
Les funérailles dans l’église de Mar Mikhaël, elle-même gravement endommagée par l’explosion du 4 août 2020. Photo L.A.
Un an, sept mois et vingt-deux jours plus tard, la double déflagration au port a fauché une autre vie. Rita Hardini n’avait qu’une trentaine d’années quand elle s’est éteinte, samedi soir, à la suite de ses blessures contractées le 4 août 2020.
À l’église Saint-Michel de Mar Mikhaël, à 15h, où les échafaudages habillent toujours les murs de ce lieu de culte, gravement endommagé par l’explosion, les proches de la jeune femme se sont recueillis devant son cercueil. Aux alentours, certains bâtiments portent toujours les stigmates du drame qui a ravagé une partie de la capitale et causé la mort de plus de 220 personnes.
Famille et proches de la jeune femme se sont rassemblés pour une cérémonie intime. Ses parents, toujours sous le choc de sa disparition, ne peuvent s’exprimer. Entouré d’assortiments floraux, un portrait montrant Rita Hardini sourire, est posé sur son cercueil. Les prières débutent. Un peu plus d’une cinquantaine de personnes sont présentes. La presse également.
Rita se trouvait chez elle, le 4 août 2020, dans le quartier de la Quarantaine (à proximité du port), quand « l’appartement s’est effondré sur ses habitants. Gravement blessée depuis ce jour, elle était sous assistance respiratoire », raconte son amie Marie, la gorge nouée. Bénévole au sein de « Foi et Lumière », un collectif qui assiste les personnes handicapées, Marie avait rencontré Rita Hardini, atteinte de trisomie 21, dix ans plus tôt. « Quand certains se moquaient d’elle, elle disait qu’elle allait prier pour eux le soir », rapporte Marie qui l’a vue une dernière fois il y a une semaine. « Elle n’en pouvait plus, elle voulait aller en promenade », se souvient-elle.
Depuis la double explosion, Rita était sous assistance respiratoire « et vivait entre quatre murs ou se rendait régulièrement dans les hôpitaux », témoigne Jessica, 32 ans, qui travaille elle aussi au sein du même collectif. « Malgré ça, elle n’a pas perdu le sourire. Elle aimait les autres sans retour », poursuit Jessica, qui ajoute que Rita ne pouvait pas participer aux activités par peur d’une coupure de courant qui la priverait de sa machine à oxygène. « Je l’ai eue au téléphone il n’y a même pas dix jours pour lui parler d’une activité, elle allait bien. » Mais quelques jours avant sa mort, la santé de la jeune femme s’est brusquement dégradée, selon les proches interrogés, et elle a été forcée de retourner à l’hôpital.
Comme si un drame ne suffisait pas, les parents de la jeune femme ont dû faire face à la crise du secteur hospitalier, sévèrement affecté par la dévaluation de la livre. « Les frais hospitaliers étaient beaucoup trop élevés », abonde Jessica, toujours déboussolée.
Le nom de Rita Hardini s’ajoute désormais à la trop longue liste des plus de 220 victimes de l’explosion au port. Plusieurs d’entre elles ont succombé aux séquelles physiques et psychologiques bien après le drame. Quelques heures avant l’annonce du décès de Rita, celui de Julia Audi avait été rapporté le même jour. Fin octobre, c’est Abbas Mazloum, chef cuisinier de 38 ans à Mar Mikhael au moment des faits, qui avait succombé à ses blessures. Le 4 août 2021, un an jour pour jour après la double explosion, le traumatisme d’Arlette Katta avait eu raison d’elle.
« Tout ce que je ressens c’est de la colère », commente Marie en parlant de la tragédie du port. Le juge chargé de l’enquête, Tarek Bitar, fait en effet l’objet de nombreux recours en dessaisissement, présentés par des personnalités politiques mises en cause dans le cadre de cette affaire, et qui refusent de comparaître devant la justice, au grand dam des parents de victimes. « Je me disais qu’il fallait rester au Liban pour aider les gens, mais je n’en peux plus… », lâche Jessica.
Paix à son âme. La justice de ce monde.. est injuste ! En particulier au Liban. Heureusement que nous gardons la foi, même si c'est particulièrement difficile en ce moment. En union de pensée et de prière avec les victimes, avec leurs familles en détresse et avec le peuple libanais en souffrance.
13 h 13, le 29 mars 2022