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Politique - Décryptage

Le dernier repas entre Bruno Foucher et Ammar Moussaoui

Avec l’arrivée mercredi à Beyrouth de la nouvelle ambassadrice de France Anne Grillo, l’initiative française pour la formation d’un gouvernement pourrait être relancée. D’autant que, comme le veut la coutume, Mme Grillo s’est longuement entretenue avec son prédécesseur Bruno Foucher juste avant de faire ses valises pour le Liban, pour être informée des derniers développements au sujet de cette initiative et des positions des différentes parties locales. Il faut préciser qu’après la conférence de presse du président français, dans laquelle il a fait assumer en grande partie l’échec de la formation du gouvernement Adib au tandem chiite, et en particulier au Hezbollah, et la réponse directe deux jours plus tard du secrétaire général du Hezbollah, cette initiative semblait bien compromise.

Le secrétaire général du Hezbollah, qui s’est exprimé d’une façon à la fois claire et mesurée, en essayant de ne pas dépasser certaines limites, a en effet rejeté les accusations portées contre la classe politique, en général, et son parti, en particulier. Ce dernier était, en effet, accusé d’avoir « trahi ses engagements et d’imposer une certaine terreur à ses partenaires ». Mais, en même temps, il a minutieusement choisi ses mots pour ne pas provoquer de crise diplomatique en se contentant de répondre point par point aux arguments du président français. Hassan Nasrallah savait que le lendemain, et deux jours avant son départ définitif du Liban, l’ambassadeur Bruno Foucher était attendu dans la banlieue sud dans le cadre de sa tournée d’adieux auprès des parties libanaises. Le Hezbollah avait en effet tenu à inviter le diplomate français à un déjeuner de départ en guise de remerciement pour ce qu’il estime être son rôle constructif au Liban. Le rendez-vous avait donc été fixé à l’avance, mais après la conférence de presse du président Macron et la réponse du chef du Hezbollah, il aurait pu être annulé. Toutefois, les deux parties ont tenu à le maintenir et Bruno Foucher s’est donc rendu au siège des relations extérieures du parti, dans la banlieue sud, où il a déjeuné avec Ammar Moussaoui. Selon des sources concordantes, le déjeuner a duré près de trois heures et demie et il a été l’occasion d’évoquer en long et en large l’initiative française et les circonstances dans lesquelles elle s’est déroulée, ainsi que les obstacles auxquels elle s’est heurtée. Ayant passé de nombreuses années en tant que diplomate en Iran, l’ambassadeur de France est habitué au rythme particulier du Hezbollah où il faut prendre son temps pour discuter avant d’arriver au cœur du problème. Mais, cette fois, les deux parties en avaient gros sur le cœur et Ammar Moussaoui tenait absolument à expliquer à son interlocuteur que le parti chiite n’est pas responsable de l’impasse dans laquelle s’est retrouvé le dossier de la formation du gouvernement. Selon lui, c’est l’absence de mécanisme d’exécution clair qui a permis à certaines parties, notamment ce qu’on appelle « le club des 4 anciens présidents du Conseil », d’essayer d’imposer des règles nouvelles et surtout de chercher à bousculer les rapports de force en place depuis les élections législatives de 2018.

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À travers certains canaux, des parties libanaises avaient déjà tenté d’alerter les Français sur certains pièges dans l’approche du Premier ministre désigné Moustapha Adib, mais elles n’ont apparemment pas été entendues. Et le processus s’est ainsi retrouvé dans l’impasse, le tandem chiite se sentant visé et ayant le sentiment qu’on cherchait à l’écarter du pouvoir pour l’affaiblir et avoir le champ libre pour prendre des décisions dirigées contre lui, selon la volonté affichée de

Washington. Le Hezbollah aurait même confié à son interlocuteur avoir accueilli favorablement l’initiative française et avoir apprécié à leur juste valeur les efforts du président français pour inclure toutes les parties au processus politique et son souci de donner la priorité à la situation économique et financière et aux réformes. C’est pourquoi la surprise du Hezbollah a été grande lorsqu’il a senti, à travers plusieurs réunions avec le Premier ministre désigné, que ce dernier ne semblait pas libre de sa décision, se sentant redevable de sa désignation au « club des 4 » et qu’il n’avait rien de concret à proposer.

Dans la foulée, Ammar Moussaoui aurait tenu à rendre hommage à Moustapha Adib qui, selon lui, a été clair avec les deux émissaires chiites, tout en leur affirmant qu’il ne compte pas former un gouvernement de confrontation avec qui que ce soit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a fini par se retirer, selon ces sources.

Selon les sources proches du Hezbollah, l’ambassadeur Foucher a réaffirmé à son interlocuteur que la France ne compte pas modifier sa position à l’égard de cette formation. Au contraire, Paris souhaite poursuivre sa politique d’ouverture à l’égard de toutes les parties et continuer à mener un dialogue avec le Hezbollah. De son côté, Ammar Moussaoui aurait déclaré qu’en dépit de la blessure causée par les accusations du président français, le Hezbollah souhaite fermer cette page après la réponse de son secrétaire général. Il est donc prêt à coopérer de nouveau pour relancer le processus mais, cette fois, sur des bases claires et solides.

L’entretien a ensuite glissé, poursuivent les sources, vers des considérations plus concrètes, notamment la possibilité de reprendre les négociations pour la formation du gouvernement. Ammar Moussaoui aurait ainsi précisé à cet égard qu’au départ, le Hezbollah et Amal n’étaient pas opposés au principe de rotation dans les portefeuilles, notamment régaliens. Mais ils ont eu le sentiment qu’il y avait bien plus que cela dans l’absence d’informations claires de la part de ceux qui discutaient avec eux de ce dossier. Il aurait aussi réitéré l’insistance du Hezbollah et d’Amal à refuser la formation d’un gouvernement « à coloration unique », ainsi que leur préférence pour la désignation du chef du courant du Futur Saad Hariri ou d’une personne qu’il choisirait. Mais cette idée se heurte au refus de ce dernier d’être désigné dans de telles circonstances ainsi qu’à sa volonté affichée de ne pas désigner une personnalité pour ce poste. Face à cette position, le processus tourne en rond. Or, la France peut jouer un rôle à ce niveau en essayant d’assurer un minimum d’appui régional et international à une éventuelle candidature de Saad Hariri.

Finalement, en dépit des tensions des derniers jours, les sources proches du Hezbollah affirment que la rencontre était globalement cordiale. Ce qui compte, c’est que les deux parties préfèrent maintenir le contact entre elles. Le Hezbollah se déclare en tout cas ouvert et estime que la balle est dans le camp des Français.


Avec l’arrivée mercredi à Beyrouth de la nouvelle ambassadrice de France Anne Grillo, l’initiative française pour la formation d’un gouvernement pourrait être relancée. D’autant que, comme le veut la coutume, Mme Grillo s’est longuement entretenue avec son prédécesseur Bruno Foucher juste avant de faire ses valises pour le Liban, pour être informée des derniers développements...

commentaires (6)

Héhéhé et puis hihihi et surtout hahaha..."la surprise du Hezbollah a été grande lorsqu’il a senti, à travers plusieurs réunions avec le Premier ministre désigné, que ce dernier ne semblait pas libre de sa décision" ....la bonne surprise effectivement! Le hezb ne l'avait jamais vu auparavant!

Wlek Sanferlou

21 h 20, le 09 octobre 2020

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Commentaires (6)

  • Héhéhé et puis hihihi et surtout hahaha..."la surprise du Hezbollah a été grande lorsqu’il a senti, à travers plusieurs réunions avec le Premier ministre désigné, que ce dernier ne semblait pas libre de sa décision" ....la bonne surprise effectivement! Le hezb ne l'avait jamais vu auparavant!

    Wlek Sanferlou

    21 h 20, le 09 octobre 2020

  • Je hais le vice et le crime. Mais, en regard de la naïveté, je crois que je préfère encore le vice et le crime. La reine morte - Henry de Montherlant

    SATURNE

    15 h 09, le 09 octobre 2020

  • A lire cet article, nous devons demander que dorénavant les membres du Hezbollah soient tous considérés comme des êtres angéliques et même presque des saints. Alors que le club des anciens PM sont le diable en personne

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 06, le 09 octobre 2020

  • en fait dame haddad n'a fait que rapporter le contenu de la derniere apparition de nasroullah,en tranquilisant les citoyens francophones -plus sensibles quant a la startegie divine de nasroullah- a les tranquiliser comme quoi hezb a ouvert son coeur et "devoile" a mr Fouchet les verites qui resteraient cachees n'etait ce la franchise qu'on leur connait . Ouf ! ce dernier en est ressorti tellement aise d'avoir enfin compris les dessous de l'affaire a la suite d'un dejeuner champetre qu'il aurait pu appeler la CENE, n'etait ce l' absence de vin sur la table.

    Gaby SIOUFI

    09 h 16, le 09 octobre 2020

  • Amal et le Hezbollah n'ont pas voulu laisser Mr Adib choisir ses propres ministres c'est tout. Il n'y a aucun signe qui montre que Adib se soit laissé influencé dans ses choix par le club de 4 ex-premiers ministres ou autres parties. Le Hezbollah a désigné Adib comme l'ont fait les 4 ex-premiers ministres ni plus ni moins. S'il avait senti un piège il n'avait qu'à ne pas désigner Adib. Le Hezbollah et Amal ont trahi leur engagement et le fait que Macron le dénonce en parole mais continue en acte à négocier avec eux montre qu'il est leur complice comme l'est aussi Mr Hariri.

    Citoyen libanais

    08 h 59, le 09 octobre 2020

  • Adieu Mr Foucher, allez prendre votre retraite loin du Liban, vous n'y serez pas regretté.

    Christine KHALIL

    08 h 59, le 09 octobre 2020

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