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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

L’Arabie saoudite investit le septième art

Avec son premier festival de films international, Riyad projette son influence culturelle, espérant devenir l’épicentre d’une production cinématographique régionale.

L’Arabie saoudite investit le septième art

Le président du Red Sea Film Festival, Mohammed al-Turki, accueille l’actrice américaine Hilary Swank à l’ouverture du festival à Djeddah, le 7 décembre 2021. Patrick Baz/Red Sea Film Festival/AFP/Getty Images

Un tapis rouge sous des rafales de flashs et des stars mondiales comme Catherine Deneuve, Naomi Campbell, Hilary Swank ou encore Vincent Cassel. Le glamour est au rendez-vous en ce début décembre. A priori, rien d’inhabituel pour une compétition cinématographique d’envergure internationale. Pourtant, quelques années auparavant, les épaules dénudées et les décolletés assumés n’auraient pas été pensables à Djeddah, au cœur du royaume wahhabite, où s’est tenu le Red Sea Film Festival. Inédit dans ce pays où le cinéma est resté interdit plus de trois décennies, le premier tapis rouge déployé en Arabie saoudite pour le septième art a fait plus de bruit que les prix distribués lors de la cérémonie de clôture du festival. Depuis l’autorisation de réouverture des salles, en 2018, Riyad a vite fait de rattraper son retard, devenant en quelques années l’un des principaux mécènes du cinéma dans la région. Un changement de cap mis en œuvre dans le cadre du plan de réformes « Vision 2030 » du dauphin saoudien, Mohammad ben Salmane, qui entend utiliser la pellicule comme un outil de « soft power » afin de diffuser une image moderne et libérale de la plus grande monarchie du Golfe.

Se targuant d’être une vitrine des changements sociétaux en cours dans le pays, le récent festival du cinéma de Djeddah a mis en avant les femmes, qui ont réalisé près de 40 % des 138 films internationaux présentés, alors que les saoudiennes avaient finalement obtenu le droit de conduire en 2018. « Le cinéma m’a donné une voix. En tant que femme, j’ai grandi en Arabie saoudite lorsque les femmes et la culture n’étaient pas au centre des préoccupations. Maintenant nous sommes au centre », a déclaré, émue, la réalisatrice saoudienne Haifa al-Mansour, connue pour son film Wajda, au moment de recevoir un prix d’honneur récompensant sa carrière. « Le festival était important pour montrer l’engagement du royaume à mettre en œuvre sa vision et à ouvrir le pays », analyse Eman Alhussein, chercheuse non résidente à l’Arab Gulf States Institute à Washington. L’image du royaume est au cœur des efforts déployés pour étendre son « soft power » dans la région et sur la scène internationale, à coup de pétrodollars investis notamment dans le secteur des loisirs.

Contrôler les récits

À lui seul, le Red Sea Film Festival dispose d’un fonds de 14 millions de dollars dédié au développement, à la production et à la postproduction de films arabes et africains. Plus généralement, l’Arabie saoudite a promis d’investir 64 milliards de dollars en une décennie dans l’industrie du divertissement – prouvant ainsi l’importance de la culture et du cinéma dans le vaste chantier de réformes lancé en 2016 par le prince héritier afin de diversifier l’économie saoudienne et préparer l’ère postpétrole. En 2030, l’industrie du film devrait rapporter 1,5 milliard de dollars entre les entrées en salle et les produits dérivés, selon le cabinet de services PricewaterhouseCoopers, tandis que 45 cinémas ont déjà ouvert leurs portes en trois ans. L’investissement prévu sur la décennie « permettra à tous les cinéastes du royaume ou en dehors, qui souhaitent raconter des histoires saoudiennes, de se faire plaisir », s’enthousiasme Ali Jaber, directeur du groupe de télévision MBC, détenu à majorité par l’Arabie saoudite. Par ailleurs, le groupe saoudien compte investir « près d’un demi-milliard de dollars dans la création de contenus sur sa plateforme de streaming Shahid afin de relancer et de faire progresser toute l’industrie dans le monde arabe », précise son directeur.

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« Que les Saoudiens soient désormais les acteurs les plus importants en ce qui concerne le financement de films dans la région est stratégique pour contrôler les récits produits et empêcher l’émergence de toute pensée critique », nuance toutefois Safa al-Ahmad, cinéaste saoudienne indépendante et dissidente politique. Les réalisateurs qui bénéficient de fonds de Riyad « s’autocensurent, (...) même Netflix n’ose rien faire de critique envers l’Arabie saoudite ou le Golfe », se lamente la réalisatrice. Témoignant de l’influence culturelle gagnée par le royaume dans le domaine cinématographique, la chercheuse Eman Alhussein affirme que « certaines séries saoudiennes comme Masameer County sur Netflix ou Rashash sur (Shahid, de) MBC, ont suscité un grand intérêt non seulement en Arabie saoudite mais aussi dans la région ».

Cet engouement suggère une validation de la dimension culturelle dans la politique étrangère saoudienne, que les célébrités internationales qui se succèdent dans le royaume viennent renforcer. Entre les concerts de Pitbull ou encore Justin Bieber, et les événements qui réunissent de grands sportifs comme le Grand Prix de formule 1 à Djeddah, les changements sociétaux opérés dans le berceau du wahhabisme signalent l’ouverture récente à des pratiques longtemps considérées dans le pays comme contraires à l’islam. Depuis le 11 décembre, la première biennale saoudienne d’art contemporain de Diriyah rassemble des artistes locaux et internationaux sous le slogan « Traverser la rivière en tâtant les pierres », une métaphore chinoise sur l’action en temps de transformation socio-économique, bien qu’aucune référence ne soit faite à une quelconque révolution culturelle. Mais si ces avancées peuvent être bienvenues, elles vont aussi « main dans la main avec une oppression politique absolue », donnant l’illusion que « l’Arabie saoudite est un pays respectable et qu’il suffit d’oublier le nombre de morts au Yémen, les crimes de guerre commis, ou encore Jamal Khashoggi », insiste Safa al-Ahmad, en référence à l’action de la coalition menée par Riyad dans la guerre du Yémen et à l’assassinat en 2018 de l’opposant saoudien au consulat de son pays à Istanbul.

Un tapis rouge sous des rafales de flashs et des stars mondiales comme Catherine Deneuve, Naomi Campbell, Hilary Swank ou encore Vincent Cassel. Le glamour est au rendez-vous en ce début décembre. A priori, rien d’inhabituel pour une compétition cinématographique d’envergure internationale. Pourtant, quelques années auparavant, les épaules dénudées et les décolletés assumés...

commentaires (2)

Je n’ai rien pour ni contre l’Arabie Saoudite, mais raisonnons objectivement sans parti pris ni sectarisme. Le 7ième art n’a jamais été l’apanage des pays du golfe, ce n’est pas du jour au lendemain qu’ils pourront s’imposer dans cette catégorie malgré les milliards qu’ils prévoient d’investir pour y arriver. Ils ont déjà commencé par ouvrir les portes aux artistes et musiciens Egyptiens, Libanais et au monde entier. Cela ne fera pas soudainement des Saoudiens, des chanteurs comédiens et des techniciens du cinéma. Pour s’en apercevoir il suffit de visionner leurs télés, qui exhibent leurs corbeaux essayant de croasser un couplet, et qui nous invitent à zapper immédiatement… Ce n’est pas en dénudant les épaules de quelques femmes teintées en blond et bien boudinées, on dirait une saucisse mal ficelée… qu’ils vont attirer un public mélomane pour admirer ces dames amorties par le temps. Un décor arabesque pour attirer le spectateur déjà initié n’est pas la bonne idée que leurs conseillers leur ont imposée. Il faudrait peut-être appliquer le proverbe qui dit : simplicité fait beauté. Alors que la scène où se succèdent des imitateurs et quelques amateurs imitant Farid, Abdel Wahab, Oum Koulthoum etc…est tellement chargée de guirlandes et de décor superflu, qu’on s’y perd en essayant de voir la tête, ou la silhouette du prestataire de la chanson pour peu qu’il ait quelques intonations qui sonnent juste. Le cinéma Egyptien a pu s’imposer grâce à la présence de grands acteurs libanai

Le Point du Jour.

18 h 48, le 23 décembre 2021

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Commentaires (2)

  • Je n’ai rien pour ni contre l’Arabie Saoudite, mais raisonnons objectivement sans parti pris ni sectarisme. Le 7ième art n’a jamais été l’apanage des pays du golfe, ce n’est pas du jour au lendemain qu’ils pourront s’imposer dans cette catégorie malgré les milliards qu’ils prévoient d’investir pour y arriver. Ils ont déjà commencé par ouvrir les portes aux artistes et musiciens Egyptiens, Libanais et au monde entier. Cela ne fera pas soudainement des Saoudiens, des chanteurs comédiens et des techniciens du cinéma. Pour s’en apercevoir il suffit de visionner leurs télés, qui exhibent leurs corbeaux essayant de croasser un couplet, et qui nous invitent à zapper immédiatement… Ce n’est pas en dénudant les épaules de quelques femmes teintées en blond et bien boudinées, on dirait une saucisse mal ficelée… qu’ils vont attirer un public mélomane pour admirer ces dames amorties par le temps. Un décor arabesque pour attirer le spectateur déjà initié n’est pas la bonne idée que leurs conseillers leur ont imposée. Il faudrait peut-être appliquer le proverbe qui dit : simplicité fait beauté. Alors que la scène où se succèdent des imitateurs et quelques amateurs imitant Farid, Abdel Wahab, Oum Koulthoum etc…est tellement chargée de guirlandes et de décor superflu, qu’on s’y perd en essayant de voir la tête, ou la silhouette du prestataire de la chanson pour peu qu’il ait quelques intonations qui sonnent juste. Le cinéma Egyptien a pu s’imposer grâce à la présence de grands acteurs libanai

    Le Point du Jour.

    18 h 48, le 23 décembre 2021

  • Et l’on s’étonne encore pourquoi l’Arabie Saoudite n’est aucunement pressée d’aider à restaurer Beyrouth comme capitale intellectuelle et artistique du Moyen-Orient? Pas si bêtes, après tout, les bédouins! Pendant que tous ces gens dansent entre Jeddah, Londres, Los Angeles et Ibiza, continuons à faire la “résistance”… Bravo MBS!

    Mago1

    02 h 46, le 23 décembre 2021

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