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Moyen-Orient - Éclairage

Face aux manifestations au Kazakhstan, Ankara veut préserver ses intérêts

La Turquie mise sur sa proximité historique et culturelle pour tenter de jouer un rôle plus important dans ce pays d’Asie centrale.

Face aux manifestations au Kazakhstan, Ankara veut préserver ses intérêts

Des blindés et l'épave d'un chasse-neige incendié dans le centre d'Almaty, au Kazakhstan, le 7 janvier 2022. Photo AFP

Alors que le Kazakhstan est secoué depuis dimanche dernier par des manifestations inédites, Recep Tayyip Erdogan a apporté jeudi son soutien à cette ex-République soviétique d’Asie centrale. Après s’être entretenu avec les dirigeants des pays membres de l’Organisation des États turciques (OET) – qui recouvre le Kazakhstan, la Turquie, l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan – qu’il préside, le président turc a témoigné de la solidarité de son pays avec Noursoultan (capitale kazakhe anciennement nommée Astana), avant d’ajouter qu’Ankara était « prêt à partager toutes sortes de connaissances et d’expériences techniques en cas de besoin ».

Dans cet état autocratique depuis son indépendance il y a 37 ans, le pouvoir réprime dans le sang des protestations massives, d’abord motivées par la hausse des prix de l’énergie, puis appelant au changement de régime. Mercredi, Noursoultan Nazarbaïev, ancien président du Kazakhstan qui avait volontairement renoncé en 2019 à sa fonction pour prendre celui de chef à vie du conseil de sécurité et qui continuait de facto à diriger le pays, a été contraint de démissionner. Les émeutes se sont poursuivies depuis, alors que l’actuel président, Kassym-Jomart Tokaïev, a indiqué hier qu’il avait autorisé les « forces de l’ordre et l’armée de tirer pour tuer sans sommations ».

Si Ankara s’était fait discret dans les premiers jours ayant suivi les événements, le soutien affiché peu après par la Turquie s’explique par sa volonté croissante ces dernières années de regarder un peu plus vers l’Est. « Ankara a essayé de revigorer son influence en Asie centrale ces derniers temps et surtout après la deuxième guerre du Haut-Karabakh », observe Emil Avdaliani, professeur à la European University et directeur des études sur le Moyen-Orient au sein du think tank Geocase, basé en Géorgie.

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En Azerbaïdjan, ex-République soviétique d’Asie occidentale, la Turquie s’était illustrée par son soutien total à Bakou face aux troupes arméniennes dans le sillage de la deuxième guerre de la région indépendantiste du Haut-Karabakh, déclenchée fin septembre 2020. La victoire azerbaïdjanaise qui avait suivi était notamment due à sa supériorité technologique, dont les redoutables drones d’attaque Bayraktar fournis par Ankara. Moins d’un an plus tard, Ankara a mis le cap sur l’Afghanistan en proposant de sécuriser l’aéroport de Kaboul suite à la chute de la capitale aux mains des talibans dans le sillage du retrait total de l’armée américaine. Un appel qui visait à court terme à réchauffer ses relations avec Washington, mais qui s’expliquait surtout par sa volonté d’étendre son influence dans cette région.

Avec le Kazakhstan, la Turquie sait qu’elle a beaucoup à gagner. « Le Kazakhstan est probablement le pays le plus important pour Ankara parmi les 5 républiques d’Asie centrale, tant en termes économiques que politiques », indique Eleonora Tafuro Ambrosetti, chercheuse au Centre Russie, Caucase et Asie centrale de l’Institut pour les études de politique internationale. Et ce notamment grâce à la place du Kazakhstan parmi les plus gros producteurs de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses partenaires (OPEP+). « La Turquie, qui dépend surtout de la Russie pour ses importations de gaz, essaye de diversifier ses sources et s’intéresse naturellement au Kazakhstan, un pays extrêmement riche en ressources énergétiques. C’est aussi pour cela qu’Ankara s’investit beaucoup dans sa relation avec l’Ouzbékistan, un exportateur important de gaz. »

Au-delà de la question énergétique, le Kazakhstan représente un marché très attrayant pour l’industrie militaire turque, alors que le régime a acheté en 2021 des drones à Ankara. « La Turquie a investi plus de 4 milliards de dollars au Kazakhstan, souligne Ogul Tuna, directeur de l’Ankara Center for Global Politics. Après le succès de l’industrie de la défense turque dans la deuxième guerre du Haut-Karabakh et dans la crise ukrainienne (2021), le Kazakhstan est devenu un client potentiel. Le projet “fou” de Canal Istanbul d’Erdogan (visant à percer un canal entre la mer Noire et la mer de Marmara), qui aurait d’énormes répercussions sur l’environnement sécuritaire de la mer Noire et de l’Eurasie, est lié au port kazakh d’Aktaou en mer Caspienne. »

Des intérêts chers à la Turquie, qui joue de sa proximité historique, culturelle et linguistique avec le Kazakhstan afin d’avancer ses pions. « Après l’effondrement de l’URSS, Ankara a adopté un discours laïc, nationaliste et cependant protecteur à l’égard des nouveaux États turciques. Alors que la Turquie était associée au grand frère, elle a adopté les idées et la politique panturquistes héritées de l’Empire ottoman et assumé le rôle de guide pour les peuples ethniquement et culturellement apparentés et les nouveaux États nés dans la patrie turque, d’où le peuple turc est originaire, ajoute Ogul Tuna. Ainsi, le Kazakhstan, en tant que patrie historique, revêtait une importance pour la nouvelle politique étrangère turque. » Une approche à laquelle le Kazakhstan, pris en étau entre la Russie et la Chine, ne serait pas opposé. « Pour Astana, le fait de coopérer avec un acteur aussi puissant que la Turquie est un atout, note Eleonora Tafuro Ambrosetti. Le Kazakhstan a surtout une longue tradition de politique étrangère multivectorielle, ce qui est souvent observé dans la région postsoviétique, et cherche ainsi à diversifier ses alliances en ne dépendant pas trop de la Russie ni de la Chine. » La proximité entre Ankara et Noursoultan s’est aussi traduite en termes politiques, alors que la Turquie était le premier pays à reconnaître l’indépendance du Kazakhstan après la chute de l’Union soviétique. De son côté, Noursoultan Nazarbaïev avait fermement soutenu Ankara après la tentative de coup d’État de juillet 2016.

Mais en dépit du rôle qu’elle cherche à jouer dans le pays, la Turquie sait qu’elle n’est pas un rival de taille aux côtés de la Russie, principal soutien en matière de sécurité, ou de la Chine, partenaire économique majeur dans la région. Depuis jeudi, des troupes russes ont été dépêchées au Kazakhstan à la demande du gouvernement dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) sous influence russe. « L’activation de l’OTSC diminuera probablement la marge de manœuvre du Kazakhstan en matière de politique étrangère. Ce dernier sera désormais plus redevable à Moscou pour le soutien militaire, ce qui se traduira probablement par des corrections dans les calculs de politique étrangère de Noursultan », estime Emil Avdaliani. Du côté de la Turquie, « il reste cependant à voir si Ankara transformera l’Organisation des États turciques en un organe qui sera prêt à imiter ce que l’OTSC vient de faire au Kazakhstan », poursuit-il.

Alors que le Kazakhstan est secoué depuis dimanche dernier par des manifestations inédites, Recep Tayyip Erdogan a apporté jeudi son soutien à cette ex-République soviétique d’Asie centrale. Après s’être entretenu avec les dirigeants des pays membres de l’Organisation des États turciques (OET) – qui recouvre le Kazakhstan, la Turquie, l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan et...

commentaires (2)

Erdogan est aussi fourbe et dangereux que ses prédécesseurs responsables des génocides des Chrétiens Arméniens, Syro-chaldéens, etc.. Il nie les crimes passés comme ceux présents. Plus nous voyons des Erdogan, Macron, Biden, et tous les autres plus nous aimons Poutine.

Nicolas ZAHAR

23 h 06, le 08 janvier 2022

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Commentaires (2)

  • Erdogan est aussi fourbe et dangereux que ses prédécesseurs responsables des génocides des Chrétiens Arméniens, Syro-chaldéens, etc.. Il nie les crimes passés comme ceux présents. Plus nous voyons des Erdogan, Macron, Biden, et tous les autres plus nous aimons Poutine.

    Nicolas ZAHAR

    23 h 06, le 08 janvier 2022

  • L,APPRENTI MINI SULTAN OTTOMAN ERDO FOURRE SON NEZ UN PEU PARTOUT JUSQU,AU JOUR OU L,ON LE LUI COUPE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 27, le 08 janvier 2022

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