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Politique - Entretien

Rouillard : Nous recommandons l’installation à Beyrouth d’une « task force » internationale

Rouillard : Nous recommandons l’installation à Beyrouth d’une « task force » internationale

Le député du Morbihan Gwendal Rouillard. Photo DR

Dans le cadre d’une mission parlementaire sur la politique de la France au Moyen-Orient et sur l’évolution de l’opération Chammal (volet français de l’opération internationale antijihadiste Inherent Resolve en Irak et en Syrie) contre Daech, Gwendal Rouillard, député de Bretagne, a effectué un périple d’un mois dans la région, se rendant aux Émirats arabes unis, en Irak, en Jordanie, en Égypte, puis au Liban. Les conclusions du rapport, coécrit avec la présidente Françoise Dumas et leur collègue Philippe Meyer, ont été présentées le 6 juillet devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale. M. Rouillard répond aux questions de L’Orient-Le Jour sur les recommandations qu’ils ont proposées, notamment en ce qui concerne le Liban.

Quel bilan général tirez-vous de votre mission d’un mois dans la région ?

Il s’agissait pour nous de préciser les objectifs politiques et stratégiques de la France au Moyen-Orient et de dresser un bilan et des perspectives de nos coopérations avec nos partenaires, notamment dans les domaines de la défense et de la sécurité. Le premier enseignement de notre mission, c’est que nos partenaires demandent une implication plus forte de la France au Moyen-Orient dans un contexte de désengagement américain. Ils souhaitent clairement que Paris puisse jouer un rôle plus important. Une sorte de 3e voie entre Washington, d’un côté, Moscou et Téhéran, de l’autre. Cette volonté est parfaitement cohérente avec celle du président Macron et de Jean-Yves Le Drian qui conçoivent la France comme une « puissance médiatrice » attachée au multilatéralisme.

L’autre constat issu du terrain, c’est la résurgence de Daech, en Irak et en Syrie. Les réseaux jihadistes se réorganisent, par exemple entre Kirkouk et Bagdad, ou encore dans la région de Deir ez-Zor en Syrie. Daech a les moyens de mener une guerre insurrectionnelle par des attentats visant la déstabilisation des États et des communautés. C’est un enjeu aussi pour le Liban qui est devenu une cible opérationnelle pour Daech d’autant que le terreau de la pauvreté peut permettre de recruter. Même si nous avons collectivement vaincu le califat, le combat contre Daech est devant nous.

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Sur le Liban, justement, vous recommandez la mise en place d’une « task force » internationale. Pouvez-vous préciser le sens et l’objectif de cette proposition ?

Nous recommandons la création et l’installation à Beyrouth d’une « task force » internationale humanitaire et civile sous l’égide des Nations unies et de la Banque mondiale pour satisfaire les besoins vitaux des Libanais (éducation, soins, médicaments, eau, électricité…). Nous savons que la situation va s’aggraver ces prochains mois et nous avons besoin d’un instrument opérationnel sur place pour changer l’échelle d’intervention en lien notamment avec les ONG. Il s’agirait concrètement d’une agence de coordination composée de professionnels internationaux de l’humanitaire et du développement. Nous avons soumis cette proposition à nos autorités à Paris et nous dialoguons. Elle a déjà reçu le soutien de beaucoup de Libanais qui vivent durement la crise.

Quels sont les moyens de la France pour répondre aux crises qui déchirent la région ?

Il faut avant tout soutenir la souveraineté des États et appeler au respect des processus électoraux. En Irak, nous avons constaté par exemple comment, en quelques années, les milices chiites d’obédience iranienne ou irakienne ont mis en partie la main sur l’État. Nous avons la même situation au Liban avec la mainmise du Hezbollah. À ce titre, il faut renforcer nos coopérations militaires et sécuritaires avec les États partenaires. Il faut aussi soutenir davantage les secteurs de l’éducation et de la santé pour satisfaire les besoins essentiels des populations. Par une approche globale, nous devons avoir des dépenses ciblées permettant de concilier la gestion de crise, le développement et une politique de stabilisation dans la durée. La France le fait déjà dans beaucoup de domaines, mais si on veut répondre aux défis qui agitent le Moyen-Orient, nous devons changer d’échelle avec de nouveaux instruments opérationnels et financiers. Enfin, nous insistons sur le fait que l’enjeu numéro un, partout, est l’éducation, a fortiori après une période de pandémie de coronavirus où des millions d’enfants n’ont pas pu aller à l’école. Nous avons un rôle majeur à jouer dans ce domaine avec l’ONU.

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Comment la France se positionne-t-elle par rapport à l’Iran et à la Turquie, deux puissances qui ont des ambitions impériales dans la région ?

Nous recommandons de concilier le dialogue et le rapport de force. Ces deux pays représentent des facteurs de déstabilisation, de la Libye à l’Irak en passant par le Liban. Leurs agissements sont inacceptables et nous attendons des actes constructifs de leur part. Nous agissons avec l’Union européenne, les États-Unis et nos partenaires occidentaux pour soutenir nos partenaires arabes. Notre détermination est totale et nous savons également inscrire notre action dans la cohérence et la durée.

Plusieurs dynamiques régionales sont en cours, notamment avec la normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes. Comment percevez-vous ces évolutions ?

Nous avons constaté que beaucoup de jeunes aux Émirats arabes unis s’exprimaient en faveur d’un État palestinien. Nous avons fait remarquer à notre partenaire émirien que la dynamique de « normalisation » n’était viable que si elle était accompagnée d’une paix véritable qu’il reste à bâtir entre Israël et la Palestine. Partout, en Irak, en Jordanie, en Égypte, on nous a rappelés avec force la nécessité de reconnaître l’État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale. Sur cette question, le Parlement français a fait sa part du travail, en votant en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien en 2014. À titre personnel, je recommande à nos autorités de s’en inspirer. Si les Occidentaux veulent être crédibles dans cette région, ils doivent participer à la « justice internationale » qui passe par cette reconnaissance déjà accordée par 140 pays dans le monde.

Vous mettez également en avant la formation d’une « Trilatérale », entre Le Caire, Amman et Bagdad.

Nous avons noté un dialogue trilatéral très fructueux entre Le Caire, Amman et Bagdad. Le président égyptien Abdel Fattah Sissi était d’ailleurs dans la capitale irakienne récemment. Nous souhaitons que la France puisse participer à cette nouvelle dynamique de coopération dans de multiples domaines comme la sécurité et l’éducation. Ce serait aussi l’intérêt du Liban, car nous avons des défis communs à relever pour nos populations.

Dans le cadre d’une mission parlementaire sur la politique de la France au Moyen-Orient et sur l’évolution de l’opération Chammal (volet français de l’opération internationale antijihadiste Inherent Resolve en Irak et en Syrie) contre Daech, Gwendal Rouillard, député de Bretagne, a effectué un périple d’un mois dans la région, se rendant aux Émirats arabes unis, en Irak, en...

commentaires (6)

Mr. Rouillard, can you please place sanctions on the Lebanese political class holding the population hostage, freeze their European assets and bank accounts, so that they can no longer fund their clientelist networks and buy votes in the next elections.

Mireille Kang

02 h 42, le 11 juillet 2021

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Commentaires (6)

  • Mr. Rouillard, can you please place sanctions on the Lebanese political class holding the population hostage, freeze their European assets and bank accounts, so that they can no longer fund their clientelist networks and buy votes in the next elections.

    Mireille Kang

    02 h 42, le 11 juillet 2021

  • Pour que Paris puisse jouer un rôle important il faut qu’ELLE AIT l’accord du patron USA/israel . Les réseaux djihadistes qui se réorganisent dans les régions de Deir ez Zor, ( Syrie ) , Kirkuk ,Bagdad : AH !!! Mais c’est les régions où se trouvent ILLÉGALEMENT les armées Américaines et FRANÇAISES (dont le SEUL but est d’entrainer ces djihadistes et de voler le pétrole) !! L’installation à Beyrouth d’une TASK FORCE : Une ONG de – VOL COMBIEN PROSPÈRE - plus et DANGEREUSE (Syrie, Irak ,Mali ,Libye sont des exemples ). DANS L’ÉDUCATION , pas dans la sécurité , LA FRANCE A UN RÔLE MAJEUR A JOUER . merci

    aliosha

    13 h 37, le 10 juillet 2021

  • Le Liban est déjà agonisant, et sa population délaissée par des dirigeants mafieux. Oui, la famine est installée déjà, résultat d'une stagnation politique meurtrière, depuis la double explosion du 4 Août 2020. Il ne suffit plus de nourrir les gens, mais de punir tous les mafieux dirigeants à commencer par le sommet.

    Esber

    11 h 23, le 10 juillet 2021

  • Voilà que toutes les Bretagnes, L et XXL, s'intéressent du Liban tout récemment... L'ambassadeur britannique et le député breton! Tout 2 venant de civilisations maritimes; auraient-ils donc sentis un lien millénaire avec les libanais, ces pionniers de l'exploration des mers et aventuriers commerçants. Imchallah khair...

    Wlek Sanferlou

    01 h 46, le 10 juillet 2021

  • Le même consortium de tutelle géra les finances de l'Empire Ottoman à travers la Banque Ottomane qui fut la maison-mère de la Banque de Syrie et du Liban , chargée de l'émission de la livre libano-syrienne . WIKIPEDIA: La Banque ottomane (en turc Osmanlı Bankası) est une banque fondée en 1856 à Constantinople grâce à un accord actionnarial entre des investisseurs britanniques, français et le gouvernement ottoman. De 1863 à 1924, elle est nommée Banque impériale ottomane (en turc osmanli Bank-ı Osmanî-i Şahane), avant de retrouver son nom initial. Originellement chargée de gérer la dette souveraine de l'Empire, elle remplit peu à peu les fonctions de banque centrale jusqu'à la création en 1931 de la Banque centrale de la République de Turquie. Elle mène alors des activités de banque commerciale, puis est rachetée en 1996 à Paribas par le Doğuş Holding, avant de fusionner en 2001 avec le groupe Garanti Bank.

    Moussalli Georges

    01 h 37, le 10 juillet 2021

  • Et pourquoi pas ! l'Empire Ottoman , incapable de gérer sa dette et ses services publics a accepté d'être mis sous la tutelle d'une organisation européenne entre 1881 et 1924. Voilà ce que dit Wikipédia sur la question: The Ottoman Public Debt Administration (OPDA) (Ottoman Turkish: Düyun-u Umumiye-i Osmaniye Varidat-ı Muhassasa İdaresi, or simply Düyun-u Umumiye as it was popularly known), was a European-controlled organization that was established in 1881 to collect the payments which the Ottoman Empire owed to European companies in the Ottoman public debt. The OPDA became a vast, essentially independent bureaucracy within the Ottoman bureaucracy, run by the creditors and its governing council was packed with European government officials [1]- including one representative each from British, French, German, Austrian, Italian, Dutch, and Ottoman creditors, and one representative from the Ottoman state.[2] It employed 5,000 officials who collected taxes that were then turned over to the European creditors.[3] At its peak it had 9,000 employees, more than the empire’s finance ministry.[1] The OPDA played an important role in Ottoman financial affairs. Also, it was an intermediary with European companies seeking investment opportunities in the Ottoman Empire. In 1900, the OPDA was financing many railways and other industrial projects. The financial and commercial privileges of the non-Muslim foreigners were protected with the capitulations of the Ottoman Empire.

    Moussalli Georges

    00 h 48, le 10 juillet 2021

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