Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a estimé samedi qu'empêcher l'audit des comptes de la Banque du Liban (BDL) était un "crime", après le retrait vendredi du cabinet international de conseil Alvarez & Marsal du contrat établi avec l'État libanais pour mener le volet juricomptable de l'audit de la BDL. Quant au numéro deux du Hezbollah, Naïm Kassem, il a dénoncé les "justifications inacceptables" ayant mené à la résiliation du contrat, estimant que cela risquait de mener à une "dégradation toujours plus importante" de la situation. Dans un communiqué, le dignitaire a appelé les trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, à prendre des mesures suite à la résiliation du contrat d'audit.
"Ne pas abdiquer face à l'échec"
"Les justifications qui ont mené à l'échec de l'audit juricomptable de la situation financière de la BDL sont inacceptables", a affirmé le cheikh Kassem. "Si la situation de la BDL reste obscure, cela risque de provoquer une dégradation toujours plus importante" dans le pays, a-t-il ajouté, alors que le Liban connaît depuis un an une crise économique et financière inédite.
Le secrétaire général adjoint du Hezbollah a dans ce cadre affirmé que son parti "restait convaincu de la nécessité de l'audit". "Il ne faut pas abdiquer face à l'échec", a-t-il poursuivi, appelant à trouver une solution à cette affaire. Il a dès lors réclamé "une réunion exceptionnelle du gouvernement" afin que les "mesures nécessaires soient prises" pour garantir l'audit, appelé la justice à "s'exprimer pour obliger la BDL à faire ce qu'il faut, sous peine de sanctions", et invité le Parlement à adopter une loi urgente pour "passer outre tous les prétextes empêchant l'audit".
Le cabinet international Alvarez & Marsal, que l’État avait mandaté en septembre pour mener le volet juricomptable de l’audit de la Banque du Liban, a décidé vendredi de jeter l’éponge, après avoir conclu qu’il ne parviendrait pas à obtenir les documents nécessaires réclamés à la Banque centrale pour mener à bien sa mission, même à l’issue du délai supplémentaire de trois mois convenu le 5 novembre dernier. L’audit de la BDL, et plus précisément son volet juricomptable, vise à remonter à la source des transactions passées par l’institution bancaire pour détecter d’éventuelles fraudes. Il constitue l'une des principales réformes réclamées par les soutiens du Liban. Son lancement effectif est de fait un des prérequis pour le déblocage de l’assistance financière que le pays a sollicitée du Fonds monétaire international en mai, sans succès pour l’instant.
"Un crime"
Un peu plus tard samedi, le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a pour sa part estimé qu'"empêcher l'audit juricomptable de la Banque du Liban est un crime". "Seule la vérité nous libérera et seul l'audit juricomptable permettra de découvrir la vérité concernant la façon avec laquelle les fonds des Libanais ont été dépensés et cela dévoilera les responsables" de la corruption, a-t-il écrit sur Twitter.
Le bureau politique du CPL a de son côté appelé le gouvernement démissionnaire de Hassane Diab à "annoncer les raisons qui ont poussé Alvarez & Marsal à mettre un terme à sa mission et à désigner les responsables de l'avortement de l'audit". "L'arrêt de l'audit des comptes de la Banque centrale signifie que la classe corrompue réussit à cacher la vérité concernant les fonds des déposants et les dépenses publiques", selon le parti aouniste, qui estime encore que cela "entrave les réformes, notamment financières et donc la possibilité de bénéficier" des aides internationales de la Cèdre et du Fonds monétaire international et "cela torpille l'initiative française" visant à sortir le Liban de la crise.
Le député Ibrahim Kanaan, président de la commission parlementaire des Finances, a pour sa part annoncé lors d'un entretien avec la chaîne locale LBCI qu'il allait présenter une proposition de loi au Parlement concernant un audit juricomptable de tous les comptes de l'État, qu'il s'agisse de ceux de la BDL, des ministères, des administrations et institutions publiques. Un tel texte "pourra éliminer tous les obstacles" devant l'audit, qu'il s'agisse du secret bancaire ou professionnel, estime le député. "L'audit n'a pas eu lieu parce que les responsables politiques ne veulent pas que l'on découvre que la majorité des parties sont impliquées et ont peur que la vérité ne soit révélée sur leur mauvaise gestion" des affaires du pays, a-t-il ajouté.
Sur le terrain, une poignée de partisans du CPL ont organisé un sit-in "symbolique" devant le domicile du gouverneur de la BDL, Riad Salamé, brandissant des pancartes sur lesquelles était inscrit le slogan : "Nous ne nous tairons pas".
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Jadis on disait : "on ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu". Aujourd'hui qui parle de combattre la corruption ? Ce sont les corrompus eux-mêmes. Je n'accuse personne, leurs noms sont évoqués tous les jours dans l'Orient Le Jour et dans les autres journaux nationaux.
Un Libanais
20 h 14, le 22 novembre 2020