Depuis jeudi, Nagib Mikati apparaît comme le favori pour être désigné Premier ministre lors des consultations parlementaires qui se dérouleront lundi. Comme d’habitude, les négociations se font en coulisses, en amont des consultations, afin que les partis parviennent à s’entendre sur un nom. Selon les derniers pronostics, l’ancien Premier ministre Nagib Mikati a le vent en poupe. Il bénéficie de l’appui du tandem chiite, du Parti socialiste progressiste et, a priori, du courant du Futur. « Le choix est tombé sur Nagib Mikati parce que Nabih Berry veut absolument que soit assurée la couverture sunnite et garantir l’obtention du feu vert de Saad Hariri », décrypte Fayçal Abdessater, un analyste politique proche du Hezbollah. Bien qu’ayant laissé entendre, à la veille de la récusation de Saad Hariri le 16 juillet, qu’aucun membre du club ne sera candidat à la place du chef du courant du Futur, les anciens Premiers ministres devraient probablement assouplir leur position d’ici à lundi prochain. Le Hezbollah est clair sur le fait qu’il n’avalisera aucun candidat qui n’ait préalablement obtenu le feu vert du président du Parlement, mais aussi la bénédiction du leadership sunnite. « Nous soutenons toute entente conclue entre MM. Hariri et Berry sur la personnalité de M. Mikati qui sera très probablement le candidat désigné lundi prochain », tranche Mohammad Afif Naboulsi, le porte-parole du parti chiite. Il est par conséquent inutile, laisse-t-il entendre, que l’on donne notre avis sur n’importe quel autre candidat. Cette réponse est un message direct envoyé au camp aouniste qui laisse entendre pour l’instant qu’il portera son choix sur Nawaf Salam, le candidat plébiscité par la société civile, mais aussi par les Forces libanaises et par les Kataëb. Le nom de M. Salam avait été avancé à deux reprises par certains groupes parlementaires au cours des consultations pour la nomination d’un chef de gouvernement, en décembre 2019 puis en en août 2020, lorsqu’il a été soutenu par les Forces libanaises. Une pétition réclamant sa nomination à la tête du gouvernement avait également recueilli des milliers de signatures.
Le magistrat de renom issu d’une famille éminemment politique, qui semble être le candidat idéal pour la communauté internationale, a toutefois prévenu qu’il n’accepterait le poste que s’il bénéficiait de pouvoirs exceptionnels. Une condition qui complique davantage sa candidature déjà bien compromise par le fait que le Hezbollah ne veuille pas en entendre parler. Pour ce dernier, il est hors de question d’admettre un tel profil, soupçonné par le parti pro-iranien d’être « proche des Américains ». Une accusation dont l’ancien représentant du Liban à l’ONU, juge à la Cour internationale de justice, s’est farouchement défendu il y a un peu plus d’un mois lors d’un entretien télévisé. Le parti chiite nuance toutefois aujourd’hui ses propos à son égard, peut-être pour éviter la confrontation avec le président de la République. « Si le Hezb avait exprimé à l’époque une objection à l’encontre de Nawaf Salam, c’est tout simplement parce que son nom avait été suggéré dans une logique de défi. Cela dit, on ne peut pas dire que le Hezbollah lui oppose un veto continu », affirme Fayçal Abdessater. Le Courant patriotique libre (CPL) semble chercher pour sa part à affaiblir d’emblée la position de Nagib Mikati, qu’il n’apprécie guère, en optant pour un candidat que son allié chiite ne peut accepter.
« Toute la question est de savoir si le CPL va appuyer la candidature de Nawaf Salam parce qu’il en est convaincu ou tout simplement parce qu’il ne veut pas de Mikati... » s’interroge Faycal Abdessater. « Si le CPL maintenait sa position, le Hezbollah pourrait ne pas désigner Mikati si le score était assuré », dit pour sa part Kassem Kassir, proche du parti chiite.
De nouveau au point mort
S’il est désigné, Nagib Mikati devra effectivement être confronté rapidement à de nombreux problèmes. Saad Hariri s’est récusé après avoir constaté son incapacité à s’entendre sur une formule avec le chef de l’État, qu’il accuse de vouloir, au moins, le tiers de blocage. « Je ne suis vraiment pas sûr que le président se comportera autrement avec Nagib Mikati. À moins qu’il n’y ait de fortes pressions internationales et de sérieuses menaces ciblant Baabda et Gebran Bassil (le chef du CPL), je ne vois pas l’issue », dit Moustapha Allouche, le vice-président du courant du Futur. Rien ne permet pour l’instant d’assurer qu’un gouvernement prendra forme, même si l’ancien Premier ministre bénéficie d’une majorité de voix. Nagib Mikati devrait être pour sa part soumis à la pression de l’establishment sunnite qui ne souhaite pas céder du terrain au camp aouniste. Le député de Tripoli, qui se trouve à l’étranger depuis un moment, observe pour le moment un mutisme absolu, laissant son média, Lebanon24, s’exprimer en son nom. Dans un article publié sur le site jeudi dernier, l’auteur resté anonyme pose la question de savoir si M. Mikati va accepter ou non qu’il soit désigné, égrenant une série de problématiques sous forme de conditions implicites qui, si elles étaient remplies, pourraient alors pousser l’ancien chef de gouvernement à accepter la tâche, peut-on comprendre entre les lignes. Le contexte a-t-il changé aujourd’hui pour lui permettre de mener sa tâche à bien ou sera-t-il sollicité pour une mission impossible ? L’article pose ainsi une série d’interrogations, comme celle de savoir si l’esprit de l’initiative française – la formation d’un gouvernement de spécialistes et de réformateurs qui s’engagent entre autres à respecter la date des législatives – est toujours en vigueur. On trouve également des allusions au respect de la Constitution, un message à peine voilé adressé en amont au président de la République et à la guerre des prérogatives infructueuse que Michel Aoun et Saad Hariri ont menée neuf mois durant. « Si M. Mikati va faire preuve de rigidité, nous serons de nouveau au point mort », confie Walid Joumblatt à L’Orient-Le Jour. Le chef druze, dont le groupe parlementaire compte en principe désigner M. Mikati, exprime la crainte de surenchères que la rue sunnite pourrait lui imposer.
Rien n’est encore joué. Et comme l’a prouvé l’expérience au Liban, les retournements de situation peuvent survenir d’un instant à l’autre. D’autant que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait annoncé des sanctions contre les responsables politiques avant la fin du mois.
commentaires (15)
On reprend les mêmes et on recommence. Ils en ont mis du temps pour trouver la solution magique pour se remettre en selle. Tout ça pour ça. Non mais si ça n’est pas se payer la tête de tous les libanais et se moquer du monde je ne sais pas ce que c’est…
Sissi zayyat
11 h 34, le 25 juillet 2021