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Lifestyle - Beyrouth Insight

Bakalian Flour Mills, le cœur dans la farine

De Sarkis à Sarkis Jr et Patricia, en passant par Pakrat et Vasken Bakalian, de 1908 à aujourd’hui, plus de cent dix ans se sont écoulés, écrivant la saga d’une famille et les saveurs d’un métier sans cesse remis au(x) goût(s) du jour. Des années qui ont fait vibrer les moulins de leurs cœurs.

Bakalian Flour Mills, le cœur dans la farine

Patricia Bakalian, une force tranquille. Photo C.H.

C’est un petit bout de femme qui nous reçoit aux portes de l’usine Bakalian Flour Mills à la Quarantaine, un grand sourire en guise de bienvenue. Guide privé de cette immense entreprise familiale, elle évolue comme un (petit) poisson dans l’eau de salle en salle en détaillant les machines, les réserves, les fonctions de chaque pièce, les silos extérieurs. Car aucune marée (haute ou basse) ne fera perdre le contrôle à Patricia Bakalian. Ni les tempêtes d’un pays en cours d’effondrement, ni un État et des ministères avec lesquels elle doit gérer les crises financières et économiques au quotidien, ni la lourde tâche de mener quelque 120 employés à bon port. Ni celle, enfin, de rester au pays en ces moments particulièrement difficiles et perpétuer le nom de la famille Bakalian.

CEO de la Société industrielle du Levant (Sidul) depuis 2009, plus connue sous le label Bakalian Flour Mills, Patricia Bakalian adore les défis. Même si elle n’aurait jamais imaginé la charge de contraintes et de problèmes à résoudre qui tomberait sur ses petites épaules à partir de 2019. Lion au regard de chat, elle a réussi avec une évidente force tranquille à relever les défis que la vie (et le Liban) lui a tendus, sans tambour ni trompette. Sans jamais se plaindre, mais en toute discrétion. Parachutée à ce poste du jour au lendemain, au lendemain du décès subit de son père Sarkis, Patricia n’avait aucun autre choix que celui de prendre le relais. Au nom des pères de trois générations, mais aussi des trois femmes qui l’entourent, sa mère, d’abord, « ma force », et ses sœurs Paola (COO) et Priscilla (responsable du département recherche et développement). « J’ai tout appris seule et en observant l’équipe au travail. Sans aucun complexe, j’ai posé les bonnes questions aux bonnes personnes et j’ai été très bien conseillée, entourée de collaborateurs géniaux. »


Pain et viennoiseries au menu de nos gourmandises. Photo C.H.

Au nom de l’arrière-grand-père aussi

Dans l’arbre généalogique des Bakalian, c’est donc l’arrière-grand-père Sarkis qui a semé les « graines » de la farine le premier en fondant sa première usine à Adana, en Cilicie, en 1908, avec une capacité de production de 24 tonnes métriques de blé par jour. Fort de ce succès, il atterrit au Liban et crée Les Grands Moulins du Liban-Sarkis Bakalian, qu’il installe d’abord au centre-ville puis à la Quarantaine. C’est dans une même vision que la deuxième génération, Pakrat et son frère Vasken, poursuivent le développement du business au Liban et à l’international, notamment au Ghana et au Soudan. Lorsque Sarkis Jr, le père de Patricia, débarque, encore très jeune, dans l’entreprise, son ambition et son énergie le poussent à multiplier les capacités de rendement de l’usine, à construire des silos – les plus grands dans le pays – pouvant stocker jusqu’à 30 000 tonnes de blé et à lancer dans les années 90 un laboratoire de recherche et de développement. « C’était un homme rigide, pas très bavard », confie Patricia qui, diplômée d’un master en entrepreneuriat de la Cass Business School de Londres, décide de rentrer au Liban en mai 2009 pour « poser un œil sur l’entreprise familiale », même si, avoue-t-elle, « je n’avais pas envie de faire ce métier. Je voulais juste voir si j’allais l’aimer ». La jeune femme observe, s’intéresse, s’impose, pose des questions « auxquelles il répondait rarement », souligne-t-elle en riant, « mais il était content que je sois là »… Patricia ne pourra pas longtemps profiter de sa présence, Sarkis Bakalian Jr décède d’un arrêt cardiaque quelques mois plus tard, en novembre 2009. « J’ai tout de suite été nommée CEO de la compagnie. »


Visite guidée d’une usine moderne qui date de plus de 100 ans. Photo C.H.

Le blé au féminin

La voilà donc, à 22 ans, propulsée dans un monde exclusivement masculin, dans l’usine mais aussi auprès des ministères et autres institutions, « un monde d’hommes en cravate et moi et mon baby face » ! Auprès d’elle, ses trois inséparables : sa mère Claude, « qui savait tout de l’historique de l’entreprise, des collaborateurs, des problèmes, des détails », son aînée Paola et Priscilla.

Au bout des quelques premières années qui furent « décisives », la jeune CEO trouve sa place dans ce « challenge ». « Je ne l’appellerais pas métier, précise-t-elle. J’ai beaucoup changé, je prends les choses plus calmement. » Se sentant ancrée – « j’avais fait mes preuves » –, elle décide avec Paola de rajeunir la marque, la rendre plus « sexy ». « Nous sommes quand même une minoterie de femmes ! » rappelle-t-elle. Tout sera revu, conjugué au féminin, personnalisé, « le logo, le packaging, la vision », avec pour objectif une clientèle plus diversifiée : non plus simplement les professionnels, boulangers, usines de pain arabe et de biscuits, mais le consommateur. Nous sommes en 2019.


Visite guidée d’une usine moderne qui date de plus de 100 ans. Photo C.H.

Des odeurs et des saveurs

Les trois filles de Sarkis ont ce désir sans doute très féminin de donner à la farine et au pain leurs lettres de noblesse, « créer un hub pour les amoureux du pain, devenir la référence dans la région ». « Bakelab » voit le jour, une vision modernisée du département de recherche créé par leur père des années auparavant, avec des techniques avancées et des tests plus pointus. « Un centre qui puisse offrir aux clients expérience et expertise. » Et des envies de gourmandise… Car à peine débarqué dans les lieux à la fois doux et silencieux, un délicieux parfum de pain et de viennoiseries encore chauds se dégage, comme une invitation au voyage. Le contraste avec le bruit et l’acier imposant des machines de l’usine un peu plus loin est évident. Patricia, au pays de ses merveilles, explique : « Nous voulions d’abord, mais c’était avant le Covid, recevoir des professionnels étrangers qui communiqueraient aux professionnels locaux leur savoir-faire et leurs connaissances sur les produits, la qualité de la farine et la manière de faire un bon pain. » Le trio s’adapte aux contraintes et décide de suivre la vague « qui était alors de faire son propre pain chez soi ». Paola a l’idée, en temps de confinement, de créer sous le label « Home Bakery » une boîte avec trois genres de farine, accompagnée de recettes et livrée à domicile. Le succès est énorme. Aujourd’hui, dans ce laboratoire magique, elles proposent aux amateurs et amoureux de boulangerie de tout apprendre sur la sourdough en proposant des cours techniques et pratiques sur deux jours, qui affichent complet dès leur lancement. Des ateliers de travail sont également organisés autour des pâtes fraîches. Tagliatelles, raviolis, vous saurez tout sur la manière de les préparer puis de les cuisiner, en présence d’un jeune chef libanais. « À la fin de la session, les élèves se réunissent autour d’une table et dégustent leur plat ensemble. L’énergie est très belle. » Des cours de pâtes asiatiques, nouilles fraîches, gyozas, baos et autres, sont également au programme des mois à venir.

Le cœur pétri par la vie, les bonheurs – elle est maman d’un petit garçon de 2 ans et 3 mois –, par des difficultés dont un problème de santé aujourd’hui dépassé, Patricia Bakalian avoue une petite fatigue et l’envie d’« introduire du sang neuf dans les tâches quotidiennes ». « J’ai tout donné… Douze ans à m’occuper des ministères, des assurances, des banques, des aspects légaux, des ventes, des achats, de la qualité des produits, des ressources humaines, de la clientèle et maintenant la boulangerie, j’ai réussi mon défi. Si c’était à refaire, je le referais, mais il est temps pour moi de penser un peu plus à moi et ma famille. » Lui reste toutefois une envie dont elle se chargera avec ses deux complices : « Développer le côté académique pour que nos produits et notre savoir-faire atteignent le plus grand nombre de personnes dans la région. »

C’est un petit bout de femme qui nous reçoit aux portes de l’usine Bakalian Flour Mills à la Quarantaine, un grand sourire en guise de bienvenue. Guide privé de cette immense entreprise familiale, elle évolue comme un (petit) poisson dans l’eau de salle en salle en détaillant les machines, les réserves, les fonctions de chaque pièce, les silos extérieurs. Car aucune marée (haute ou...

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Bakalian , c est l excellence !

Bardawil dany

10 h 13, le 28 octobre 2021

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Commentaires (1)

  • Bakalian , c est l excellence !

    Bardawil dany

    10 h 13, le 28 octobre 2021

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