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Moyen-Orient - Éclairage

Les houthis déterminés à prendre Ma’rib coûte que coûte

Une prise de cette province au centre du pays par les rebelles redéfinirait les lignes du conflit.

Les houthis déterminés à prendre Ma’rib coûte que coûte

Un membre d’une tribu yéménite progouvernementale lors des combats contre les rebelles houthis à Ma’rib, à l’est de la capitale Sanaa, en 2017. Photo AFP

C’est une offensive dont l’issue pourrait marquer un tournant sur le terrain yéménite. Depuis août, les combats se sont intensifiés dans la province de Ma’rib entre les houthis et les forces gouvernementales et de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Les rebelles, soutenus par l’Iran, ont mis le cap sur la zone depuis le début de l’année alors qu’ils tentent de percer un nouveau front à l’est de la capitale, Sanaa, qu’ils détiennent depuis 2014. Située dans le centre du pays, Ma’rib a été reprise des mains des rebelles par des tribus locales appuyées par la coalition en 2015 et est, depuis, sous le contrôle des troupes qui soutiennent le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi.

Ancien bastion d’el-Qaëda dans la péninsule Arabique (AQPA), la province était restée relativement stable ces dernières années, permettant à près de deux millions de Yéménites d’y trouver refuge, dont des opposants politiques aux rebelles. Riche en gaz et en pétrole, la province est restée économiquement prospère pendant la guerre, notamment grâce à l’argent saoudien. Des conditions qui avaient favorisé l’entrepreneuriat, notamment dans le domaine de la construction, et la création d’emplois dans un pays où le chômage des jeunes dépasse les 50 %, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). La ville éponyme, capitale du gouvernorat, accueille également des bases militaires terrestres et aériennes utilisées par la coalition. « Ma’rib est le dernier point d’ancrage solide du gouvernement dans le Nord », souligne Ibrahim Jalal, chercheur yéménite non résident au Middle East Institute, interrogé par L’Orient-Le Jour.

La zone a connu une recrudescence des violences cette année. Le mois d’août a été le plus mortel – le conflit étant déjà qualifié de « pire crise humanitaire au monde » par les Nations unies. Selon les observateurs, l’ampleur de l’opération des rebelles dans le centre du Yémen est comparable à celle lancée par les houthis pour la prise de Aden (Sud) en 2015. Bien que plusieurs dirigeants et hauts gradés houthis aient perdu la vie lors d’affrontements dans les provinces de Ma’rib et de Jawf (Nord) ces derniers mois, leur détermination ne semble pas pour autant s’affaiblir. Au début du mois, le chef de la diplomatie houthi, Hussein al-Ezzi, affirmait sur son compte Twitter que des membres d’el-Qaëda s’étaient réinstallés à Ma’rib – justifiant entre les lignes l’offensive dans la province. « Il n’y a pas de changement significatif dans le contrôle territorial, bien que les houthis aient intensifié leurs attaques et déployé des renforts supplémentaires depuis plus de quatre lignes de front », indique Ibrahim Jalal. « Pour l’instant, Ma’rib semble loin de tomber mais les incertitudes sont là pour rester si la coalition ne passe pas de la tactique à la stratégie », poursuit-il.

Forte résistance

Un des enjeux : les ressources gazières et pétrolières. Dominer la province permettrait aux rebelles d’accéder, entre autres, à la raffinerie de la compagnie d’État al-Safer qui fournit du pétrole à différentes régions au Yémen. Obtenir « le contrôle du triangle pétrolier Ma’rib – Ataq (Sud-Est) – Say’oun (Sud) aurait non seulement des conséquences sur la progression du conflit actuel, mais pourrait fournir un levier crucial pour les parties en guerre qui tentent de façonner leurs visions pour un Yémen postguerre », remarque Ammar al-Aulaqi, analyste yéménite politique et économique, dans un rapport du Centre de Sanaa pour les études stratégiques. Les rebelles ont déjà la mainmise sur le terminal pétrolier de Ras Issa, relié à Ma’rib grâce à un pipeline long de 430 kilomètres.

Une prise de Ma’rib par les houthis marquerait également une nouvelle perte pour la coalition sur le plan militaire, ouvrant la voie aux rebelles pour s’engouffrer dans les provinces de Shabwa (Sud) et de Hadramout (Sud-Est), en direction de la frontière avec l’Arabie saoudite. Au début du mois, le prince saoudien Fahd ben Turki ben Abdel Aziz a été congédié par la couronne de son poste de commandant des forces conjointes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite opérant au Yémen, accusé de corruption. Un geste qui a également été interprété comme une conséquence des défaites essuyées par la coalition cette année.

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« Même s’il n’est pas facile pour les houthis de capturer Ma’rib dans un avenir proche, compte tenu de la forte résistance des forces combattant sous l’égide du gouvernement, la carte du conflit changerait radicalement s’ils pouvaient le faire », observe Ahmad Nagi, chercheur non résident au Centre Carnegie du Moyen-Orient, basé à Beyrouth. « Le gouvernement sera complètement désintégré et la coalition menée par l’Arabie saoudite perdra sa base militaire la plus solide dans le Nord. Pendant ce temps, les houthis poursuivront leur combat dans les gouvernorats du Sud », explique-t-il.

L’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, Martin Griffiths, a averti la semaine dernière qu’une bataille à Ma’rib saperait « les perspectives d’établissement d’un processus politique inclusif qui mènerait à une transition basée sur le partenariat et la pluralité ». Des ONG ont également alerté dans un communiqué conjoint que les affrontements dans ce gouvernorat pourraient provoquer de nouveaux déplacements de population de masse et empêcher l’accès à des services de base.

Samedi, le gouvernement yéménite a appelé pour sa part le Conseil de sécurité à tenir « une réunion d’urgence pour discuter des répercussions dangereuses que les milices houthies posent sur la vie des Yéménites à Ma’rib ». Des déclarations qui sont intervenues en parallèle des pourparlers qui ont débuté sous l’égide de l’ONU vendredi à Genève entre les rebelles et le gouvernement yéménite pour « finaliser » un accord sur l’échange de quelque 1 400 prisonniers, dans le cadre de l’accord conclu en 2018.

C’est une offensive dont l’issue pourrait marquer un tournant sur le terrain yéménite. Depuis août, les combats se sont intensifiés dans la province de Ma’rib entre les houthis et les forces gouvernementales et de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Les rebelles, soutenus par l’Iran, ont mis le cap sur la zone depuis le début de l’année alors qu’ils tentent de percer un...

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