Renvoyer aux calendes grecques la poursuite de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, voilà l’objectif pour lequel semblent œuvrer inlassablement les députés et anciens ministres mis en cause dans le dossier, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter (mouvement Amal). En effet, ceux-ci ont intenté hier une action en responsabilité de l’État pour « fautes graves » contre Naji Eid, président de la 1re chambre civile de la Cour de cassation. Ce dernier venait pourtant de reprendre en main l’examen d’un recours en dessaisissement présenté par MM. Khalil et Zeaïter contre le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, à la suite du rejet par la 2e chambre civile près la Cour de cassation, présidée par Roula Masri, d’un recours en dessaisissement présenté contre lui le 15 décembre par ces mêmes anciens ministres.
La démarche des deux parlementaires a pour effet immédiat d’empêcher le juge Eid de se pencher sur le recours contre Tarek Bitar, et donc pour conséquence de retarder le cours de l’enquête sur l’explosion au port. M. Bitar ne peut en effet poursuivre ses investigations que si la chambre présidée par Naji Eid émet un jugement en sa faveur, lui permettant de reprendre le dossier.
Or le nouveau recours présenté contre Naji Eid par MM. Khalil et Zeaïter devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation risque de ne pas être tranché de sitôt : depuis le départ à la retraite d’un de ses membres, le 12 janvier, l’instance a perdu le quorum requis (5 membres) pour la tenue de ses réunions. Composée légalement des présidents des dix chambres de la Cour de cassation, l’assemblée plénière ne compte plus en effet que le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, et trois présidents de chambre, Souheir Haraké, Afif Hakim et Jamal Hajjar. Selon nos informations, le CSM a tenté à plusieurs reprises de parer aux vacances en nommant des présidents de chambre, mais les tentatives ont échoué en raison d’avis divergents au sein de l’organe quant à l’identité des futurs titulaires des postes à combler.
« Des questions techniques, pas des fautes »
Le risque du torpillage de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth est d’autant plus accru que toute personne mise en cause a le droit d’intenter une action en responsabilité de l’État devant l’assemblée plénière contre le juge Bitar et contre tout magistrat qui serait chargé d’étudier un recours en dessaisissement contre ce dernier. Même en l’absence de quorum, il suffit d’inscrire la plainte auprès du greffe et d’en notifier le magistrat concerné. Une telle démarche garantit au demandeur sa soustraction à l’enquête, au moins jusqu’au moment où le quorum de l’assemblée plénière sera de nouveau acquis. Un moment reporté vraisemblablement sine die.
Samer Hajj, un avocat proche du dossier du recours contre le juge Eid, impute à ce dernier « la faute » de n’avoir pas mentionné de manière « précise » dans une décision qu’il avait prise les parties qui devaient être notifiées du recours en dessaisissement présenté contre Tarek Bitar en décembre dernier. Me Hajj reproche en outre à M. Eid d’avoir enjoint à MM. Khalil et Zeaïter de « coopérer avec le greffe du tribunal » pour notifier les parties. « Un juge ne peut imposer à la partie plaignante de coordonner avec le greffe pour assurer les notifications », martèle l’avocat, prônant que « toute personne pressée d’activer le cours du dossier doit se rendre elle-même au greffe pour accuser réception du recours en dessaisissement contre Tarek Bitar ».
Un avocat qui suit de près le dossier de l’enquête sur la double explosion au port affirme à L’OLJ sous couvert d’anonymat que « les actes reprochés au juge Eid sont des questions techniques qui ne constituent pas des fautes ». « Les arguments présentés sont de simples prétextes pour proroger abusivement le dessaisissement de Tarek Bitar », indique-t-il sans détour, estimant que la démarche des deux députés berrystes « est une traduction procédurale de la décision politique d’empêcher indéfiniment le juge Bitar de poursuivre son enquête ».
commentaires (4)
c'est comme qui dirait que ce ne sont pas les magistrats qui pour certains ne sont plus fiables, ce n'est pas la magistrature qui serait en faute, c;est, a l'evidence toutes les lois instituees pour la non application de la loi qui assurerait une vraie justice. tout comme les milliers de reglementations internes aux diverses directions des ministeres propres a ssurer-legalement- le sac et vol de nos argents par les fonctionnaires ET bien sur les entrepreneurs de ttes sortes.
Gaby SIOUFI
09 h 45, le 22 février 2022