Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Pendant ce temps, ailleurs...

À Gaza, la gastronomie méconnue des Abou Hassira

À Gaza, la gastronomie méconnue des Abou Hassira

Soupe de fruits de mer magnifiée de pinces de crabe ; méchouis de mérou sur charbon de bois ; zebdiyya de crevettes à la tomate ; tajine de poissons au tahiné, aux herbes et pignons de pin… La famille Abou Hassira tient une chaîne de restaurants très appréciés à Gaza, mais méconnus des foodies étrangers. Mohammad Abed/AFP

« Vous savez où est le restaurant Abou Hassira ? »

– Lequel ? Celui de Mounir, Abou Ali ou Moïn ? »

À l’ombre des guerres, la bande de Gaza regorge de restaurants de poisson, inconnus des foodies et pour la plupart tenus par une grande famille locale. Les premiers rayons de soleil percent à peine que déjà Mounir Abou Hassira arrive au marché aux poissons, au cœur du port de Gaza. Alors que les traders s’arrachent les kilos de sardines pêchées la nuit, Mounir se tient en retrait de la criée. Moustache fine et regard vif, l’homme mise plutôt sur les prises de luxe comme le mérou, la dorade et surtout les grosses crevettes qui partent ce matin-là à environ 70 shekels (environ 19 euros) le kilo. Une petite fortune pour Gaza. « Ce sont des poissons chers pour les gens de Gaza. Alors j’en achète un peu pour mon restaurant et le reste est entreposé au froid avant de partir en Cisjordanie, via le passage israélien de Kerem Shalom », lance Mounir, accompagné par des aides qui mettent dans une camionnette les centaines de kilos de poisson achetés ce matin-là.

Pendant des décennies, la grande famille des Abou Hassira a lancé depuis Gaza ses hordes de pêcheurs en Méditerranée. Mais, après avoir lancé un premier restaurant dans les années 70 du siècle dernier, elle a fini par quitter la mer, où les pêcheurs disent aujourd’hui gagner des misères. Selon les autorités israéliennes, qui imposent depuis 2007 un blocus à l’enclave, 4 200 tonnes de poisson et fruits de mer ont été pêchés sur les côtes de Gaza l’an dernier, dont 300 sont parties à l’exportation. Trois fois rien pour les anciens qui rêvent encore de « l’âge d’or » des pêches de Gaza.


Soupe de fruits de mer magnifiée de pinces de crabe ; méchouis de mérou sur charbon de bois ; zebdiyya de crevettes à la tomate ; tajine de poissons au tahiné, aux herbes et pignons de pin… La famille Abou Hassira tient une chaîne de restaurants très appréciés à Gaza, mais méconnus des foodies étrangers. Mohammad Abed/AFP

Le rabbin et la mer

« C’est moi, le dernier pêcheur de la famille. J’ai tout vendu en 2013. Aujourd’hui, nous sommes dans le commerce du poisson, nous avons 13 restaurants Abou Hassira », raconte Eid Abou Hassira, cheveux blancs presque argentés, canne en bois et masque sanitaire sous le nez. Si Mounir est le grand marchand, c’est lui, Eid, le mokhtar aux 80 ans bien sonnés, qui dirige les affaires de la famille depuis son diwan – sa cour – et se veut le gardien de la mémoire des Abou Hassira, dont la branche gazaouie est musulmane mais la branche israélienne juive.

Abou Hassira est le nom d’un célèbre rabbin marocain, mort lors d’un voyage en Égypte au XIXe siècle. D’Égypte, un de ses descendants a eu la vision « qu’il fallait aller à Gaza », raconte Eid Abou Hassira. « Alors nous sommes venus ici, mon grand-père a choisi de vivre de la mer », ajoute-t-il, en restant évasif sur la judaïté d’une partie de la grande famille. Le vieil homme est plus loquace lorsqu’il s’agit de revendiquer la paternité de la zebdiyya. Quand il était gamin, sa mère cuisinait ce tajine de fruits de mer devenu l’emblème des tables Abou Hassira, chapelet de restaurants dans les rues autour du diwan.

Qui est le meilleur chef des Abou Hassira ? À poser la question aux uns et aux autres, Moïn est plébiscité. Formé à la cuisine française dans un restaurant de Jaffa, en Israël, le cinquantenaire a ouvert en début d’année un nouveau restaurant Abou Hassira, le Roma. Dans une rue où les gamins jouent au foot, il rend hommage aux racines de la famille avec sa zebdiyya de crevettes à la tomate, son tajine de poisson au tahiné, aux herbes et aux pignons de pin, et son méchoui de mérou. « Ici, il n’y a pas d’écoles de cuisine. Tout ce que nous savons, nous l’avons appris en nous échangeant des trucs entre nous (...). Le secret de la cuisine de Gaza, c’est le piment fort », dit-il dans la cuisine de son restaurant.


Soupe de fruits de mer magnifiée de pinces de crabe ; méchouis de mérou sur charbon de bois ; zebdiyya de crevettes à la tomate ; tajine de poissons au tahiné, aux herbes et pignons de pin… La famille Abou Hassira tient une chaîne de restaurants très appréciés à Gaza, mais méconnus des foodies étrangers. Mohammad Abed/AFP

Sans étoiles Michelin

Au fil du temps, la clientèle des restaurants Abou Hassira a changé. « Jusqu’au début de la première intifada (1987), nos restaurants étaient bondés, les Israéliens venaient manger ici, comme les touristes », explique Moïn, en allusion à une époque où Gaza était accessible et visitée. Et depuis l’imposition en 2007 du blocus israélien sur cette langue de terre tenue par les islamistes du Hamas, les touristes, les foodies étrangers et les plumes acérées des guides gastronomiques n’ont plus accès à l’enclave. Aujourd’hui, les restaurants de la famille accueillent des clients palestiniens aisés, mais les temps restent durs dans ce territoire où le taux de chômage avoisine les 50 %, se désole-t-il.

Plus loin, Abou Ali, un autre membre de la famille, offre une soupe de fruits de mer magnifiée de pinces de crabe et des méchouis de poisson sur charbon de bois. Inconnu du guide Michelin, Abou Ali s’est vu néanmoins attribuer cette année une récompense encadrée sur le mur de sa salle : une étoile de mer et un poisson dessinés par une jeune Palestinienne qui a légendé : « Meilleur poisson en ville, meilleur chef de Gaza. »

Guillaume LAVALLÉE/AFP

« Vous savez où est le restaurant Abou Hassira ? » – Lequel ? Celui de Mounir, Abou Ali ou Moïn ? » À l’ombre des guerres, la bande de Gaza regorge de restaurants de poisson, inconnus des foodies et pour la plupart tenus par une grande famille locale. Les premiers rayons de soleil percent à peine que déjà Mounir Abou Hassira arrive au marché aux poissons, au cœur du...

commentaires (1)

Les photos resemblent plutot la cuisine maroccaine que libanaise (et en effet la famille Abou Hassira serait donc d'origine maroccaine). Mais la photo "tajine de poissons au tahiné, aux herbes et pignons de pin" est plutot libanaise, dans le port de Saida par exemple on mange tres bon poisson mais toujours avec sauce tahiné il semble (j'avais l'impression que le poisson etait toujours servi de sauce tahiné). Je crains que les pignons de pin soient tres chers pourtant.

Stes David

16 h 08, le 29 octobre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Les photos resemblent plutot la cuisine maroccaine que libanaise (et en effet la famille Abou Hassira serait donc d'origine maroccaine). Mais la photo "tajine de poissons au tahiné, aux herbes et pignons de pin" est plutot libanaise, dans le port de Saida par exemple on mange tres bon poisson mais toujours avec sauce tahiné il semble (j'avais l'impression que le poisson etait toujours servi de sauce tahiné). Je crains que les pignons de pin soient tres chers pourtant.

    Stes David

    16 h 08, le 29 octobre 2021

Retour en haut