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Moyen-Orient - Reportage

Des artisans libyens font revivre de vieux Corans pour le ramadan

En cette période consacrée à la prière et à la lecture du Livre saint de l’islam, leur savoir-faire est sollicité par de nombreux clients pour conserver l’ouvrage hérité d’un ancêtre ou éviter d’en racheter un neuf.

Des artisans libyens font revivre de vieux Corans pour le ramadan

Un homme assemble des pages d’un Coran avant de les relier lors d’un atelier sur la restauration du Livre saint de l’islam à Tripoli, en Libye, le 22 mars 2022. Mahmud Turkia/AFP

Restaurateur bénévole de Corans anciens ou abîmés, Khaled el-Drebi a du pain sur la planche avec, en ce début de ramadan, un afflux de clients dans son atelier à Tripoli, sollicitant son savoir-faire pour conserver l’ouvrage hérité d’un ancêtre ou éviter d’en racheter un neuf. « Acheter un Coran avant le début du mois de ramadan était une tradition », mais les Libyens, très attentifs à leurs dépenses sur fond de profonde crise économique, « préfèrent restaurer leurs livres plutôt qu’acheter du neuf », explique M. Drebi, 54 ans, dans son atelier de la rue Mizran à Tripoli. De surcroît, depuis que l’État a « interrompu l’impression des Corans en Libye », les prix ont grimpé. Il faut désormais une vingtaine de dollars, selon la qualité de la reliure, pour un Coran de taille moyenne, dit-il. L’atelier ne fait payer que quelques dollars pour le matériel utilisé dans la restauration, la main-d’œuvre étant gratuite.

Le ramadan est l’une des périodes les plus mystiques de l’année, consacrée à la prière et à la lecture du Livre saint de l’islam. Et cette année, avec la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, les mosquées prévoient un afflux de fidèles, tapis de prière et coran sous le bras. Juste avant le mois sacré en avril cette année, il y a foule dans l’atelier de la rue Mizran, l’un des plus célèbres de Libye. Au fond de la pièce, Abdel Razzaq el-Aroussi, la soixantaine, en bleu de travail, répertorie les corans selon leur degré de détérioration et la durée de l’intervention nécessaire, qui « variera entre une ou plusieurs heures ».

« Bonheur indéfinissable »

« Les Corans très endommagés (...) doivent être défaits, restaurés puis reliés », un processus minutieux qui nécessite du « temps et de la concentration », explique ce technicien, penché sur son ouvrage, entouré de centaines de corans entassés sur des étagères qui peinent à les supporter. « Les travaux de restauration et de reliure nécessitent l’intervention de plusieurs artisans », chacun selon sa spécialité, explique Mabrouk el-Amin, un autre restaurateur. « Travailler avec le “Livre de Dieu”

est très agréable... on ne s’en lasse pas malgré l’ampleur de la tâche », fait remarquer ce quinquagénaire qui parle d’un « bonheur indéfinissable ».

Certains clients leur confient de précieux ouvrages transmis de génération en génération et malmenés par le temps. Il ne s’agit pas seulement de réparer, mais aussi d’établir un lien privilégié avec des clients souhaitant préserver un coran qui véhicule des souvenirs et « porte encore l’odeur d’un grand-père, d’un père ou d’une mère », confie M. Drebi, qui, malgré le succès de son atelier, travaille bénévolement et dépend uniquement de dons « de gens charitables ». Aux yeux de ces artisans passionnés, c’est davantage un « travail de mémoire » qu’un simple acte de générosité.

De plus en plus de femmes

Une nouvelle génération a rejoint l’atelier, apportant de « nouvelles techniques » utilisant l’ordinateur pour le « design graphique et des logiciels comme Photoshop pour reproduire les pages manquantes d’un Coran », souligne M. Amin. Depuis la création de l’atelier Mizran en 2008, près d’un demi-million d’exemplaires ont été restaurés et plus de 1 500 stagiaires, essentiellement des hommes, s’y sont formés.

Mais de plus en plus de femmes attirées par ce métier, qui allie savoir-faire et spiritualité, viennent l’apprendre avant de devenir formatrices à leur tour. Elles apprécient d’exercer cette activité dans le confort de leurs foyers ou dans des ateliers exclusivement féminins, comme celui géré par Khadija Mahmoud à Zaouia (45 km à l’ouest de Tripoli). « Une dame exceptionnelle qui fait un travail exceptionnel », dit d’elle M. Aroussi. Retraitée de l’Éducation nationale, formée à l’atelier Mizran, elle est très aimée de ses élèves, surtout des femmes non voyantes qui retrouvent ainsi un sens à leur vie. « La majorité des bénévoles sont des retraitées qui aiment ces moments consacrés au coran » et se réunir « entre femmes pour se sentir plus à l’aise », confie Mme Mahmoud dans son atelier aux tables de couleur parme.

Jihad Dorgham/AFP

Restaurateur bénévole de Corans anciens ou abîmés, Khaled el-Drebi a du pain sur la planche avec, en ce début de ramadan, un afflux de clients dans son atelier à Tripoli, sollicitant son savoir-faire pour conserver l’ouvrage hérité d’un ancêtre ou éviter d’en racheter un neuf. « Acheter un Coran avant le début du mois de ramadan était une tradition », mais les...
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