Lillian Brown. Ce nom et ce prénom sont certes très communs aux États-Unis. Mais cette Lillian Brown-là affiche un parcours qui n’a rien de commun.Un temps consultante en image autodidacte, elle est devenue célèbre pour avoir permis à neuf présidents américains d’afficher, sur le petit écran, leur plus beau visage. De Dwight Eisenhower à Bill Clinton en passant par John F. Kennedy, Lyndon Johnson, Richard Nixon, Gérald Ford, Jimmy Carter, Ronald Reagan et George W. H. Bush. Celle qui avait entamé une carrière d’enseignante dans une école primaire s’était portée volontaire en 1953 pour produire un programme télévisé éducatif destiné aux écoles publiques de la ville d’Arlington, alors qu’elle n’avait aucune expérience dans ce domaine. Ce coup d’essai réussi, Lillian Brown devient alors animatrice d’un programme hebdomadaire pour enfants produit dans le studio de la célèbre chaîne de télévision américaine CBS News. Quelque temps plus tard, le responsable d’une émission politique de grande écoute, Face the Nation, diffusée par cette même chaîne, remarque que les hommes accueillis dans le programme de Lillian Brown, qu’elle maquille elle-même, passent bien à l’image. Il lui demande alors de faire de même pour ses hôtes, pour la somme de 19 dollars par émission.
JFK et le pouvoir de l’image
Dans une conférence qu’elle a donnée plus tard et que l’on retrouve sur YouTube, Lillian Brown raconte comment elle avait réussi à convaincre son premier client politique – et non des moindres –, puisqu’il s’agissait de Sam Rayburn, le président de la Chambre, de la laisser le maquiller. « Je lui ai dit “M. Sam, si vous me laissez poudrer votre nez, vous ne perdrez rien de votre virilité”. Une fois passé le premier choc, il m’a répondu, “Honey, allez-y”. » Elle procédera de la même façon et avec la même dextérité avec son premier client et président, Dwight Eisenhower. Puis, elle se retrouve sur le même plateau qu’un jeune sénateur du Massachusetts, John F. Kennedy, rencontré dans les studios de la CBS. Il sera d’ailleurs la première figure politique des États-Unis à avoir saisi le pouvoir de la caméra et de l’image. Dans une interview accordée plus tard au New York Times, Mme Brown confie : « Il voulait tout savoir sur les effets que pouvaient avoir sur lui les jeux de lumière et les objectifs des caméras. Il se mettait derrière la caméra et demandait aux techniciens : “Pourquoi cette lumière est placée ici et l’autre là-bas ? Comment faites-vous les mixages audio ?”. » Il semble qu’il ait mis à profit ces informations puisque, lorsqu’il était candidat démocrate à la présidentielle en 1960, il a fait une impressionnante prestation lors d’un débat télévisé avec son rival républicain Richard Nixon. Affichant – contrairement à ce dernier – une posture assurée, contrôlée et séduisante. Une fois à la Maison-Blanche, JFK fera souvent appel à Lillian Brown, autant pour ses conseils de communicante que pour ses fonds de teint. Ses successeurs lui emboîteront le pas.
Dans sa trousse de maquillage, une cravate et des chaussettes
La panoplie de cette experte en dit long sur ses doubles casquettes. Dans son sac de maquillage, on pouvait trouver une petite éponge, de la poudre et des mouchoirs en papier pour égaliser la dernière fine touche de fond de teint, ainsi qu’un produit anticernes. Mais aussi une cravate à la teinte sobre, au cas où le président en arborerait une trop colorée, qui risquait, selon Lillian Brown, de ne pas passer devant la caméra. Perfectionniste et décidée, elle a même, une fois, emprunté la cravate de l’un des gardes du corps du président. Plus encore, elle transportait avec elle un élément des plus inattendus, une longue paire de chaussettes, au cas où le président, en croisant les jambes, dévoilait une cheville nue. Lillian Brown avait ainsi défini son concept de l’image publique télévisée : « Contrairement aux artistes maquilleurs qui veulent rendre une personne glamour, mon but est de faire apparaître les gens tels qu’en eux-mêmes. Pour cela, il y a plus que le maquillage. Il y a une compréhension globale du média, allant du réglage précis du téléprompteur au rajustement d’une veste et à la redisposition d’un accessoire. L’essentiel étant l’éclairage qui souligne la dimension humaine. »
Autodidacte
Mme Brown n’avait pas de formation de maquilleuse. Elle avait appris l’importance du maquillage pour le petit écran en regardant à travers la caméra et en observant les tables de contrôle. Brillante autodidacte de l’audiovisuel, elle avait été très sollicitée en dehors de la Maison- Blanche. En 1976, elle rejoint le bureau des relations publiques de l’Université de Georgetown en tant que coordinatrice des émissions radio et télévision. Elle anime le Georgetown University Forum et, dans ce contexte, interviewe quelques-unes des sommités de cette université. De même qu’elle sera consultante pour tous (du président aux membres de l’équipe de basket-ball), sur l’art de se comporter face à une caméra. Elle continuera à pratiquer son métier de maquilleuse jusqu’à l’âge de 95 ans. Une carrière lors de laquelle elle a été honorée par plusieurs distinctions et est entrée au comité de la National Academy of Television, Arts & Sciences.
Aujourd’hui, la revue de l’Université de Georgetown se remémore cette femme exceptionnelle, décédée le 13 septembre à 106 ans, à travers son long parcours diversifié de maquilleuse, d’éducatrice et de pionnière dans le domaine de la communication.
Beau parcours!!!
08 h 00, le 02 octobre 2020