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Lifestyle - La Mode

Ce que Bazaza dit

Il écrivait déjà son logo avec des symboles chimiques. Sa première collection était déjà inspirée d’une histoire de virus informatique infectant la mémoire humaine et brouillant émotions et souvenirs. Après l’explosion au port de Beyrouth, Hussein Bazaza présente un printemps/été 2021 intitulé « NH4NO3 » (nitrate d’ammonium).

Ce que Bazaza dit

Hussein Bazaza, printemps-été 2021. Photos DR

Dessiner la dystopie : avec son style grunge chic, Hussein Bazaza ne fait pas autre chose, depuis ses débuts en 2013. Il n’avait que 23 ans et venait tout juste de sortir de l’incubateur Starch quand il lançait sa marque sous un logo éponyme orné de symboles chimiques, se plaçant déjà dans une tendance savant fou. Par la suite, il n’a cessé de produire des narrations textiles de plus en plus précises et cohérentes, jonglant avec les patrons, les volumes, l’architecture, la gravité et le télescopage des couleurs et des imprimés, pour livrer des collections « qui ont une âme ».

« Pleins feux sur les designers libanais » : cette saison, la Camera Nazionale della Moda Italiana a décidé de soutenir la nouvelle génération de talents libanais dans un geste de solidarité envers les citoyens de Beyrouth, touchés par la double explosion survenue le 4 août dans le port de la capitale libanaise. La CNMI a promis son soutien à sept créateurs libanais (Azzi & Osta, Boyfriend the Brand, Emergency Room, Hussein Bazaza, L’Atelier Nawbar, Roni Helou) en leur offrant de présenter leurs collections dans le cadre de la Fashion Week de Milan, sur sa plate-forme numérique. C’est donc aux côtés d’un petit groupe de la nouvelle génération de créateurs libanais que Bazaza présentait virtuellement NH4NO3 (le nom chimique du nitrate d’ammonium), sa collection inspirée de la confusion des sentiments occasionnée, pour les Libanais, par l’explosion.

Hussein Bazaza printemps/été 2021. Photo DR

Zeina ne trouve pas les mots
Entièrement consacrée à la gamme chaotique des émotions éprouvées à la suite d’un événement traumatisant, et donc évidemment de cette explosion dévastatrice, la collection NH4NO3 est cathartique. Selon Bazaza, ceux qui ont été témoins de la tragédie passent de la peur et la panique à l’anxiété, la haine, l’amour, le bonheur, le sentiment de perte, la confusion et tant d’autres sentiments mitigés, le plus dominant étant le déni et sa présence prégnante dans chaque émotion ressentie. « Malheureusement, nier ces émotions, c’est au final nier son véritable état mental et entrer dans une routine émotionnelle de rejet pur, jour après jour », souligne-t-il.

L’objectif de cette collection printemps/été 2021 est de représenter ce que chaque Libanaise et Libanais vivent au quotidien depuis l’explosion. Le film de présentation, réalisé par Samir Siryani, met en scène Zeina, une jeune femme qui auditionne pour un rôle. Quand il lui est demandé de dire quelque chose sur elle-même, elle se fige. Embarrassée, désorientée, intimidée, elle ne trouve pas les mots. Le déni en a fait une inconnue à elle-même, incapable d’exprimer quoi que ce soit. Les scènes s’enchaînent ensuite rapidement, projetant les émotions différentes qui se bousculent en elle et qu’il lui est impossible de démêler.

Hussein Bazaza printemps/été 2021. Photo DR

Ce bruit qu’on ne peut pas oublier, ce froid au cœur de l’été
Chaque ensemble exprime ces sentiments chaotiques et contrastés. Le masculin grungy révèle ses moments de force. Il est associé à des pièces romantiques, éthérées quand la paix semble reprendre le dessus, malgré le déni. Ces compositions contrastées représentent l’état de confusion réel que vivent les Libanais. À la fin du court-métrage, Zeina tourne le dos au jury du casting. Il lui est demandé encore une fois de tout dire. Son unique réponse est d’imiter ce bruit que nul, à Beyrouth, ne pourra oublier.

Pour cette collection printanière et estivale, Bazaza ne s’est pas senti capable de dessiner les pièces légères habituelles d’une saison chaude. Au sens émotionnel, l’année 2020 est vécue comme froide. C’est ainsi que se sont imposés à lui des vêtements d’extérieur illustrant justement le besoin de protection contre ce froid intérieur et les dangers potentiels. Les teintes pastel dominent la palette, entre jaune limonade, rose pâle et vert menthe, confondues avec des couleurs saturées de marron, de noir, bleu marine et orange brûlé. Certaines pièces ont été peintes à la main par le créateur lui-même, directement sur le tissu, de motifs exprimant sa propre confusion. Il s’est également concentré sur des pièces monochromes, singulières, caractérisées par des coupes géométriques et des plissages plutôt que des broderies, de manière à les laisser concentrer dans leur crudité tout ce qui échappe au discours.

Dessiner la dystopie : avec son style grunge chic, Hussein Bazaza ne fait pas autre chose, depuis ses débuts en 2013. Il n’avait que 23 ans et venait tout juste de sortir de l’incubateur Starch quand il lançait sa marque sous un logo éponyme orné de symboles chimiques, se plaçant déjà dans une tendance savant fou. Par la suite, il n’a cessé de produire des narrations textiles...

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