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Monde - Éclairage

Ankara craint l’arrivée au pouvoir de Joe Biden

La relation personnelle entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan, qui a penché en faveur de ce dernier sur plusieurs dossiers, pourrait faire place à une politique moins conciliante.

Ankara craint l’arrivée au pouvoir de Joe Biden

Joe Biden, à l’époque vice-président des États-Unis, en compagnie du président turc Recep Tayyip Erdogan, à Istanbul, en 2016. Archives AFP

Août 2020. Une ancienne interview, accordée en décembre 2019 au New York Times, du futur président américain Joe Biden, à l’époque candidat à la présidentielle des États-Unis, refait surface et enflamme la Toile. Le leader démocrate qualifiait Recep Tayyip Erdogan d’« autocrate » et condamnait, entre autres, sa politique à l’égard de la population kurde. « Nous devrions adopter une approche très différente avec Erdogan, faire savoir clairement que nous soutenons les chefs de l’opposition », déclarait Joe Biden au quotidien américain, s’attirant les foudres d’Ankara. Le directeur de la communication de la présidence turque s’empressait alors de dénoncer les « attitudes interventionnistes » de Washington, tandis que le porte-parole du président turc menaçait sur son compte Twitter l’ancien vice-président américain. « Vous en paierez le prix », écrivait-il, avant d’ajouter que « l’analyse de Joe Biden sur la Turquie est basée sur l’ignorance, l’arrogance et l’hypocrisie pure ».

Ces propos tenus par le futur président des États-Unis remontent à près d’un an, mais ils donnent le ton de ce à quoi peut ressembler l’avenir des relations turco-américaines. La liste des problèmes laissés en suspens entre les deux pays est longue, mais ils s’étaient dernièrement apaisés à la faveur de la relation personnelle nouée entre Donald Trump et son homologue turc. Ce dernier pouvait compter sur son lien privilégié avec l’hôte de la Maison-Blanche pour déjouer les projets de sanctions américaines envers la Turquie. Ainsi, l’acquisition par Recep Tayyip Erdogan du système de missiles russes S-400, qui compte parmi les dossiers les plus épineux entre Ankara et Washington et qui avait provoqué la colère des États-Unis et d’autres alliés turcs au sein de l’OTAN, devait déboucher sur des sanctions en vertu d’une loi américaine, avant que Donald Trump n’accorde un sursis à son allié turc.

Mauvaise nouvelle

Ankara ne reste pas moins sous la menace de représailles de Washington alors que le Reïs a confirmé il y a quelques semaines que son pays était passé à l’acte en effectuant un premier essai du système russe de défense S-400, mi-octobre dernier, ce qui devait constituer une ligne rouge aux yeux des USA. « Il est peu probable que Biden donne à Erdogan un laissez-passer sur les questions les plus importantes telles que les missiles S-400 », commente auprès de L’Orient-Le Jour Henri J. Barkey, chercheur au programme d’études sur le Moyen-Orient au centre de recherche Council on Foreign Relations.

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L’arrivée au pouvoir de Joe Biden est une mauvaise nouvelle pour Recep Tayyip Erdogan, qui va devoir calmer les tensions entre les deux pays faute de pouvoir compter sur la tolérance du président sortant. Contrairement à ce dernier, le démocrate pourrait se montrer intransigeant avec son homologue turc au sujet des questions qui les opposent, parmi lesquelles l’activisme agressif de la Turquie, récemment au Haut-Karabakh ou encore en Libye, ses visées en Méditerranée orientale, ses actions dans le nord de la Syrie ainsi que son achat des fameux missiles S-400. Les relations entre Ankara et Washington sont devenues particulièrement tendues durant le second mandat de Barack Obama, de 2012 à 2016, au cours duquel Joe Biden officiait comme vice-président des États-Unis. Leurs différends portaient principalement sur les visions contraires des deux pays à l’égard de la Syrie ainsi que sur les atteintes aux droits de l’homme commises par la Turquie. « Biden ne cherchera pas la confrontation avec Ankara, mais en raison de son engagement en faveur des droits de l’homme et de l’État de droit, il poursuivra des politiques et fera des déclarations qui ne seront pas favorables à Erdogan », explique Alan Makovsky, spécialiste de la Turquie et chercheur au think-tank américain Center for American Progress, interrogé par L’Orient-Le Jour.

Étrange démission

Le dirigeant turc tenterait d’anticiper ses rapports avec le futur locataire de la Maison-Blanche. « Erdogan a commencé à pivoter en prévision de la présidence de Biden en annonçant des réformes qui ne changeront probablement pas beaucoup, mais qui lui permettront de prétendre que les choses changent », explique Henri J. Barkey. Certains observateurs ont vu dans l’étrange démission, le 8 novembre dernier, de Berat Albayrak, gendre du président turc et ex-ministre des Finances, un moyen pour Recep Tayyip Erdogan de coopérer avec la future administration américaine. Le proche du Reïs était en poste lorsque la banque publique turque Halkbank a été inculpée en tant qu’institution par la justice des États-Unis, en octobre 2019, pour contournement des sanctions américaines contre l’Iran.Ces derniers jours, les relations entre Ankara et Washington ne semblent guère aller mieux. Lundi dernier, à l’issue d’un entretien à Paris avec le président français Emmanuel Macron, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a mis en garde Ankara. « Le président Macron et moi avons passé beaucoup de temps à discuter des actions récentes de la Turquie et nous sommes tombés d’accord pour dire qu’elles étaient très agressives », a-t-il déclaré au quotidien français Le Figaro. Le secrétaire d’État américain a évoqué le « soutien » de la Turquie à l’Azerbaïdjan dans le conflit au Haut-Karabakh et le « fait qu’elle avait implanté des forces syriennes dans la région également », avant d’évoquer l’attitude du pays en Libye et en Méditerranée orientale. Alors que Mike Pompeo s’est rendu hier à Istanbul pour une visite axée sur la « liberté religieuse », aucune rencontre n’a été prévue avec les responsables turcs, laissant présager que les relations bilatérales se sont quelque peu refroidies. « Pompeo envoie un message diplomatique à la Turquie pour lui faire part de son mécontentement à l’égard de la politique du pays », conclut Alan Makovsky.

Août 2020. Une ancienne interview, accordée en décembre 2019 au New York Times, du futur président américain Joe Biden, à l’époque candidat à la présidentielle des États-Unis, refait surface et enflamme la Toile. Le leader démocrate qualifiait Recep Tayyip Erdogan d’« autocrate » et condamnait, entre autres, sa politique à l’égard de la population kurde....

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