Une conférence à caractère international se tiendra le 17 juin pour soutenir l’armée libanaise. Chapeautée par la France et organisée en étroite collaboration avec les Nations unies, cette rencontre est principalement destinée à assurer des « aides urgentes » à l’institution militaire afin de l’empêcher de crouler sous le poids d’une situation économique et financière devenue « intenable », comme l’avait qualifiée le commandant en chef de l’armée lui-même, le général Joseph Aoun.
Décidée à l’occasion de la visite de ce dernier à Paris le 24 mai dernier, où il s’est vu promettre par le président français, Emmanuel Macron, des aides imminentes pour permettre à la troupe de passer ce cap difficile, la conférence devra en principe réunir l’ensemble des pays membres du Groupe international de soutien au Liban. Parmi ceux-là, plusieurs pays européens, les États-Unis, la Russie et les monarchies du Golfe.
Ainsi, face à la paralysie désespérante du pouvoir exécutif et au blocage du processus de formation du gouvernement qui semble s’éterniser, l’Occident et les pays amis du Liban passent à l’action et tentent de sauver ce qui peut encore l’être. En tête de leurs priorités désormais, l’armée et ses effectifs ainsi que les forces de sécurité dans leur ensemble que la France et l’ONU tentent de repêcher des eaux troubles.
La livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur depuis la fin de l’été 2019, une situation qui a lourdement affecté l’ensemble des Libanais et les militaires en particulier. Cette situation délétère a fait craindre les désertions, mais aussi de voir le maintien de l’ordre compromis dans la mesure où l’armée n’arrive même plus à nourrir ses soldats. Un risque d’autant plus alarmant que le Liban se trouve menacé de sombrer dans le chaos alors que la pauvreté et l’insécurité augmentent de jour en jour.
Lors de cette conférence internationale qui se tiendra via l’application Zoom, les pays contributeurs s’engageront, chacun à sa manière, à assurer des aides ponctuelles et urgentes. Il s’agit principalement de provisions alimentaires, de médicaments et de pièces de rechange pour les chars, véhicules et équipements dont les militaires ont immédiatement besoin.
Selon le député Chamel Roukoz, ancien officier de l’armée, l’Occident n’a plus d’alternative dans la mesure où il n’y a plus aucune institution qui tient debout : la justice a reçu un coup de massue, l’éducation est en chute libre, la fuite des cerveaux a touché tous les secteurs et l’exécutif est quasiment en congé. « Il ne reste plus que l’armée. Nous devons remercier les amis du Liban de se montrer plus soucieux que l’État libanais en veillant à la sécurité de ses citoyens », ironise le député qui se trouve être le gendre du chef de l’État dont il est critique de la politique.
Selon une source diplomatique française, cette conférence n’a rien à voir avec celle qui s’est tenue à Rome en juin 2014 puis en mars 2018 et qui était destinée à l’époque à renforcer les capacités de l’armée face à la menace des groupes radicaux sunnites. Aujourd’hui, la collecte de fonds vise à empêcher la troupe – qui constitue la colonne vertébrale de l’État – de se désagréger.
Il ne s’agit donc ni de contrats d’équipements ni de fourniture d’armes comme cela a traditionnellement lieu, mais d’un soutien devenu indispensable à la survie des services de l’ordre, fait remarquer la source.
Le 21 mai dernier, le département d’État américain avait tenu une conférence avec l’armée libanaise par visioconférence durant laquelle Washington, principal bailleur de fonds de l’institution militaire, a annoncé une aide financière de 120 millions de dollars à l’armée pour l’année 2021. Cette aide, qui doit encore être validée par le Congrès, dépasse de 15 millions de dollars celle de l’année dernière.
Au cours du mois d’avril, l’armée libanaise a également reçu des aides alimentaires en provenance du Maroc et de l’Égypte. La troupe aurait également obtenu récemment l’équivalent de 3 millions de dollars d’aides de l’Irak.
Contourner les difficultés
Si le besoin de l’armée en aliments, médicaments ou pièces de rechange est prioritaire, il en est de même pour les fonds nécessaires au paiement des salaires. Une problématique qui se pose avec acuité dans la mesure où il est difficile pour la troupe ou autres forces de l’ordre de recevoir des fonds directement destinés à financer les salaires des effectifs. C’est la raison pour laquelle sont actuellement envisagés des substituts à une injection de fonds directe, d’autant qu’aucun des pays donateurs n’est plus disposé à alimenter le Trésor libanais en raison des soupçons de corruption.
Selon une source qui suit de près le dossier, parmi les idées actuellement examinées, celle d’envoyer des aides alimentaires suffisantes par le biais des États du Golfe pour nourrir la troupe et alimenter ensuite les coopératives relevant de l’institution militaire. Celle-ci pourrait alors les revendre au grand public et utiliser l’argent pour le versement des salaires. Une autre solution serait de trouver un détour administratif pour recueillir des fonds qui seraient versés directement sur le compte de l’armée après l’accord de principe du gouvernement sortant.
D’ailleurs, raconte un ancien officier de l’armée, ce ne serait pas la première fois que la troupe reçoit des fonds d’aide de l’extérieur par des moyens détournés. Il prend pour exemple ce qui s’est passé durant la guerre du camp de Nahr el-Bared, en mai 2007, menée contre les radicaux sunnites palestiniens relevant de Fateh el-Islam.
« Des personnalités libanaises fortunées avaient alors envoyé, par le biais d’une famille du Kesrouan, des dizaines de chèques bien fournis que j’avais remis au commandant en chef de l’armée », dit-il.
Une méthode similaire avait été utilisée entre 1984 et 1988, lorsque l’Arabie saoudite avait envoyé à l’armée des « aides » qui auraient été ensuite converties en salaires à payer, assure la source proche du dossier citée plus haut.
« Il y a toujours moyen de surmonter cet écueil en arguant de l’intérêt suprême de la nation, ce qui est d’ailleurs le cas », commente pour sa part un analyste en politiques publiques.
C’est probablement sous cet angle notamment qu’il faut interpréter la visite du général Joseph Aoun effectuée hier auprès de l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari. Riyad, dont les relations avec la classe dirigeante libanaise n’ont cessé de se dégrader ces dernières années, et encore plus tout récemment après la saisie de plusieurs cargaisons de Captagon à destination de l’Arabie, continue cependant d’entretenir d’excellentes relations avec l’armée et son chef.
commentaires (6)
Est ce que le ménage a été fait au sein de l’armée avant l’arrivée des aides en armes et en argent? Général, veillez au grain et dégagez tous les moutons noirs et brebis galeuses de votre institution pour pouvoir assurer l’expansion de l’armée patriote et libre de ce pays et enfin reprendre le contrôle de son territoire à commencer par les frontières. HB ne sait peut être pas que l’armée a toujours été le seul garant de la sécurité et de la paix de ce pays et l’a toujours défendu pendant que HN jouait encore avec ses crottes du nez aux billes.
Sissi zayyat
16 h 47, le 09 juin 2021