La présidence libanaise a annoncé lundi la composition de la délégation libanaise, formée de quatre membres, qui doit commencer le 14 octobre à négocier la démarcation des frontières maritimes avec Israël, sous le parrainage de l'ONU et avec la médiation des États-Unis. La question est cruciale pour un Liban en plein effondrement économique et qui s'est lancé ces dernières années dans la prospection d'hydrocarbures au large de ses côtes. En 2018, le pays a signé son premier contrat d'exploration pétrolière pour deux blocs off-shore avec un consortium international mais une partie d'un des deux blocs se trouve dans la zone maritime disputée avec Israël.
Cette délégation, "composée selon les directives du chef de l'Etat", comme l'indique le communiqué publié par le bureau de presse de Baabda, sera présidée par le général Bassam Yassine, qui occupe actuellement le poste de chef d’état-major adjoint pour les opérations. Elle comprend également le colonel Mazen Basbous, qui a occupé le poste d’adjoint du commandant des forces maritimes, le président sortant du conseil d’administration de l’Autorité de l’énergie (LPA, principalement chargée de suivre le dossier des hydrocarbures offshore au Liban), Wissam Chbat, et Nagib Massihi, un expert en droit international et spécialiste du dossier des frontières maritimes qui collaborait avec le commandement de l’armée dans le domaine de la cartographie.
Le nom de l’ambassadeur Hadi Hachem, directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères et considéré comme proche du camp aouniste, qui avait été évoqué dans un premier temps, a été retiré sous la pression du Hezbollah, selon des sources politiques. Le parti pro-iranien ne veut en aucun cas conférer un caractère politique à ces négociations, et son groupe parlementaire avait souligné jeudi dernier que les pourparlers à venir entre le Liban et l’État hébreu pour la démarcation de leurs frontières ne représentent ni une "réconciliation" ni une "normalisation" des relations.
Le Sérail mécontent
Quelques heures plus tard, la présidence du Conseil a adressé à Baabda un mémorandum dans lequel elle dénonce l'absence de coordination sur la formation de la délégation avec le Premier ministre et lui demande de se conformer à l’article 52 de la Constitution lequel stipule "Le président de la République négocie les traités et les ratifie en accord avec le chef du gouvernement". Le texte envoyé par le secrétaire général de la présidence du Conseil, le juge Mahmoud Makkiyé, rappelle toute la teneur de l’article : "Ceux-ci ne seront considérés comme ratifiés qu’après accord du Conseil des ministres. Le gouvernement en informe la Chambre des députés lorsque l’intérêt du pays et la sûreté de l’Etat le permettent. Les traités qui engagent les finances de l’Etat, les traités de commerce et tous les traités qui ne peuvent être dénoncés à l’expiration de chaque année ne peuvent être ratifiés qu’après l’accord de la Chambre des députés". Le secrétariat général du Sérail rappelle qu’il a déjà interpellé "à plusieurs reprises" la direction générale de la présidence du Conseil "pour qu’elle se conforme au texte de la Constitution d’autant que l’objet des négociations fait partie des questions souverainistes". "La désignation (de la délégation chargée) des négociations et les pourparlers doivent faire l’objet d’un accord commun entre les présidents de la république et du Conseil", précise le texte, avant d’ajouter : "Toute autre procédure constitue une atteinte flagrante à la Constitution".
Le secrétaire d’État adjoint américain pour le Moyen-Orient, David Schenker, est attendu demain à Beyrouth pour participer à l’ouverture des négociations libano-israéliennes qui se tiendront mercredi au quartier général de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, à Naqoura, sous les auspices de l’ONU. D’après l’organisation internationale, Washington encadrera les discussions sur les frontières maritimes tandis que celles sur le litige terrestre seront supervisées par la Finul. Selon un communiqué du département d'Etat publié dans la soirée, l'ambassadeur des Etats-Unis en Algérie John Desrocher sera le médiateur lors des négociations sur les frontières maritimes entre le Liban et Israël.
Du côté israélien, la délégation sera composée de six membres dont Udi Adiri, directeur général du ministère de l’Énergie, Reuven Azar, un conseiller diplomatique du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et le général de brigade Oren Setter, chef de la direction des Affaires stratégiques de l’armée, selon l’AFP. Le ministre israélien de l’Energie Yuval Steinitz avait annoncé dans un premier temps qu’il conduirait la délégation de son pays, mais le changement est probablement lié au niveau de la représentation du Liban.
commentaires (8)
Derrière la délégation israélienne il y a surtout la diplomatie américaine. Comment s'attendre à une délimitation légale? Et impartiale.
Sybille S. Hneine
21 h 11, le 12 octobre 2020