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Moyen-Orient - Syrie

Les enjeux de la levée des restrictions imposées à Damas par Interpol

Soumis depuis 2012 à des « mesures correctives » émises par l’organisation internationale de police criminelle, le Bureau central national (NCB) syrien peut désormais accéder aux bases de données d’Interpol et communiquer avec d’autres États membres concernant les demandes d’arrestation internationales.

Les enjeux de la levée des restrictions imposées à Damas par Interpol

Le siège de l’organisation Interpol, à Lyon en France. Fred Dufour/AFP

L’information a été révélée dans plusieurs médias syriens la semaine dernière. Le 1er octobre, Interpol l’a confirmée officiellement au média privé qatari basé à Londres, The New Arab. L’organisation internationale de police criminelle a réintégré le Bureau central national (NCB) de Damas dans son système d’échanges mondial d’informations, lui donnant ainsi accès aux bases de données d’Interpol. « Comme les autres NCB, celui de Damas peut envoyer et recevoir directement des messages d’autres pays membres », précise l’organisation dans un communiqué transmis à L’Orient-Le Jour.

État membre depuis 1953, la Syrie avait fait l’objet de « mesures correctives » de la part d’Interpol en 2012, dans le cadre des sanctions internationales promulguées contre le régime de Bachar el-Assad. En vertu de ces restrictions, le pays était privé des droits d’accès accordés aux utilisateurs du NCB. « Depuis la mise en œuvre de ces mesures, toutes les communications sortant de Syrie n’ont été reçues que par le siège du secrétariat général, qui les a ensuite transmises aux destinataires prévus si elles étaient conformes aux règles d’Interpol », poursuit l’organisation.

Gains politiques supplémentaires

Cette annonce s’inscrit dans le sillage de la reprise du dialogue entre Damas et certains pays voisins, comme la Jordanie, qui a progressivement tourné la page des années de boycott avec le régime syrien. Un coup de fil inédit entre le roi Abdallah II et le président Assad, le 3 octobre, faisait suite à la venue d’une délégation syrienne sécuritaire de haut niveau à Amman puis à la décision prise fin septembre par la Jordanie de rouvrir le poste-frontière de Jaber-Naseeb avec la Syrie. « Pour des pays comme la Jordanie ou le Liban, la réalité politique signifie que vous devez trouver un moyen de traiter avec votre voisin, qu’il soit soumis à des sanctions ou non », observe Aaron Lund, chercheur sur le Moyen-Orient associé à l’Agence suédoise de recherche sur la défense (FOI). « La normalisation se prépare en coulisses depuis quelques années, mais l’accord sur l’Arab Gas Pipeline semble l’avoir révélée au grand jour », poursuit-il en référence à un accord discuté depuis le mois dernier pour alimenter le Liban en gaz et en électricité par l’Égypte et la Jordanie, via la Syrie.

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À cet égard, la décision d’Interpol semble permettre au régime de Bachar el-Assad de réaliser des gains politiques supplémentaires et, selon ses détracteurs, d’accroître sa répression à l’égard des opposants politiques syriens en exil qui craignent que le pays détourne les notices rouges de l’organisation pour procéder à des arrestations sur la base de motifs politiques. À l’instar de tout pays membre, la Syrie peut désormais demander à Interpol de publier une notice rouge, qui consiste à appeler les autres gouvernements à « localiser et procéder à l’arrestation provisoire d’une personne dans l’attente de son extradition, de sa remise ou de toute autre procédure judiciaire », indique le site internet d’Interpol.

Si la charte de l’organisation précise qu’« il est strictement interdit d’entreprendre toute intervention ou activité d’ordre politique, militaire, religieux ou à caractère racial », de nombreuses notices rouges publiées par le passé par des régimes autocratiques ont révélé les failles du système. « Interpol a été critiqué pour sa complicité dans l’émission de ces notices contre des opposants politiques à la demande de régimes autoritaires, notamment la Russie, la Chine et la Turquie, observe Roger Phillips, avocat spécialisé en droit pénal international et directeur juridique de l’organisation Syria Justice and Accountability Centre (SJAC). Il prétend avoir mis en œuvre des réformes qui permettraient de détecter de tels abus, mais l’efficacité de ces réformes n’est pas avérée. »

Ces abus ont notamment été observés du côté de la Chine, qui est parvenue à faire arrêter plusieurs militants appartenant à l’ethnie turcophone musulmane ouïgoure, largement persécutée par le gouvernement chinois dans la province occidentale du Xinjiang. Des méthodes similaires émanant de Russie, d’Iran, de Turquie ou encore du Venezuela auraient été documentées. Selon le média américain The Hill, le gouvernement turc aurait ainsi téléchargé plus de 60 000 demandes d’arrestation dans les bases de données d’Interpol à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 attribuée aux réseaux de Fethullah Gülen, soupçonné d’avoir été à l’origine de la manœuvre.

Au-delà des activistes en exil, plusieurs observateurs estiment que la décision d’Interpol pourrait constituer un risque pour les réfugiés syriens. Certains gouvernements peuvent en effet ôter le statut de réfugié à une personne faisant l’objet d’une notice rouge sous prétexte qu’elle constitue une menace pour le pays.

Sous le feu des critiques, Interpol a précisé que les notices émises par l’organisation à la demande d’un pays membre doivent être conformes à son règlement. « Un groupe de travail multidisciplinaire dédié au siège du secrétariat général d’Interpol procède à un examen de conformité pour toutes les demandes de notice rouge », assure l’organisation. « La Syrie doit fournir un dossier juridique complet, indiquer clairement quelles sont les preuves, apporter des justifications solides sur les noms recherchés, ce qui est assez compliqué », nuance Muhanad Abulhusn, chercheur sur la Syrie expert « Open Source Intelligence ». En outre, les pays membres gardent le contrôle des informations qui seront partagées avec Interpol, et avec quel NCB. Ce qui pourrait restreindre l’accès de la Syrie à certaines données. Garantie supplémentaire afin de protéger les opposants et « d’éviter la complicité dans les violations des droits humains, les États doivent examiner attentivement les demandes émanant du gouvernement syrien et refuser d’extrader les suspects », explique Roger Phillips.

L’information a été révélée dans plusieurs médias syriens la semaine dernière. Le 1er octobre, Interpol l’a confirmée officiellement au média privé qatari basé à Londres, The New Arab. L’organisation internationale de police criminelle a réintégré le Bureau central national (NCB) de Damas dans son système d’échanges mondial d’informations, lui donnant ainsi accès aux...

commentaires (4)

Est-ce que Assad ne devrait pas être sur liste rouge pour crimes multiples?

TrucMuche

17 h 46, le 09 octobre 2021

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Commentaires (4)

  • Est-ce que Assad ne devrait pas être sur liste rouge pour crimes multiples?

    TrucMuche

    17 h 46, le 09 octobre 2021

  • La nausée.....

    Christine KHALIL

    13 h 05, le 09 octobre 2021

  • La nausée.....

    Christine KHALIL

    13 h 05, le 09 octobre 2021

  • Bientot le prix Nobel de la paix a Bashar el assad. Ou de Chimie?!……..

    Robert Moumdjian

    07 h 45, le 09 octobre 2021

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