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Culture - Création

Yolande Labaki : du cœur à l’ouvrage...

Confectionner 100 poupées pour 100 petites filles de Beyrouth qui ont perdu la leur dans l’explosion du port. C’est ce à quoi s’est attelée cette artiste-peintre aux doigts de fée au lendemain de la tragédie du 4 août. Sa manière à elle d’apporter sa contribution au soulagement des habitants des quartiers dévastés.

Yolande Labaki : du cœur à l’ouvrage...

« Je me suis attachée à mes poupées », dit Yolande Labaki qui en a déjà confectionné plus de 80 à ce jour. Photo DR

Ne pas se fier à son année de naissance : 1927. Elle aura beau être l’une des doyennes de l’art au Liban, Yolande Labaki possède cette éternelle jeunesse de cœur qui la fait réagir à tous les événements, heureux ou malheureux, de la vie. Et cette curiosité perpétuellement en éveil qui insuffle à ses créations un renouvellement constant. Pour celle qui est passée, au fil des décennies, des voyages et des formations, de la peinture classique (apprise aux beaux-arts de Belgique) aux arts visuels (auxquels elle se forme à New York) et à la création numérique (au cours de ces dernières années), le travail du fil et de l’aiguille était un registre qu’elle n’avait pas encore exploré artistiquement. Elle s’y est mise, il y a quatre mois, après la double explosion qui a dévasté la moitié de Beyrouth, dans le but de confectionner des poupées pour les petites têtes brunes qui ont perdu les leurs sous les gravats de leurs maisons dévastées. « Je savais coudre un peu, mais là, c’était différent. Je n’avais pas de patron et il m’a fallu tout construire, de la silhouette aux figures dont j’ai brodé les traits en essayant de diversifier les expressions. Ça a été difficile », confie-t-elle. « Parce que c’était de la création absolue. En réalité, les gens ne se rendent pas compte à quel point la couture est un domaine qui a rapport à l’art », observe-t-elle alors qu’elle en est à sa quatre-vingtième pièce.

Tears, l’œuvre à l’acrylique sur papier de Yolande Labaki inspirée du 4 août et offerte à la loterie caritative Atopos pour Beyrouth.

Le goût du challenge et des autres

La pétillante nonagénaire s’est fixé pour objectif d’en réaliser 100 avant Noël pour les offrir à 100 petites filles, par le biais de l’association Achrafieh 2020. « Je suis une habitante d’Achrafieh et j’ai pu constater par moi-même l’ampleur des dégâts subis par les habitants de ce quartier », dit-elle.

« Dès les premiers jours qui ont suivi l’explosion, je me suis demandée ce que je pouvais bien faire pour aider. Ne pouvant pas me déplacer, je me suis dit qu’il fallait que je rende service avec ce que je savais faire. En l’occurrence peindre et coudre un peu. J’ai commencé par réaliser un tableau inspiré de ce terrible événement, que j’ai offert à la loterie caritative qu’organise Atopos pour aider à la reconstruction des studios d’artistes à Mar Mikhaël. Mais je me suis arrêtée là, n’ayant pas le cœur d’explorer plus loin cet effroyable sujet. Et c’est en retrouvant dans ma chambre – qui avait été dévastée par la déflagration – une poupée complètement déchiquetée que j’ai eu le déclic. J’allais m’atteler à confectionner des poupées de chiffon pour les petites filles qui ont perdu leurs jouets dans l’explosion de leur maison. Car si l’aide a afflué pour réparer les murs, les portes et les fenêtres, personne n’a pensé aux enfants, à ce que peut signifier pour eux la perte de leurs jouets, ou encore de leurs doudous. J’aimerais beaucoup d’ailleurs que mes poupées de chiffon remplacent leurs doudous perdus, qu’elles leur apportent l’apaisement qui les aidera à bien dormir », souhaite cette artiste au tendre cœur de grand-mère.

Pour mémoire

Achrafieh 2020, « Quand on n’a que l’amour à s’offrir en partage »

Depuis, Yolande Labaki y consacre ses journées entières. « Je ne fais plus rien d’autre. Je prends mon petit déjeuner, je m’installe devant ma machine à coudre et je ne m’arrête qu’un peu avant le journal télévisé du soir pour les nouvelles. Ça prend un temps fou à réaliser quand même ! »

Soignant les moindres détails, des traits des visages aux finitions des petites robes, l’artiste qui sait s’armer de patience pour accomplir un projet – elle avait, il y a quelques années, composé mille dessins sur 25 mois pour une installation inspirée des Mille et une Nuits – s’est adonnée à la réalisation de ces poupées avec beaucoup de bonheur.

« Ce projet était un défi que je me suis lancé et que je suis heureuse d’avoir pu relever. Me mesurer à des difficultés est mon moteur. Et, finalement, j’ai beaucoup aimé la couture. J’y ai trouvé une activité apaisante et gratifiante, parce que très vite vous voyez le résultat de votre travail. Il faudrait que tout le monde se remette à la couture en fait… » conseille cette challengeuse et croqueuse de vie sous toutes ses coutures.

Ne pas se fier à son année de naissance : 1927. Elle aura beau être l’une des doyennes de l’art au Liban, Yolande Labaki possède cette éternelle jeunesse de cœur qui la fait réagir à tous les événements, heureux ou malheureux, de la vie. Et cette curiosité perpétuellement en éveil qui insuffle à ses créations un renouvellement constant. Pour celle qui est passée, au fil...

commentaires (2)

beau !!!

Muller Bertrand

06 h 39, le 03 décembre 2020

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Commentaires (2)

  • beau !!!

    Muller Bertrand

    06 h 39, le 03 décembre 2020

  • Chapeau Mme. Labaki ??

    Eleni Caridopoulou

    17 h 49, le 02 décembre 2020

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