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Société - Focus

Après un arraisonnement temporaire au Liban, un mystérieux tanker dissimule son voyage en Syrie

Après un arraisonnement temporaire au Liban, un mystérieux tanker dissimule son voyage en Syrie

Les images satellite de Planet Labs Inc., analysées par TankerTrackers.com à l’aide des données de MarineTraffic.com, montrent le Jaguar S au large de Banias, en Syrie, le 5 décembre, quelques jours après avoir quitté le Liban.

Début décembre, un tanker au cœur d’une enquête judiciaire quittait discrètement le Liban et mettait le cap, sans faire plus de vagues, sur la Syrie. Une discrétion toutefois mise à mal par des images satellite analysées par une entreprise spécialisée dans le pistage des cargaisons de pétrole.

Un certain mystère plane autour du Jaguar S, un pétrolier détenu et opéré par des sociétés-écrans, arrivé au large de Zahrani fin septembre. Pourtant, le 3 octobre, Lebanon Oil Installations, qui exploite le terminal pétrolier de Zahrani, déclarait ignorer l’existence de ce navire suspect. Le lendemain, les services de renseignements de l’armée libanaise arrêtaient quatre ressortissants libanais en rapport avec « l’entrée illégale » du Jaguar S dans les eaux libanaises. Une enquête judiciaire était alors ouverte sur l’affaire, tandis que le pétrolier était arraisonné au large des côtes libanaises.

Le procureur de la cour d’appel du Sud s’est alors saisi de l’affaire, ordonnant l’arrestation du capitaine du navire et de son agent maritime, tout en renvoyant l’enquête au premier juge d’instruction du tribunal. Le résultat de l’enquête n’a toutefois pas été rendu public. Quant au navire, il a quitté les côtes libanaises le 1er décembre, selon les données de MarineTraffic.com

Le parquet du tribunal n’a pas donné suite aux questions de L’Orient Today concernant l’enquête et la levée de l’arraisonnement du Jaguar S. L’agence nationale d'information, l’ANI, gérée par l’État, a quant à elle rapporté que le manifeste de la cargaison, à savoir 4 millions de litres de benzène, était « frauduleux », ajoutant que le carburant appartenait à une entreprise syrienne.

L’arraisonnement du Jaguar S a donc suscité plus de questions que de réponses.

Ce que l’on sait, c’est que le navire a fait une brève escale de cinq heures au large d’Iskenderun, en Turquie, le 2 décembre. Ensuite, le pétrolier semble avoir cherché à dissimuler ses mouvements vers la Syrie. Dans les premières heures du 3 décembre, le Jaguar S a en effet cessé de transmettre sa localisation, une tactique couramment utilisée par les navires qui tentent d’échapper aux sanctions américaines sur le transport de cargaisons de pétrole destinées à la Syrie. Cette tentative de dissimulation n’a cependant pas empêché la société américaine TankerTrackers.com de déterminer le mouvement des cargaisons illicites de pétrole grâce à l’analyse d’images satellite, des données de MarineTraffic.com et d’autres sources.

TankerTrackers.com a révélé à L’Orient Today que les images satellite du 5 décembre, fournies par Planet Labs Inc., montrent le Jaguar S au large de Banias, le principal point de déchargement des produits pétroliers vers une raffinerie voisine.

Pour Samir Madani, PDG de TankerTrackers.com, le fait d’éteindre l’émetteur du Jaguar S au large des côtes syriennes pour échapper à la détection « était clairement une action délibérée ».

Il ne s’agissait pas, en outre, du premier voyage de ce tanker en Syrie. Le pétrolier avait déjà été repéré le 13 juin au large des côtes de Banias, selon M. Madani. Une information rapportée par Forbes en octobre. Quelques jours avant d’éteindre son transpondeur pour entreprendre ce voyage vers Banias, le Jaguar S avait brièvement signalé avoir reçu l’ordre de mettre le cap sur Jiyé, au Liban, avant de se rendre vers Mersin, en Turquie, pour y attendre des consignes.

Les archives maritimes de MarineTraffic.com montrent que le Jaguar S a brièvement changé de destination pour Jiyé, au Liban, avant son voyage de juin à Banias, en Syrie.

Les circonstances des traversées du Jaguar S vers la Syrie et le Liban sont aussi obscures que les propriétaires et les exploitants du navire, dissimulés derrière de nombreuses sociétés-écrans. Les documents de l’Organisation maritime internationale examinés par L’Orient Today montrent que le navire appartient à Jaguar Shipping Ltd, qu’il est immatriculé dans la juridiction offshore d’Anguilla, connue pour son manque de transparence, et qu’il est géré par Dry Denizcilik Ve Gemi Islet, basée à Istanbul. Aucune de ces deux entreprises n’a répondu aux questions de L’Orient Today, alors que les archives des sociétés turques montrent que Dry Denizcilik Ve Gemi Islet a été dissoute le 31 août, quelques semaines avant l’arrivée du Jaguar S au large des côtes libanaises. Le directeur de cette entreprise désormais fermée n’a pas non plus donné suite aux questions.

Même le pavillon du Jaguar S continue de susciter la polémique. Les données de MaritimeTraffic.com montrent que le navire battait pavillon mongol avant de passer sous pavillon panaméen le 24 août. L’autorité maritime du Panama a toutefois assuré à L’Orient Today que le navire n’était pas immatriculé sous le pavillon du pays depuis 2019 et battait désormais pavillon mongol. Mais le représentant du registre des navires de la Mongolie – qui a déclaré s’être entretenu avec les autorités libanaises – a insisté sur le fait que le navire ne battait plus pavillon mongol et qu’il était repassé sous pavillon panaméen…

Le mystère qui entoure le Jaguar S ne constitue finalement qu’un élément de plus dans la grosse nébuleuse du transport de produits pétroliers vers la Syrie, un pays en manque de carburant et dont l’économie est plombée par le poids des sanctions internationales et l’effondrement financier au Liban voisin.

Washington a, pour sa part, accusé des sociétés-écrans basées à Beyrouth de faciliter le commerce du pétrole avec la Syrie, les inscrivant sur sa liste noire ces dernières années, alors que l’identité des propriétaires réels reste inconnue. C’est donc un flou total qui continue d’entourer ce dossier.


Cet article a été originellement publié en anglais sur le site « L’Orient Today » le 21 décembre 2020.

Début décembre, un tanker au cœur d’une enquête judiciaire quittait discrètement le Liban et mettait le cap, sans faire plus de vagues, sur la Syrie. Une discrétion toutefois mise à mal par des images satellite analysées par une entreprise spécialisée dans le pistage des cargaisons de pétrole.Un certain mystère plane autour du Jaguar S, un pétrolier détenu et opéré par des...

commentaires (8)

Encore un navire que les prosyriens et pro iraniens vont vouloir faire exploser,,,

CBG

01 h 14, le 03 janvier 2021

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Encore un navire que les prosyriens et pro iraniens vont vouloir faire exploser,,,

    CBG

    01 h 14, le 03 janvier 2021

  • On parle de certaines guêpes qui injecté leurs larves dans d'autres invités: les larves se nourrissent de l'insecte qui est gardé en vie pour les besoins de la cause! Ce bateau semble être la trace d'une certaine invasion du Liban par nos guides voisines qui nourrissent leurs larves du Sand du Liban et des libanais...

    Wlek Sanferlou

    00 h 54, le 03 janvier 2021

  • Au Liban rien d’étonnant. Tant que les mêmes voyous mafieux en tous genres sont aux commandes du pays ça ira de pire en pire. Un jour on apprendra qu’ils ont vendu la terre Libanaise aux turcs, iraniens, les émirats et pourquoi pas à israël !

    Le Point du Jour.

    20 h 51, le 02 janvier 2021

  • Pétrole acheté avec le peu de dollars qui nous restent, et aussitôt revendu au prix fort en Syrie. Juste une manœuvre de plus pour remplir les poches en devises du Hezb et vider celles de l’état.

    Bachir Karim

    15 h 42, le 02 janvier 2021

  • Facile, il passe inaperçu la nuit, dans le noir profond du Liban...

    Sabine Chamoun

    14 h 40, le 02 janvier 2021

  • Aucune question à se poser . Cherchez le Hezbollah derrière . Aucun mystère. Le business habituel avec la mise en scène programmée.

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 10, le 02 janvier 2021

  • Le trafic de carburants du Liban vers la Syrie en violation des lois internationales se déroule au vu et au su des autorités libanaises qui sont soit complices soit n’osent pas arrêter ce trafic dont le Hezbollah et ses alliés sont à la base. Voilà le Prestige de l’Etat dont on nous casse les oreilles avec

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 59, le 02 janvier 2021

  • Le problème réside dans la complicité des autorités libanaises qui ont laissé repartir le tanker, malgré sa situation illégale.

    Yves Prevost

    06 h 52, le 02 janvier 2021

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