Le point de vue de... Bande dessinée

Hommage à Chris Ware

Hommage à Chris Ware

La boîte est grande. L’image imprimée sur le carton semble déjà raconter une histoire, à travers une multitude de dessins et de typographies imbriqués. À premier abord, on pense qu’elle contient un grand livre. Peut-être une édition luxueuse d’un album de l’auteur. Mais à l’ouverture, on découvre un contenu hétéroclite : des papiers à déplier de dimensions diverses, des fascicules, de petits livres, des cartons. Tout ce bric-à-brac constitue une seule et même œuvre, dispersée, une histoire aux portes d’entrées multiples, un labyrinthe où le lecteur peut déambuler à sa guise. Mais ce n’est pas tout : chacune des pages a les airs d’un plateau de jeux de société, fait de petites cases qui s’enchaînent, se répondent, renvoient dans des directions opposées. Building Stories – le titre de ce coffret paru en 2012 – est l’une des œuvres les plus emblématiques de Chris Ware et l’exemple parfait du sillon qu’il n’a de cesse de creuser depuis plusieurs décennies.

Dans une esthétique à l’apparente neutralité, à mi-chemin entre le symbole et la représentation réaliste, Chris Ware semble disséquer les situations qu’il raconte et en déployer le résultat en une multitude de cases. Pour cela, tous les moyens sont bons : dans un patient travail de planification, il surdécoupe le temps, opère des coupes dans les bâtiments en perspective isométrique pour en voir l’intérieur, a recours à des flèches, des inserts... Et pourtant, de ce jeu narratif calculé, organisé, naît l’émotion. En comptant, pour émouvoir, sur la logique implacable de l’enchaînement des images plutôt que sur l’expressivité de l’image unique, ne rend-il pas un vibrant hommage à ce qui est propre à la bande dessinée ?

Cette « manière » propre à Chris Ware est en un sens héritière d’une histoire de la BD qui le passionne. Celle des premières bandes dessinées américaines qui, dès la fin du XIXe siècle, paraissaient dans les suppléments du dimanche des grands journaux. Elles profitaient des très grands formats de la presse quotidienne pour s’adonner à des jeux formels dans l’organisation des pages. On pense bien sûr au Little Nemo de Winsor McCay, mais il y en a d’autres. Menant sa recherche toujours plus loin, de projet en projet, de Jimmy Corrigan à Rusty Brown, Chris Ware est de ces auteurs qui redéfinissent les frontières de la bande dessinée.

Investissant également le champs des images uniques, on lui doit certaines remarquables couvertures du Newyorker, notamment sur le thème des violences dans les écoles, et qui proposent chaque fois de multiples niveaux de lecture. Ces incursions dans la presse témoignent d’une conscience sociale toujours présente dans son œuvre.

Une exposition d’ampleur sera consacrée à Chris Ware, Grand Prix 2021 du festival de la bande dessinée d’Angoulême, lors de la prochaine édition en janvier. Sa lettre de remerciement, pleine d’humilité, de douceur et de justesse nous rappelle combien l’ambition peut, dans les meilleurs des cas, se priver de prétention.


La boîte est grande. L’image imprimée sur le carton semble déjà raconter une histoire, à travers une multitude de dessins et de typographies imbriqués. À premier abord, on pense qu’elle contient un grand livre. Peut-être une édition luxueuse d’un album de l’auteur. Mais à l’ouverture, on découvre un contenu hétéroclite : des papiers à déplier de dimensions diverses, des...

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