Façade d’un bâtiment à Medawar dévasté par la double explosion du 4 août et pris en charge par le Beirut Heritage Initiative. Photo DR
Beirut Heritage Initiative a réussi à faire figurer les bâtiments patrimoniaux de Beyrouth sur la liste 2022 du World Monument Watch (WMF). Ils font partie d’une sélection de 25 sites « d’une grande importance culturelle » dont la préservation a été jugée à la fois « urgente et vitale pour les communautés locales », selon le communiqué de WMF. Cette organisation à but non lucratif, qui met en lumière les sites historiques et culturels menacés dans le monde, est gérée par le World Monuments Fund, qui aide à collecter des fonds pour leur conservation et protection. Cette année, le Conseil international des monuments et des sites (Icomos) – institution qui pèse sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco – et un groupe indépendant d’experts du patrimoine du monde entier ont passé au crible plus de 225 candidatures avant de choisir 25 sites menacés pour 2022, dont les bâtiments patrimoniaux de Beyrouth endommagés par les explosions du port de Beyrouth le 4 août 2020 et nécessitant une réhabilitation urgente. « La préservation du patrimoine peut offrir des solutions innovantes aux défis mondiaux contemporains », déclare Bénédicte de Montlaur, présidente et directrice générale du WMF, dans un communiqué. « Nous exhortons le monde à se tenir aux côtés des communautés et à sauver ces lieux d’une importance culturelle extraordinaire. Les sites du patrimoine sont une ressource incroyable pour résoudre les problèmes auxquels la société est confrontée ainsi que les besoins locaux économiques ».
Parmi les sites mis en évidence cette année, le château de Hurst, une forteresse historique sur la côte sud de l’Angleterre qui s’est partiellement effondrée lors des tempêtes en 2021 ; le centre-ville historique de Benghazi en Libye, paralysé par un conflit continu. Et pour attirer l’attention sur l’impact du changement climatique sur les côtes, les mosquées et le cimetière Koagannu aux Maldives, ont également été placés sur la liste, car selon le World Monuments Fund, les effets néfastes de l’élévation du niveau de la mer sont déjà visibles sur les lieux. La liste vise à sensibiliser le monde aux efforts de préservation et à mettre en lumière l’impact des pressions sociopolitiques sur les sites patrimoniaux, classés en quatre catégories: changement climatique, patrimoine sous-représenté, tourisme déséquilibré et sortie de crise.
Bâtiments patrimoniaux de Beyrouth. Photo DR
Les quartiers anciens sous les spots
Beirut Heritage Inititative (BHI) rappelle que depuis 1954, « les règlements de zonage à haute densité ont été appliqués dans les quartiers les plus anciens de Beyrouth. Ces quartiers sont les principales cibles de la spéculation immobilière. L’élargissement ultérieur des rues et l’introduction d’avenues et d’autoroutes, ont progressivement modifié un tissu social dynamique et diversifié. Ce tissu se reconnaît grâce à ses rues résidentielles calmes, ses groupements de bâtiments patrimoniaux, ses culs-de-sac modestes, ses belles demeures datant de l’époque ottomane et ses bâtiments datant du Mandat français. Cette tendance à la spéculation immobilière a été accélérée par la guerre civile de 1975 à 1990, suivie de la stratégie immobilière développée au lendemain de la guerre et amplifiée par le projet de réaménagement du centre-ville de Beyrouth, Solidere. L’explosion du 4 août 2020 a porté un coup dur au précieux patrimoine bâti de Beyrouth ».
De nombreuses organisations de la société civile se sont mobilisées pour venir en aide à la ville, dont la Beirut Heritage Initiative qui regroupe des experts et des militants de longue date pour la préservation du patrimoine. Au-delà de la collecte de fonds pour la restauration du patrimoine détruit, la BHI a entrepris des travaux d’urgence d’étayage et de couverture des toitures, ainsi que la restauration partielle ou complète de structures individuelles ou groupement de bâtiments. Le collectif a également travaillé à l’implantation d’une stratégie de revitalisation holistique et inclusive. L’annonce de l’inclusion des quartiers impactés sur la liste des sites les plus menacés du WMF est une étape importante vers le développement de cette vision urbaine ambitieuse.
Bâtiments patrimoniaux de Beyrouth. Photo DR
Lancé en 1996 avec American Express comme sponsor fondateur, le World Monument Watch est annoncé tous les deux ans et inclut des sites présentés par des individus et des organisations de la société civile du monde entier. Le WMW a contribué, à ce jour, à drainer plus de 110 millions de dollars pour des projets répartis sur plus de 300 sites. « La visibilité offerte par le programme a par ailleurs aidé les communautés locales à récolter plus de 300 millions de dollars auprès d’autres sources », toujours selon Bénédicte de Montlaur. « Cela encouragera les décideurs locaux et les parties prenantes internationales à accélérer les efforts et les ressources pour sauvegarder et rajeunir la capitale bien-aimée du Liban », ajoutant que « les redoutables défis auxquels fait face le patrimoine au XXIe siècle demandent des solutions innovantes, durables, adaptatives. En aidant les populations locales à préserver les endroits les plus précieux à leurs yeux, nous pouvons renforcer les liens sociaux et favoriser une meilleure diffusion de l’idée que nos avenirs en tant que citoyens de ce monde sont intimement liés. »
La liste complète des sites du 2022 Watch est disponible en ligne ici.
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