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Moyen-Orient - Éclairage

Nouveau cabinet d’union au Yémen pour empêcher le conflit de s’aggraver, à défaut d’y mettre un terme

Formée vendredi dernier sous l’égide de l’Arabie saoudite, l’équipe ministérielle est simplement le fruit d’un effort de réconciliation entre les pro-Hadi et les Sudistes.

Nouveau cabinet d’union au Yémen pour empêcher le conflit de s’aggraver, à défaut d’y mettre un terme

Abd Rabbo Mansour Hadi lors d’un discours depuis sa résidence à Riyad, le 24 septembre dernier, durant la 75e session virtuelle de l’Assemblée générale des Nations unies. Présidence yéménite/AFP

Après plus d’un an de tractations sous la houlette de l’Arabie saoudite, un gouvernement de coalition a enfin été formé au Yémen, vendredi 18 décembre, alors qu’il devait initialement l’être un mois après la signature de l’accord de Riyad, le 5 novembre 2019. Ce nouveau gouvernement rassemble notamment des ministres fidèles au président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi et des séparatistes appartenant au Conseil de transition du Sud (STC), deux formations alliées dans la guerre qui les opposent, depuis 2014, aux rebelles houthis présents dans le nord du pays, mais qui se disputaient ces derniers mois la ville de Aden et d’autres gouvernorats du Sud. Le ministère saoudien des Affaires étrangères s’est empressé vendredi dernier de saluer la nouvelle coalition, la qualifiant d’« étape importante pour parvenir à une solution politique et mettre fin à la crise au Yémen ». L’Union européenne s’est également félicitée, le lendemain, de ce nouveau gouvernement et des « efforts de facilitation déployés par l’Arabie saoudite », avant d’appeler « tous les acteurs à garantir la mise en œuvre rapide et complète de toutes les clauses de l’accord de Riyad », selon un porte-parole du service européen pour l’action extérieure.

« À un moment où la situation au Yémen se détériore sur tous les fronts, la formation d’un nouveau gouvernement peut être considérée comme une étape encourageante, mais avec des limites importantes », observe pour L’Orient-Le Jour Elisabeth Kendall, chercheuse en études arabes et islamiques au Pembroke College de l’Université d’Oxford. Le véritable intérêt poursuivi par la coalition semble davantage tourné vers la volonté de créer un front anti-houthis. « Il est évident que les rebelles houthis ne font pas partie du nouveau gouvernement. Étant donné que ces derniers sont militairement forts et contrôlent un territoire dans lequel vivent environ les deux tiers de la population, il n’y a pas de perspective immédiate de paix », ajoute la spécialiste.

Alors que la coalition devait être composée au total de 24 ministres nordistes et sudistes à part égale, ces derniers ont finalement été surreprésentés en occupant 13 sièges sur 25. « Cette nouvelle formation ignore complètement l’équilibre démographique du pays. C’était déjà le cas de l’ancien gouvernement, qui rassemblait davantage de ministres sudistes », commente pour sa part Helen Lackner, chercheuse indépendante sur le Yémen, interrogée par L’OLJ. Sans oublier que certaines poches sudistes opposées aux rebelles houthis ne sont pas représentées par le nouveau gouvernement en raison de leur désaccord avec ce dernier.

Manque de légitimité

« Cet accord est simplement le fruit d’un effort de réconciliation entre le gouvernement Hadi et le STC. Il s’agit tout bonnement d’une affaire bureaucratique, car ce gouvernement n’a rien décidé depuis ces 5 dernières années », note Helen Lackner. La question qui semble se poser dans l’immédiat est de savoir d’où va gouverner la nouvelle coalition, alors que ses membres sont toujours exilés en Arabie saoudite et pourraient revenir à Aden, la capitale provisoire du pays, Sanaa étant toujours aux mains des forces houthies. « Le président Hadi, qui a formé le gouvernement, ne contrôle pas le Yémen et ne vit même pas au Yémen », commente Elisabeth Kendall. « Où les ministres vont-ils prêter serment ? Lequel d’entre eux a prévu d’aller à Aden ? » s’interroge pour sa part Helen Lackner. Le manque de légitimité du gouvernement est d’autant plus important qu’il a attiré de nombreuses critiques sur son absence de femmes. « Il est particulièrement décevant que le nouveau gouvernement ne comprenne aucune femme. Il ne s’agit pas de cocher des cases mais l’inclusion des femmes aux postes gouvernementaux et de direction est prouvée pour favoriser la stabilité et désamorcer les conflits », expose Elisabeth Kendall.

Pour mémoire

Un cabinet entre gouvernement et séparatistes formé "d'ici une semaine"

Loin de réunifier le pays, cet accord pourrait apaiser un temps la situation dans le Sud et éviter de nouvelles protestations à Aden. « L’avantage du nouveau gouvernement est davantage d’empêcher le conflit de s’aggraver et de se fragmenter que de le résoudre réellement », poursuit la chercheuse. « La population protestera probablement un peu moins à Aden, d’autant plus que le taux de change du dollar s’est légèrement amélioré ces derniers jours, mais reste à savoir pour combien de temps alors qu’elle manque toujours d’eau, d’électricité, de soins médicaux et que les prix continuent de flamber dans le pays », dénonce Helen Lackner.

Un constat partagé par les humanitaires sur le terrain. « Les partis politiques doivent mettre fin à leurs divergences et faire passer l’intérêt des civils yéménites au premier plan », commente Sultana Begum, responsable de « Plaidoyer pour le Yémen » au Norwegian Refugee Council, qui réclame un cessez-le-feu à l’échelle nationale et demande à ce que « les partis déposent les armes et se concentrent sur la résolution de la crise humanitaire dans le pays, rétablissant les services publics et mettant fin à la violence contre les civils ».

Selon l’ONU, les trois quarts des 30 millions d’habitants du Yémen sont au bord de la famine. La situation pourrait s’améliorer en 2021 alors que la nouvelle administration américaine pourrait initier une approche plus hostile à l’égard de la coalition menée par l’Arabie saoudite, responsable de bombardements sur ce petit État de la péninsule Arabique.


Après plus d’un an de tractations sous la houlette de l’Arabie saoudite, un gouvernement de coalition a enfin été formé au Yémen, vendredi 18 décembre, alors qu’il devait initialement l’être un mois après la signature de l’accord de Riyad, le 5 novembre 2019. Ce nouveau gouvernement rassemble notamment des ministres fidèles au président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi et des...

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