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Moyen-Orient - Désinformation

Quand l’Irak devient un champ de bataille virtuel entre l’Iran et l’Occident

Regroupant plusieurs personnes chargées de traquer les informations à la télévision et sur les réseaux sociaux, un « service de surveillance » a été créé par le ministère de l’Intérieur, mais son succès reste limité.

Quand l’Irak devient un champ de bataille virtuel entre l’Iran et l’Occident

Un membre de l’équipe du ministère irakien de l’Intérieur luttant contre la désinformation, accompagné de policiers, dans une pharmacie de Bagdad, le 20 mai 2021. Ahmad al-Rubaye/AFP

Théories du complot, annonces fallacieuses d’attentats, attaques ad hominem et calomnies contre des adversaires en tout genre... En Irak, les fausses informations foisonnent en ligne, où elles attisent les divisions politiques et confessionnelles. « À coups d’infox, l’Irak est devenu un champ de bataille virtuel entre l’Iran et l’Occident, et tous les coups sont permis », explique l’un des fondateurs de Tech 4 Peace, une ONG irakienne spécialisée dans la traque des fausses informations diffusées sciemment, en particulier sur les réseaux sociaux.

En janvier, se souvient-il, alors que les relations commençaient à s’améliorer entre l’Arabie saoudite et l’Irak, des groupes radicaux pro-Iran, hostiles à toute normalisation entre les deux voisins, avaient lancé une campagne sur Twitter et Facebook accusant un Saoudien, dont ils avaient publié la photo, d’être responsable d’un double attentat-suicide à Bagdad ayant fait 32 morts. Cet homme était en réalité décédé en mai 2015, et l’attaque dans la capitale irakienne avait finalement été revendiquée par le groupe jihadiste État islamique. Selon le fondateur de Tech 4 Peace, qui a requis l’anonymat, « il y a chaque jour sur les Facebook et Twitter irakiens des centaines de publications de fausses informations », que ce soit dans les domaines politique, social, sécuritaire ou économique. Ces infox sont publiées « par de prétendues agences de presse » purement fictives, explique-t-il.

« Service de surveillance »

Dans un pays qui a connu près de deux décennies de guerre civile et de crises, le problème est tel que le ministère de l’Intérieur a créé un « service de surveillance » regroupant plusieurs personnes chargées de traquer les informations à la télévision et sur les réseaux sociaux. « Quand une information leur paraît suspecte, ils donnent l’alerte », et une enquête est menée auprès des ministères concernés pour la confirmer ou l’infirmer, affirme le général de police Nebras Mohammad, à la tête de ce département. Mais le succès reste limité. Seules 34 000 personnes suivent le compte Facebook de ce « service de surveillance », sur plus de 25 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux en Irak en 2021, selon le site spécialisé DataReportal. « Je ne fais pas confiance aux informations que je lis, qu’elles soient gouvernementales ou non », résume Abdallah, un étudiant de 24 ans qui assure consacrer beaucoup de temps à vérifier lui-même les informations qu’il reçoit sur son portable. Pour le fondateur de Tech 4 Peace, « Facebook est le principal vecteur d’infox en Irak ». Par exemple, des internautes s’y sont divisés ces dernières semaines en lisant qu’un jeune de Mossoul avait épousé le même jour quatre jeunes filles. Il s’agissait en fait d’une publicité d’un salon de beauté. Après l’incendie de l’hôpital Ibn al-Khatib à Bagdad qui avait causé la mort de 82 personnes, des Irakiens avaient paniqué en lisant sur les réseaux sociaux que d’autres hôpitaux avaient pris feu. Là encore, totalement faux.

Divisions confessionnelles

Parfois, les infox prennent un caractère plus politique, attisant les tensions confessionnelles toujours latentes dans le pays. « Il s’agit de campagnes de milliers de publications, notamment sur Twitter, avec des objectifs politiques », menées tant par des factions pro-Iran que par leurs adversaires. Fin août 2020, par exemple, s’était propagée une rumeur après l’arrestation dans le Sud chiite de l’Irak du propriétaire d’une voiture chargée d’explosifs et qui venait soi-disant de Tikrit, une ville au nord de Bagdad et à majorité sunnite. Mais d’autres assuraient que le propriétaire était membre d’al’Hachd al-chaabi, une coalition paramilitaire intégrée à l’État irakien et composée de factions chiites fidèles à l’Iran. Au final, les deux versions étaient fausses, s’agissant d’un criminel n’appartenant à aucune organisation politique, selon les autorités. Pour lutter contre le danger de ces rumeurs, la section anti-« fake news » du ministère de l’Intérieur assure avoir renforcé les « campagnes de terrain » en distribuant des tracts pédagogiques aux passants. Nebras Mohammad assure également discuter « avec les blogueurs pour leur faire connaître les conséquences juridiques » de la publication de fausses informations. Mais cela n’a manifestement que peu d’effets. Une loi sur la pénalisation des fausses informations existe pourtant depuis 1969, à l’époque du dictateur Saddam Hussein. Un nouveau projet de loi doit aussi être discuté au Parlement pour lutter contre les délits en ligne. Mais il pourrait, selon Human Rights Watch, « porter atteinte à la liberté d’expression en Irak ».

Théories du complot, annonces fallacieuses d’attentats, attaques ad hominem et calomnies contre des adversaires en tout genre... En Irak, les fausses informations foisonnent en ligne, où elles attisent les divisions politiques et confessionnelles. « À coups d’infox, l’Irak est devenu un champ de bataille virtuel entre l’Iran et l’Occident, et tous les coups sont permis »,...

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