
Un marché dans la Vieille Ville de Sanaa au premier jour de ramadan, le 2 avril 2022. Mohammed Huwais/AFP
Une trêve de deux mois est entrée en vigueur samedi soir au Yémen en vertu d’un accord arraché par les Nations unies aux forces progouvernementales et aux rebelles houthis engagés dans une guerre dévastatrice depuis près de huit ans. Les houthis, soutenus par l’Iran, affrontent les forces gouvernementales appuyées depuis 2015 par une coalition dirigée par l’Arabie saoudite et incluant notamment les Émirats arabes unis. Dans ce conflit qui a fait des centaines de milliers de morts selon l’ONU et poussé ce pays pauvre de la péninsule Arabique au bord de la famine, une précédente trêve convenue en 2016 entre les belligérants dans l’ensemble du pays et d’autres décidées unilatéralement avaient fait long feu. Le cessez-le-feu est entré en vigueur à 19h, heure locale (16h GMT), au premier jour du ramadan, a confirmé, samedi soir dans un communiqué, Hans Grundberg, émissaire de l’ONU. En vertu de cette nouvelle trêve, qui peut être renouvelée « avec le consentement » des belligérants, « toutes les offensives militaires aériennes, terrestres et maritimes doivent cesser dès ce soir », a-t-il précisé.
Cette annonce est le couronnement des efforts de M. Grundberg qui tente depuis des mois de parvenir à une trêve et de relancer les négociations en vue d’un règlement au Yémen où les puissances régionales rivales, l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite, se livrent à une guerre par procuration. Jeudi, l’émissaire de l’ONU a discuté séparément avec des représentants des houthis à Oman, et, ces derniers jours, avec ceux du pouvoir yéménite et du royaume saoudien à Riyad. La coalition menée par Riyad a dit « soutenir l’accord du gouvernement yéménite pour une trêve », de même que « les efforts de l’ONU pour la consolider ». Et les houthis, par un communiqué, ont confirmé leur « engagement à la fin des opérations militaires tant que l’autre partie y adhère ».
Espoirs de désescalade
Les efforts en vue d’une trêve se sont intensifiés après une intensification des attaques des houthis contre l’Arabie saoudite. Le 25 mars, ils ont lancé 16 attaques contre des cibles dans le royaume, dont l’une a provoqué un gigantesque incendie dans un site pétrolier à Djeddah (Ouest) proche du circuit de formule 1 qui accueillait le Grand Prix. Ces attaques n’ont pas fait de victimes. En représailles, l’aviation saoudienne a bombardé des zones contrôlées par les houthis.
Cette nouvelle trêve permet l’entrée de 18 pétroliers dans les ports de la région stratégique de Hodeida (Ouest) et l’accès de deux vols commerciaux à l’aéroport de la capitale Sanaa. La coalition contrôle les espaces aérien et maritime du Yémen, et seuls les vols de l’ONU sont autorisés à atterrir à Sanaa, un « blocus » dénoncé par les houthis. Sanaa et les ports de Hodeida sont aux mains des houthis. Les ports sont essentiels pour l’acheminement de l’aide humanitaire. « Le succès de cette initiative va dépendre de la volonté des parties belligérantes du conflit à faire respecter la trêve et à appliquer les mesures humanitaires prévues », selon l’émissaire de l’ONU. « J’espère que la bonne volonté affichée publiquement par les parties va se traduire par une désescalade à long terme dans les discours incendiaires et haineux rapportés par les médias », a-t-il encore indiqué.
Pour une trêve durable
« La guerre a transformé tous mes rêves en cauchemars », mais « cette fois-ci, je suis optimiste. Cette trêve n’est pas comme les précédentes, et le fait qu’elle coïncide avec le ramadan nous donne beaucoup d’espoir », confie Asma Zayed, une étudiante à Hodeida. Dans ce contexte de désescalade, les belligérants ont « accepté de se rencontrer sous l’égide de l’ONU pour ouvrir des routes à Taëz et dans d’autres régions du Yémen afin de permettre aux civils de se déplacer librement », selon M. Grundberg. La ville de Taëz, dans le sud-ouest du pays, est sous contrôle gouvernemental mais assiégée depuis 2015 par les insurgés.
Après sept ans d’intervention, la coalition de Riyad n’a pas réussi à déloger les rebelles des régions conquises, notamment dans le nord du Yémen. L’émissaire américain Tim Lenderking a appelé sur son compte Twitter les parties à « jeter les bases d’une trêve durable et d’un processus de paix politique inclusif ». De son côté, la France a estimé qu’il s’agissait d’« une avancée majeure qui doit permettre d’alléger les souffrances du peuple yéménite et qui est porteuse d’espoir ». Pour sa part, le haut représentant de l’Union européenne Josep Borrell a exhorté les belligérants à « respecter la trêve en vue de parvenir à un cessez-le-feu durable ».
Source : AFP