Il assurait que son surnom, « Clark », renvoyait à un oiseau, et c’est ainsi que Sammy Clark a pris son dernier envol. Après avoir séjourné pendant plus d’un mois à l’hôpital Saint-Georges de Beyrouth pour des problèmes cardiaques, Sami Hobeika s’est éteint dimanche à l’âge de 74 ans. Musicien, chanteur et compositeur libanais connu pour ses succès, mais également pour sa voix d’opéra, Sammy Clark emporte avec lui des souvenirs qui ont marqué la jeunesse de nombreux Libanais, toutes générations confondues, encore nostalgiques de cette époque où les chansons étaient plus simples et la vie plus douce.
Avec plus de 843 chansons à son actif, Sammy Clark a surtout connu le succès dans les années 70 et 80, après avoir quitté l’école de droit. Le chanteur originaire de Dhour Choueir a alors remporté de nombreux prix dans des festivals de musique en Bulgarie, en Allemagne, en France, Grèce, Pologne,Turquie et Autriche, avec des titres en neuf langues, parmi lesquelles l’italien, le français, l’anglais, le russe, le grec, l’arménien, et qui lui ont permis de se distinguer parmi les chanteurs occidentaux de sa génération. Au fil des ans, il a pris part à de nombreuses émissions sur Télé-Liban, comme Pêle-mêle, Juke Box et Mawahib wa Noujoum, et collaboré avec les plus grands, notamment Joseph Hanna, Wahid Azar, Jean Labaki, Ed Coleman, Georges Abdo, Serge Prisset et Élias Rahbani, qui lui a signé Mori Mori et qui dira de lui : « Je lui dois beaucoup. » Parmi ses tubes immortels : Ah Aala Hal Iyam, Oumi Tanorkous Ya Sabiyyi, Take Me With You et Btetzakari.
Le Liban dans son cœur
Malgré le succès de Sammy Clark dans le registre occidental, le Liban n’a jamais quitté son esprit et ses projets. Acteur dans trois films libanais, l’artiste a mêlé l’arabe à toutes les langues dans ses chansons et a diversifié son répertoire en langue arabe. Ayant créé le club New Lebanon durant la guerre, qui était chargé avec des centaines de jeunes de nettoyer les rues d’Achrafieh et d’organiser des activités sociales, il confiait à notre collègue Colette Khalaf, dans un article paru en 2017, se sentir investi « non seulement d’une mission artistique, mais nationale ». « J’ai toujours chanté le Liban, même dans des pays qui n’étaient pas de véritables amis », assurait-il. C’est ce rôle idéalisé de sauveur et de défenseur des droits de son pays qu’il incarnait aussi depuis quelques années, quand il avait repris la route des concerts à l’étranger – il était en concert en Irak en janvier dernier – ou quand il se produisait au Liban sur la scène du Music-Hall. Son Grendizer, titre de la série phare Goldorak, retentissait comme un hymne, et les titres de dessins animés qu’il avait chantés et doublés de sa voix dans les années 80 (L’île au trésor, Le tour du monde en 80 Jours) sont la réminiscence d’une époque plus légère où il était encore possible de rêver à des lendemains meilleurs.
Autant de souvenirs qui garderont vivante la mémoire de Sammy Clark, qui rêvait d’offrir à la nouvelle génération, à ses jumeaux Sami Jr et Sandra et à sa petite-fille Siana, un Liban plus glorieux. Lui qui avait déploré si justement dans sa chanson Bi Watani que « les jeunes aient à payer le prix le plus élevé pour le Liban, celui de leurs années ». Avec son départ, c’est un énième rappel pour le Liban, que l’enfance est bel et bien finie.
commentaires (9)
Adieu Sammy ou peut-être simplement au revoir. Je garde de toi le souvenir d'une immense gentillesse mais aussi de quelques chansons composées pour toi avec l'ami Nazo HEKIMIAN dans le milieu des années 70. Toutes ces années de succès jamais démenti nous rendent aujourd'hui orphelins de ton talent et de ta générosité. SERGE PRISSET
PRISSET SERGE
10 h 02, le 21 février 2022