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Moyen-Orient - Éclairage

Présidentielle à Chypre-Nord : les conséquences de la victoire du protégé d’Ankara

Le candidat nationaliste Ersin Tatar, soutenu par la Turquie, l’a emporté dimanche face au président sortant de centre-gauche Mustafa Akinci, mettant fin aux aspirations proréunification de l’île divisée.

Présidentielle à Chypre-Nord : les conséquences de la victoire du protégé d’Ankara

Le nouveau président élu de Chypre-Nord, Ersin Tatar, saluant ses partisans, le 19 octobre. Birol Bebek/AFP

Contre toute attente, le Premier ministre sortant Ersin Tatar a été élu à la présidence de la République turque de Chypre du Nord (RTNC), avec 51,69 % des voix, devançant le président sortant Mustafa Akinci, pourtant donné favori de cette élection et finalement crédité de 48,26 % des suffrages. Malgré la pandémie de Covid-19, plus de 67 % de participation a été relevée dans cette république non reconnue par la communauté internationale, soit trois points de plus qu’en 2015. « La victoire serrée d’Ersin Tatar a été générée principalement par ceux qui ne se sont pas présentés aux urnes au premier tour. Il semble qu’il a su mobiliser ses partisans plus que son concurrent », souligne à L’OLJ Berkay Mandiraci, spécialiste de la Turquie à l’International Crisis Group.

Un succès pour le candidat nationaliste mais également pour son puissant allié, la Turquie, qui occupe le nord de Chypre depuis 1974. Pro-Ankara, le président fraîchement élu a remercié Recep Tayyip Erdogan dans son discours de victoire et dénoncé « ceux qui ont utilisé la Turquie comme argument électoral » face aux accusations d’ingérence turque dans la campagne présidentielle, avancées par Mustafa Akinci. Le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, s’est également empressé de féliciter le vainqueur sur Twitter, en soulignant la volonté des deux parties de travailler « ensemble pour assurer la prospérité, le développement et la sécurité des Chypriotes-turcs ».

Depuis le début de la campagne présidentielle, M. Erdogan n’a pas hésité à clamer haut et fort son soutien à Ersin Tatar. Contrairement à son opposant Mustafa Akinci, le nouveau dirigeant chypriote-turc est hostile à la création d’un État fédéral entre la République de Chypre, membre de l’Union européenne, et la RCTN, uniquement reconnue par la Turquie, mettant fin aux espoirs de réunification de l’île. Des vues partagées par Ankara, qui aurait récemment durci sa position et abandonné la solution fédérale au profit d’une solution à deux États. « Depuis l’échec des initiatives menées par les Nations unies pour résoudre le conflit chypriote, la Turquie pointe de plus en plus dans cette direction que la victoire du candidat nationaliste ne fait que se renforcer », explique à L’OLJ Sinan Ülgen, spécialiste des affaires internationales turques au Carnegie Europe à Bruxelles. Les pourparlers parrainés par l’ONU en 2017, à Crans-Montana, en Suisse, se sont soldés par un échec alors qu’Ankara a refusé d’obéir au calendrier clair demandé par Nicosie pour le retrait progressif de près de 30 000 soldats turcs basés dans le nord de l’île. Face aux résultats de l’élection du président de la RCTN, de nouvelles négociations semblent de plus en plus compromises. « L’issue des élections complique probablement davantage les efforts de l’ONU pour trouver une solution à la question chypriote », reconnaît Berkay Mandiraci.

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Un constat renforcé par la tension actuelle entre le dirigeant turc et l’Union européenne alors qu’Athènes et Ankara se disputent depuis août dernier le contrôle de gisements de gaz en Méditerranée orientale. La Turquie a décidé de renvoyer cette semaine son bateau de recherche sismique dans les eaux chypriotes-grecques jusqu’au 20 octobre. « Nous allons défendre ensemble les droits et intérêts légitimes de Chypre-Nord en Méditerranée orientale », a d’ailleurs rappelé sur Twitter le chef de la diplomatie turque dans ses félicitations au nouveau président.

Pas de réunification en vue

Mais si la victoire d’Ersin Tatar conforte certainement Recep Tayyip Erdogan, les conséquences sur ses ambitions maritimes ne seraient pas certaines. « L’autoproclamée république était déjà alignée sur la politique du leader turc en Méditerranée orientale, il n’y a pas de raison que ce dernier change d’attitude », expose à L’OLJ Soner Cagaptay, spécialiste de la Turquie au sein du Washington Institute. Le président turc n’aurait par ailleurs pas intérêt à multiplier les provocations. « Le vrai combat à entreprendre pour la Turquie serait de convaincre des pays tiers de reconnaître la RCTN », note Sinan Ülgen. « Ankara et la nouvelle direction chypriote-turque feront probablement preuve de prudence dans les mois à venir, compte tenu des tensions persistantes en Méditerranée orientale. Des mesures unilatérales pourraient compliquer les efforts turcs pour la reconnaissance internationale de la république autoproclamée et renforcer l’isolement du Nord », admet à son tour Berkay Mandiraci.

Un scénario qui serait à nuancer. La Turquie pourrait bien se satisfaire du statu quo. « Il n’est pas certain que le pays opte immédiatement pour l’indépendance de la partie nord de l’île. Ankara pourrait simplement refuser de faire partie des pourparlers en son nom ainsi qu’en celui de la nouvelle administration chypriote-turque », ajoute Soner Cagaptay. Quelle que soit la solution privilégiée, aucune ne laisse présager la réunification de Chypre. « Ni la Turquie ni les autorités de Chypre-Nord ne sont désormais intéressées par cette option », conclut le spécialiste.


Contre toute attente, le Premier ministre sortant Ersin Tatar a été élu à la présidence de la République turque de Chypre du Nord (RTNC), avec 51,69 % des voix, devançant le président sortant Mustafa Akinci, pourtant donné favori de cette élection et finalement crédité de 48,26 % des suffrages. Malgré la pandémie de Covid-19, plus de 67 % de participation a été...

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