta. Avec plus de 26.000 inscrits, presque intégralement chrétiens, les électeurs non résidents représentent 10% de l’électorat, soit un quotient à eux seuls.

L’Orient le Jour fait le point sur l’organisation du vote des Libanais de l'étranger.

Les modalités
Le vote des expatriés a été menacé à plusieurs reprises. Le Parlement avait adopte le 19 octobre de l'année dernière un amendement de la loi électorale relatif au vote des Libanais résidant à l'étranger, leur permettant de voter pour les 128 membres du Parlement et non seulement pour les six qui leur étaient auparavant réservés (un par continent). Le Courant patriotique libre (CPL, aouniste), qui avait été le seul à s’opposer à ces amendements, n’a pas obtenu gain de cause puisque en décembre, le Conseil Constitutionnel n’a finalement pas tranché le recours déposé par le parti.

Le financement
La question du financement a jeté l’incertitude quant à la tenue des élections à l’étranger. Fin janvier, le ministère des Affaires étrangères demandait aux ambassades du Liban de trouver des donateurs pour les aider à couvrir leurs frais de fonctionnement, alors qu'il était en retard dans le paiement des salaires des diplomates et qu'il envisageait de fermer des missions diplomatiques à l'étranger. En mars, des diplomates et directeurs au sein du ministère des Affaires étrangères entament une grève de deux jours pour réclamer leur droit à des permutations et nominations diplomatiques attendues depuis plusieurs mois. A deux mois du scrutin, l’État libanais n’avait toujours pas débloqué les fonds nécessaires à l’organisation des opérations de vote. Selon une source diplomatique au ministère des Affaires étrangères, trois millions de dollars de budget ont été approuvés. “On travaille avec le minimum possible en raison de la crise. En 2018, nous avions par exemple loué des hôtels à cet effet, alors que cette année nous comptons sur des lieux de culte ou des écoles”, affirme-t-elle.

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L'enregistrement des électeurs
Plusieurs groupes de Libanais à l’étranger ont dénoncé au cours des dernières semaines des cafouillages au niveau de l’enregistrement des électeurs, certains craignant que ces derniers soient découragés de se présenter devant les urnes. C’est notamment le cas en Australie, au Canada et en France, où certains Libanais ont pointé du doigt des dysfonctionnements, dénonçant par exemple de longs trajets pour aller voter ou bien des bureaux de vote assignés à différents membres d’une même famille à plusieurs heures de route les uns des autres. Ces erreurs ont alimenté les rumeurs de torpillage, démenties par les ambassades et le ministère des AE. Selon Rami Adwan, ambassadeur du Liban en France contacté par L'Orient-Le Jour, des électeurs résidant en France se sont manifestés pour signaler ce genre d’anomalies à la chancellerie. “Sauf que ces personnes s’étaient par exemple trompées sur leur code postal. Pour des raisons de crédibilité et de transparence, tout a été géré par le ministère, et nous n’avions pas le pouvoir de modifier manuellement les inscriptions”, explique-t-il, ajoutant que près de 800 inscriptions sur 28.136 en France, n’ont pas été saisies correctement (erreur de code postal…). Même scénario à Sydney, où le consul général du Liban Charbel Macaron s’est défendu dans un tweet de toute interférence politique, soutenant que les votants “ont été répartis géographiquement selon les codes postaux australiens, tels qu'ils apparaissaient sur les formulaires d'inscription”.

Un diagnostic confirmé par certains observateurs indépendants. “Il n’y a pas eu de volonté politique de torpiller les élections. Nous avons recensé quelques centaines d’erreurs lors des opérations d'enregistrement, ce qui reste très marginal. Ces erreurs sont dues principalement à l’incompétence de l’État libanais à mettre en place un système en ligne facile d’accès”, explique Nancy Stephan, membre du Réseau de la diaspora libanaise (The Lebanese Diaspora Network). Avec l’aide d’une centaine d’autres membres, cette dernière répond chaque jour à des dizaines de requêtes de la part d’électeurs qui ne parviennent pas à trouver le lieu de leur bureau de vote. “Les ambassades ou les consulats ne répondent pas au téléphone”, dit-elle.

L’Association libanaise pour la démocratie des élections (LADE), qui s’assure du bon déroulement du processus électoral en amont comme les jours de scrutin, se veut plus confiante qu’il y a quatre ans. Son directeur exécutif, Ali Slim, explique que des membres de leur équipe seront présents dans 30 pays. “Tout est prêt, mais nous avons quelques craintes. En 2018, il y avait eu un peu de chaos au niveau de l’accueil des électeurs dans certains bureaux, et des urnes n’avaient pas pu être envoyées le lendemain parce que DHL était fermé. Ça ne devrait pas se produire cette fois”, précise M. Slim.

Commentaire

Voter... même en se bouchant le nez

Un point sur la situation, dans les pays où le nombre de votants est le plus important.

Émirats arabes unis
En termes d'organisation, les ambassades et consulats ont pu compter sur une enveloppe du ministère des AE, mais également sur des donations. Ces restrictions budgétaires auraient affecté par exemple la tenue du vote à Dubaï, où 20.000 Libanais sont attendus dimanche dans un même et unique endroit, au consulat. “Nous avons essayé d’obtenir un centre beaucoup plus grand, mais cela n’a pas pu être approuvé, à cause des délais. Donc on s’attend à une congestion, mais on espère que tout se passera pour le mieux”, révèle, confiant, le consul général à Dubaï Assaf Doumit. Des places de parking gratuites ont été prévues, et même un voiturier, et des tentes accueilleront les électeurs, en cette période de grosse chaleur. “Il ne faut pas que ces conditions les découragent ! C’est pourquoi nous avons prévu des bus, financés par des donations personnelles, pour emmener des groupes depuis différents lieux à Dubaï afin d'éviter les bousculades aux portes du consulat”, affirme de son côté Nancy Stephan, de la Lebanese Diaspora.

France
En France, 40 mégacentres de vote ont été prévus pour l’occasion, et plus de 300 bénévoles seront mis à contribution. Un bureau de vote est ouvert à compter de 100 inscrits dans un même secteur, ce qui fait que la majorité des régions françaises ont été couvertes. “Des mairies ont accepté de nous recevoir le jour J et d’assurer la sécurité, et ce gratuitement, ce qui témoigne de la grande coopération de la France dans la tenue de ce scrutin”, poursuit Rami Adwan. Après des semaines de travail intense, les fonctionnaires à l’étranger se disent fin prêts et confiants quant à une forte participation. “On travaille dans des conditions difficiles, avec peu de moyens, peu de personnel, et durant les jours de congés”, déplore l'ambassadeur. Le matériel nécessaire, comme les listes ou les urnes, a été envoyé depuis le Liban par le ministère. En revanche, l’envoi de stylo à bille ou de mouchoirs en papier depuis le Liban a provoqué des railleries, alors que l’État est en faillite.

En chiffres et en carte

Où sont-ils ? Focus sur les électeurs de la diaspora

Amérique du Nord
Aux États-Unis, 34 centres de vote et plus de 70 employés et 220 bénévoles accueilleront les 28.100 électeurs dimanche. “Tout est prêt. Le matériel est bien arrivé et a été distribué à travers le pays. Nous travaillons dans des circonstances difficiles, mais nous espérons le succès et que tout se déroulera dans le calme”, relate à L’OLJ le chargé d'affaires à Washington Waël Hachem. En 2018, 50% des 10.000 inscrits avaient effectivement voté.

Au Canada, 11 mégacentres, dont deux à Montréal, où se trouve une forte concentration de Libanais, ont été prévus. “Nous avons commencé notre campagne dès octobre 2021 pour permettre aux résidents d’actualiser leurs papiers d’identité, ce qui a permis techniquement aux gens d'avoir les moyens de voter”, explique Fadi Ziadé, ambassadeur du Liban au Canada. Plus de 30.000 Libanais (sur 400.000 résidents) se sont inscrits cette fois-ci contre 11.000 en 2018. “Près de 40% des résidents libanais au Canada ont moins de 21 ans, ce qui explique en partie pourquoi seulement 30.000 personnes se sont inscrites”, poursuit l’ambassadeur.

Afrique
Sur le continent africain, 6.100 inscrits ont été recensés en Côte d’Ivoire cette année contre 2.300 en 2018. Six bureaux de vote ont ainsi été prévus, dont quatre à Abidjan la capitale. “Nous avons eu des frayeurs jusqu’à la dernière minute quant aux moyens financiers en vue des préparatifs, mais heureusement nous avons eu le feu vert lundi du ministère des AE pour pouvoir financer toute l’organisation”, explique le consul en Côte d’Ivoire Joe Turk. Mais en raison de moyens limités, l’ambassade a dû compter sur des dons de Libanais résidant dans ce pays. “Un Libanais, aucunement affilié à un parti, a ainsi payé 1.400 dollars pour la location d’un centre à Abidjan", poursuit le consul. Des écoles libanaises religieuses ou laïques et indépendantes ont été réquisitionnées. “Nous avons écarté d’emblée les écoles affiliées à des partis, comme le Hezbollah ou Amal”, affirme le consul.

Au Nigeria, 2.550 électeurs se sont inscrits sur 35.000 résidents. Avec un faible nombre de votants, l’organisation a été beaucoup plus simple que dans d’autres pays. “En espérant toutefois que les prochaines élections se feront par vote électronique”, confie l’ambassadeur à Lagos, Houssam Diab.

Toutes les sources diplomatiques interrogées ont insisté sur la transparence du scrutin et notamment sur la levée des urnes. Une fois le vote terminé, celles-ci seront scellées, munies de traceurs GPS et rassemblées dans les ambassades et les consulats de tous les pays concernés pour être immédiatement envoyées à Beyrouth. “Il est donc totalement impossible que des erreurs ou des trafics aient lieu”, affirme l’ambassadeur au Canada, Fadi Ziadé.

Le compte à rebours est lancé. Pour la seconde fois dans l’histoire du Liban, les expatriés sont attendus les 6 et 8 mai prochain dans près de 60 pays afin de prendre part au scrutin législatif. Le chemin a été long et laborieux. Après des mois d’incertitudes, de grève, d’erreurs dans l’enregistrement des électeurs, 230.466 Libanais sont appelés aux urnes, soit trois fois plus...

commentaires (7)

C’est leur DEVOIR D’ORGANISER LES ÉLECTIONS ILS N’ONT AUCUN MÉRITE !!

Bery tus

14 h 57, le 05 mai 2022

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Commentaires (7)

  • C’est leur DEVOIR D’ORGANISER LES ÉLECTIONS ILS N’ONT AUCUN MÉRITE !!

    Bery tus

    14 h 57, le 05 mai 2022

  • JE ME TAIS. JE NE VEUX PAS ETRE UN OISEAU DE MAUVAIS AUGURE. NOUS VERRONS APRES LE NOMBRE DE CEUX QUI VOTERONT EFFECTIVEMENT SI TOUT EST FAIT POUR FACILITER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 55, le 05 mai 2022

  • Un grand bravo et un grand merci d'abord à notre vaillant Ministre des AE Abdallah Bouhabib , ainsi qu'à tous les diplomates et fonctionnaires des ambassades et consulats pour avoir travaillé jour et nuit afin d'assurer le bon déroulement de ces élections , avec SI PEU DE MOYENS logistiques, techniques et financiers . C'est un exploit ! La critique est aisée mais l'art est difficile . Il n'y a pas plus râleur que le libanais moyen !

    Chucri Abboud

    03 h 52, le 05 mai 2022

  • S'il vous plais Lorient Le Jours, serait-il possible d'obtenir en avance les photos des bulletin (ou feuillet) fourni par le ministère au moment du vote contenant l’ensemble des listes, une photo par circonscriptions ? Ceci pour se preparer, surtout preparer ceux qui ne maîtrisent pas l'arabe ecrit avant de pénétrer dans l’isoloir ??

    Aboumatta

    01 h 18, le 05 mai 2022

  • Il semble qu'il soit plus facile , à l'image de Démocrite, de découvrir l'atome ... que de déchiffrer le mode électoral pour un primo-votant, pourquoi à l'image de nombreux pays, on n'applique pas la règle suivante ...Un député est élu au suffrage universel direct, au scrutin majoritaire par circonscription. Pour être élu au 1er tour, un candidat doit obtenir : plus de 50 % des suffrages exprimés. et un nombre de voix au moins égal à 25 % du nombre des électeurs inscrit. Là on nous propose des possibilités tortueuses, surtout pour nombreux d'entre les Libanais de l'étranger qui ne maitrisent pas l'arabe écrit.

    C…

    22 h 08, le 04 mai 2022

  • Bonjour l’OLJ! Merci pour cette section spéciale élections 2022 riche en informations et analyses éclairées qui nous permettent à nous autres expatriés de mieux appréhender cette échéance importante. Petite requête à l’approche du 8 mai: vous serait-il possible de rédiger un article-guide sur comment se déroule le vote le Jour-J? Très concrètement, comment doit-on procéder pour sélectionner la liste de notre choix en fonction de notre circonscription d’origine, barrer les noms non désirés/ mettre dans l’enveloppe la bonne liste? J’ai 32 ans et c’est la première fois que je prends part à des élections libanaises… Merci et longue vie à ce journal!

    Chris G.

    19 h 38, le 04 mai 2022

    • Bonjour, Vous pouvez consulter cet article : https://www.lorientlejour.com/article/1294099/vote-decompte-des-voix-ce-quil-faut-savoir-avant-daller-voter-le-15-mai-prochain.html

      L'Orient-Le Jour

      19 h 42, le 04 mai 2022

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