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Culture - Rencontre/Livre

Racha Mounaged : de la douleur de grandir à Beyrouth

« Je ne voulais pas être écrivain », assure l’auteure libano-belge dont le premier roman, « La Blessure » (éd. Complicités), est largement inspiré de son enfance libanaise dans les années 1990.

Racha Mounaged : de la douleur de grandir à Beyrouth

« Je pensais trouver la sécurité dans la science, mais c’est dans la littérature que je me suis retrouvée », affirme Racha Mounaged. Photo DR

Beyrouth, milieu des années 1990 : Jad, un adolescent de 13 ans, se rue sur un camarade de classe et le poignarde avec un couteau à huîtres. Comment cet élève brillant en est-il arrivé à commettre cet acte insensé qui le mènera en centre de rééducation ? Dans La Blessure, sorti en juin 2020 aux éditions Complicités, Racha Mounaged trace le portrait d’un jeune garçon solitaire, sensible et attachant, en prise avec les drames de la vie, dans un pays lui-même très éprouvé.

Un premier roman salué par la critique en Belgique. Et une primo-autrice de 38 ans qui a longtemps combattu son désir, ou plutôt son besoin, d’écrire. « Je ne voulais pas être écrivain. Je voulais juste être une scientifique, pour pouvoir mener une vie tranquille et linéaire », assure-t-elle. Sauf qu’avec un père journaliste et une mère diplômée en lettres françaises, son héritage familial littéraire a fini par la rattraper.

De la biotechnologie au roman

Partie à 18 ans à la faveur d’une bourse d’excellence se former en France puis en Belgique aux biotechnologies, Racha Mounaged dit avoir emporté avec elle « la douleur et les fractures » d’une enfance traumatisée par la guerre et par le divorce de ses parents, ainsi que par d’autres failles provenant de plus loin, en lien avec la transmission intergénérationnelle, confie-t-elle, à mots couverts.

En Europe, cette hypersensible pense avoir trouvé l’apaisement et la sécurité auxquels elle aspire tant. L’éloignement d’un pays aux conflits récurrents, et la stabilité d’un emploi d’ingénieure dans l’industrie pharmaceutique lui font présumer qu’elle a réussi à surmonter cette vulnérabilité à fleur de peau qui la caractérise.

Sauf qu’en 2019, deux événements vont bousculer cet équilibre précaire. D’une part, la jeune femme perd son père et, de l’autre, elle obtient enfin le poste » auquel elle aspirait. « Et là, j’ai découvert que cette réussite professionnelle dont j’avais tellement rêvé et pour laquelle j’avais quitté mes parents, traversé les frontières, étudié des années et passé nombre de concours ne me comblait pas », révèle-t-elle. « Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, mais je n’étais pas heureuse. J’ai fini par démissionner. Et je me suis attelée à l’écriture de ce roman que j’ai achevé en huit mois. C’était comme si quelque chose en moi devait sortir absolument. »

Son héros ou son double ?

Il en est sorti un personnage, ce Jad dont on pressent qu’il lui ressemble singulièrement, au point qu’il pourrait même être son double masculin, lui fait-on remarquer. « Oui et non », répond-elle en toute sincérité. « Je n’ai pas voulu faire une autofiction, mais en même temps je me suis inspirée de certaines choses, comme le divorce de mes parents et le fait qu’on vivait dans deux villes différentes, par exemple. Je me suis aussi servie de certains éléments que je trouvais très dramaturgiques et romanesques, comme les traversées des check-points à pied que nous étions obligés de faire pour nous rendre de Beyrouth, la ville de ma mère, à Tripoli, celle de mon père. Et puis, dans cette histoire de construction identitaire et de transmission, j’ai mis un peu de mon lien avec mon père, qui m’a toujours poussée à écrire et dont le décès a été l’un des principaux déclencheurs de ce roman », confesse-t-elle.


En couverture de « La Blessure », l’auteure a choisi une éloquente peinture de Beyrouth signée Tom Young. Photo DR

Souvenirs et ressentis beyrouthins

Outre la subtilité psychologique dont elle fait preuve dans la description des personnages – notamment celui de la mère, à la fois dure et tendre, qui se saigne aux quatre veines pour élever seule ses enfants – l’auteure de La blessure réussit à faire émerger avec une incroyable limpidité les souvenirs d’un quotidien beyrouthin encore très imprégné des stigmates de la guerre et des bombardements. Tout comme elle restitue avec finesse les sensations, les troubles, les souffrances et les appréhensions d’un adolescent qui semble pris dans les rets d’une famille, d’une ville et d’un pays fragmentés, morcelés et dominés par les fractures sociales.Des blessures de l’enfance aux meurtrissures des adultes cabossés par la vie, en dépit de ses thèmes douloureux, le livre s’achève sur une note lumineuse, celle d’une amitié salvatrice qui mènera son jeune (anti)héros vers la résilience...

Cette résilience vers le rivage de laquelle semble se rapprocher enfin cette adepte d’une écriture réparatrice. « Aujourd’hui avec le recul, j’ai compris pourquoi on écrit. Pour transformer les événements douloureux qui n’ont pas été dits en une forme acceptable dans laquelle les autres peuvent aussi se reconnaître », conclut Racha Mounaged. Laquelle, forte de l’accueil positif réservé à son premier opus, a décidé de poursuivre dans la voie de la création littéraire tout en conservant cette fois son (nouveau) poste au sein de l’Institut de santé publique à Bruxelles.

Beyrouth, milieu des années 1990 : Jad, un adolescent de 13 ans, se rue sur un camarade de classe et le poignarde avec un couteau à huîtres. Comment cet élève brillant en est-il arrivé à commettre cet acte insensé qui le mènera en centre de rééducation ? Dans La Blessure, sorti en juin 2020 aux éditions Complicités, Racha Mounaged trace le portrait d’un jeune garçon...

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