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Moyen-Orient - Éclairage

En Iran, un cocktail explosif à l’origine de la crise de l’électricité

Les pannes à grande échelle sont le résultat de l’incompétence chronique du pouvoir, des sanctions américaines et des conséquences du réchauffement climatique.

En Iran, un cocktail explosif à l’origine de la crise de l’électricité

Une photo prise en 2010 montre le réacteur nucléaire de Bouchehr, construit par les Russes. Majid Asgaripour/Mehr News/AFP

De Beyrouth à Téhéran, le black-out est de mise. L’ironie a voulu que trois des pays qui forment « l’axe de la résistance » subissent en même temps des pannes d’électricité de grande envergure. Alors que les Irakiens affrontent l’effondrement du secteur sous une chaleur accablante, que les Libanais assistent au naufrage du leur, ils sont rejoints par les Iraniens qui, depuis samedi soir, se débattent avec des coupures de courant généralisées. Si les racines du désastre sont parfois communes, les causes principales sont à mettre sur le compte de dysfonctionnements structurels locaux de longue date, auxquels se mêlent des aspects conjoncturels plus récents. La détérioration des infrastructures en République islamique s’explique ainsi en partie par les mesures punitives américaines. « En raison de ces sanctions, l’économie iranienne n’a pu brièvement respirer qu’en 2016-2017. Cela n’a pas permis au gouvernement de moderniser et d’améliorer la production dans les secteurs de l’énergie et de l’électricité. De nombreuses centrales électriques sont trop vieilles et remontent à l’ère prérévolutionnaire », commente Mahdi Ghodsi, économiste au sein du Vienna Institute for International Economic Studies. « En outre, les sanctions ont empêché l’Iran d’importer des pièces pour ces usines. Au cours de l’hiver dernier, en raison des pénuries de gaz, de nombreux foyers utilisaient l’électricité comme source de chauffage, ce qui ne permettait pas de rénover entièrement ces anciennes installations. »

Depuis le retrait unilatéral de Donald Trump de l’accord sur le nucléaire en 2018, et le rétablissement puis le renforcement des mesures punitives contre l’Iran, celui-ci doit, entre autres, combler un manque de dizaines de milliards de dollars d’investissements pour maintenir sa production dans les gisements de gaz.

Climat et cryptomonnaie

Comme chez le voisin irakien, la gravité des manifestations de la crise de l’électricité s’est en outre accrue dans le contexte du réchauffement climatique. « L’Iran est frappé par une forte hausse des températures, ce qui amène à des pics de consommation des systèmes de climatisation. Dans le sud du pays, les températures avoisinent les 50 degrés, et ce pour encore plusieurs jours. Ensuite, la sécheresse qui frappe le pays impacte la capacité hydroélectrique iranienne. Un rapport du gouvernement publié en mai indiquait que les précipitations avaient baissé de 34 % par rapport à la moyenne », note Jonathan Piron, coordinateur du pôle prospective au sein d’Etopia, centre d’animation et de recherche en écologie politique basé à Namur, en Belgique.

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Le président sortant, Hassan Rohani, a présenté hier ses excuses aux Iraniens pour les coupures massives en pleine vague de chaleur. Si les responsables politiques ont imputé les pannes d’électricité à la hausse de la demande ainsi qu’aux faibles précipitations, ils ont également mentionné les fermes minières illégales de cryptomonnaies ayant accès à l’électricité subventionnée. « Divers rapports témoignent d’un accord avec la Chine, attirée par une électricité bon marché, et qui gérerait un centre d’extraction (de cryptomonnaies, NDLR) dans la zone économique spéciale de Rafsanjan. Une conséquence en serait une autre surconsommation, entraînant des coupures de courant », souligne M. Piron.

Les autorités iraniennes ont annoncé lundi matin la remise en service de la centrale nucléaire de Bouchehr et de son réacteur de 1 000 mégawatts qui, officiellement, est restée fermée deux semaines pour une « opération de maintenance apparemment régulière ». Le directeur adjoint de l’Organisation de l’énergie atomique en Iran (AEOI), Mahmoud Jafari, avait alors déclaré que la production d’électricité avait repris dimanche, exhortant toutefois les Iraniens à « aider » le réseau surchargé de la République islamique en minimisant la consommation d’électricité.

Dans plusieurs villes d’Iran, y compris à Téhéran, la panne d’électricité généralisée samedi n’était à l’origine pas incluse dans les coupures programmées depuis le mois de mai et liées à la fois aux difficultés de production et à une demande accrue en été. Selon le média Iran International, la consommation a, cette année, atteint les 64 000 mégawatts, soit 10 000 points de plus que la capacité de production réelle.

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Les déclarations du leadership iranien cachent difficilement le mal structurel principal : l’incurie du pouvoir. « Depuis 1979, le gouvernement a promis de fournir divers services et biens tels que l’énergie, le gaz, les infrastructures, etc. De nombreux biens et services tels que l’électricité, l’énergie, le pétrole et l’essence sont fortement subventionnés, cela fait partie des slogans populistes de la République islamique. Mais le gouvernement ne peut même pas assumer les coûts de leur production et de leur entretien, analyse M. Ghodsi. Les bas prix ont donné lieu à la contrebande et à l’exportation de ces biens et services, ainsi qu’à leur utilisation abusive dans des activités énergivores telles que l’extraction de cryptomonnaies. »

Cette photo d’archives prise le 10 novembre 2019 montre des ouvriers sur le chantier de construction d’un second réacteur dans la centrale nucléaire iranienne de Bouchehr, lors d’une cérémonie officielle de lancement des travaux de l’installation. Atta Kenare/AFP

Contestation

Face à la détérioration de leurs conditions de vie – à peine trois semaines après un scrutin présidentiel à l’issue courue d’avance et marqué par le taux d’abstention le plus élevé de l’histoire du régime –, des manifestations ont éclaté dans plusieurs régions du pays pour protester contre les coupures de courant. Le plus souvent, elles ont eu lieu devant les locaux de la compagnie nationale d’électricité. À Téhéran, dans le noir complet, des habitants ont commencé à scander des slogans antipouvoir à partir de leurs fenêtres. « Mort à Khamenei », « Mort à la République islamique » ou encore « Mort au dictateur », autant de formules rappelant les soulèvements populaires de l’hiver 2017/2018 et de 2019 qui avaient été mus d’abord par des revendications socio-économiques avant d’être brutalement réprimés par les autorités. « Plusieurs rassemblements ont été recensés dans la province de Mazandaran, dans le Nord, mais aussi dans le centre et le Sud, dans les provinces de Fars et du Khouzistan. On a vu des agriculteurs dénoncer les coupures de courant impactant leur production, déjà affaiblie par la sécheresse. Ailleurs, ce sont des habitants de villes moyennes qui demandent le rétablissement de l’électricité pour relancer les climatisations, les températures étant élevées », dit Jonathan Piron. Les pannes d’électricité ont des conséquences économiques et sanitaires terribles sur la population, d’autant que le pays – le plus touché par le coronavirus au Moyen-Orient – doit à présent affronter la cinquième vague de Covid-19. Or, les centres de production d’oxygène sont directement touchés par les coupures de courant.

De Beyrouth à Téhéran, le black-out est de mise. L’ironie a voulu que trois des pays qui forment « l’axe de la résistance » subissent en même temps des pannes d’électricité de grande envergure. Alors que les Irakiens affrontent l’effondrement du secteur sous une chaleur accablante, que les Libanais assistent au naufrage du leur, ils sont rejoints par les Iraniens qui,...

commentaires (5)

Et le Hezbollah qui veut importer de l’essence de l’Iran. Comment vont ils faire pour pomper, raffiner leur pétrole sans électricité. Les gardiens de la révolution, grands génies des temps modernes, vont certainement être transformés en esclaves galériens …

Lecteur excédé par la censure

10 h 44, le 07 juillet 2021

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Commentaires (5)

  • Et le Hezbollah qui veut importer de l’essence de l’Iran. Comment vont ils faire pour pomper, raffiner leur pétrole sans électricité. Les gardiens de la révolution, grands génies des temps modernes, vont certainement être transformés en esclaves galériens …

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 44, le 07 juillet 2021

  • Haha, c’est un secteur propice au vol et à la corruption…

    mokpo

    07 h 49, le 07 juillet 2021

  • Toutes les dictatures survivent avec les reliques du regime qu elles ont renverse et tant critiques….Iran depuis 1979,Cuba depuis 1959….elles n ont apporte absolument pas une seule chose positive a leur pays….

    HABIBI FRANCAIS

    07 h 45, le 07 juillet 2021

  • Quand on est capable de faire parvenir des missiles de longue portée au fin fond de la péninsule arabique…on peut se procurer quelques pieces d’échange pour ses centrales thermiques.

    Kaldany Antoine

    07 h 18, le 07 juillet 2021

  • Curieux cette incapacite de l'axe de la moumana3a d'assurer l'electricite aux citoyens. Il semblerait que leurs criteres de developpement incluent l'eclairage a la bougie ! L'electricite ne serait donc qu'une invention nefaste du grand satan imperialiste.....

    Michel Trad

    00 h 30, le 07 juillet 2021

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