Rechercher
Rechercher

Culture - En librairie

L’impayable radiateur ventriloque d’Alex Lutz

Le premier roman de cet artiste inclassable, au titre pour le moins intrigant, caracole au top des ventes. 

L’impayable radiateur ventriloque d’Alex Lutz

Surprenant Alex Lutz dont on ne capte ni la trajectoire ni l’essence. Photo AFP

Artiste polyvalent, transformiste par excellence, on retrouve Alex Lutz là où on l’attend le moins. Les Libanais le connaissent à travers son duo truculent de secrétaires formé avec Bruno Sanches dans Catherine & Liliane sur Canal+. Mais aussi à travers la pellicule de Ziad Doueiry qui le révèle en bourru et perfide chef d’entreprise dans l’excellente série Dérapages sur Arte. Quant aux cinéphiles, ils ont pu l’applaudir dans Guy, rôle récompensé du César du meilleur acteur.

À 42 ans, marié à une autrice fleuriste avec qui il a un fils, Alex Lutz a déjà plusieurs vies.

Cet artiste multicartes évite délibérément d’être classé. Un jeu

(du hasard ?) auquel il se livre avec délectation et sans nul doute beaucoup d’humour, de virtuosité et de talent. Après avoir été comédien, humoriste, metteur en scène, dramaturge, réalisateur, voilà à présent qu’il se déclare romancier. Une tendance prisée actuellement par les comédiens, dont Isabelle Carré en passant par Sandrine Bonnaire, Richard Bohringer, Clémentine Célarié, Gérard Depardieu, Annie Duperey et tant d’autres...


« Le radiateur d’appoint » d’Alex Lutz.

Peut-être pas un coup de maître, son livre, Le radiateur d’appoint (Flammarion – 208 pages), sort incontestablement du rang. Notamment par sa voix oscillant entre gravité et sarcasme, l’acidité de ses répliques, l’originalité de son énoncé, ses pertinentes observations sur une société consumériste et surtout des consommateurs grugés par des produits déficients, car bas de gamme et bidouillés au rabais…

Sur un ton désinvolte et sans acrimonie, presque avec tendresse, l’auteur dénonce d’abord la solitude, la tristesse et la médiocrité de la vie dans les banlieues. Tout commence par l’achat d’un radiateur en grande surface par Françoise, une retraitée installée dans un décor de tôles et de misère…

Coup de théâtre et amusant retournement de la situation, une fois ce radiateur installé chez sa propriétaire qui tente de combattre le froid qui la paralyse, la donne change. Objet a priori sans conséquence, le radiateur s’avère détraqué. Et brusquement, cet objet du quotidien prend la parole, livre son « rapport » et sa version des faits pour établir sa défense.

Il clame haut et clair ses origines, sa confection misérable, les mains pas toujours fiables qu’il a côtoyées pour être vendu. L’occasion pour Alex Lutz de brosser des portraits corrosifs de personnages, d’Alya la caissière, à Xavier le chef de rayon, en passant par Patricia à qui on ne la fait pas et qui gueule fortissimo. À cela s’ajoute ce don d’un dialogue mordant et en dents de scie du monde ouvrier que reproduit Alex Lutz à sa façon irrévérencieuse et boute-en-train. Il répertorie patiemment des tics des petites gens que l’on retrouve dans toute leur saveur populaire, aux antipodes d’une bourgeoisie maniérée et chichiteuse.

Ce radiateur, contre toute attente, au lieu d’officier comme chauffage, se transforme sous la plume de Lutz en héros de roman, dressant le procès sans complaisance d’une société obsédée par la productivité de masse, déshumanisée, aux ventes sans qualité ni garantie, distribuée par des agents robotisés dépourvus de cœur.

Non un tableau sombre ou totalement noir comme on pourrait le penser. Car il y a toujours dans ce sujet certes léger d’un radiateur ventriloque des pages nerveuses et accusatrices. Demeurent aussi l’ironie, le cynisme et la caricature d’un humoriste décapant qui ne craint, par-delà sa moquerie pince-sans-rire, ni verdeur ni vulgarité.

Un drôle de roman pour une drôlerie inédite, même si ce n’est pas un opus totalement maîtrisé ou abouti. À retenir surtout du discours décousu de ce radiateur la tentative de vouloir croire en un monde meilleur, moins trivialement mercantile. 

Artiste polyvalent, transformiste par excellence, on retrouve Alex Lutz là où on l’attend le moins. Les Libanais le connaissent à travers son duo truculent de secrétaires formé avec Bruno Sanches dans Catherine & Liliane sur Canal+. Mais aussi à travers la pellicule de Ziad Doueiry qui le révèle en bourru et perfide chef d’entreprise dans l’excellente série Dérapages sur Arte....

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut