Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, ne s’était plus rendu en Syrie depuis février 2012. Il a été reçu hier, avec le vice-Premier ministre russe Iouri Borissov, arrivé la veille à Damas, par le président syrien Bachar el-Assad, afin de discuter de la coopération économique entre les deux alliés. C’est en terrain conquis que la délégation russe de haut niveau est arrivée pour s’assurer de son retour sur investissement cinq ans après son intervention sur le sol syrien. Au programme de cette visite en grande pompe, des discussions sur la formation d’un comité constitutionnel, mais aussi la question d’Idleb et du Nord-Est syrien, alors que les négociations avec l’opposition sont au point mort. Moscou espère convertir ses gains militaires en gains diplomatiques mais c’est avant tout la question économique qui est au cœur des discussions. La crise sans précédent que subit de plein fouet le pays menace le pouvoir du clan Assad et compromet une reconstruction estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars. Étranglé par des sanctions économiques occidentales, dont les dernières en date lancées par Washington mi-juin liées à la loi César, le régime ne peut espérer sortir la tête de l’eau sans avoir une nouvelle fois recours à l’aide des Russes. Les sanctions en vigueur depuis des années visent des responsables du régime, mais touchent aussi le domaine économique, avec notamment des restrictions sur les importations syriennes et le secteur pétrolier. Avant l’envoi de sa délégation à Damas, Moscou avait réaffirmé son soutien à Assad, indiquant qu’il soutiendrait la Syrie face au renforcement des sanctions américaines qui frappent les entreprises étrangères traitant avec des entités gouvernementales syriennes. Lors d’une rencontre la semaine dernière à Moscou avec l’émissaire spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, Sergueï Lavrov avait appelé à la levée des « mesures coercitives occidentales unilatérales » imposées à la Syrie. Pour y parvenir, la Russie doit faire pression sur Damas afin de faciliter un règlement de la crise, conformément à la résolution 2254 de l’ONU.
Isolement économique
Bachar el-Assad a rappelé hier sa volonté d’approfondir les accords économiques et commerciaux avec son allié russe afin d’atténuer l’impact des sanctions économiques qui frappent son régime. En conférence de presse hier, M. Borissov a évoqué un futur accord pour élargir la coopération économique et commerciale, soumis à l’étude des responsables syriens. Il espère sa signature avant la fin de l’année, à l’occasion d’une nouvelle visite à Damas. Une quarantaine de projets ont été évoqués dans le domaine énergétique, avec notamment la réhabilitation de centrales électriques, mais aussi la prospection d’hydrocarbures au large des côtes syriennes. « L’isolement économique de la Syrie et l’adoption de la loi César (...) ne permettent pratiquement pas d’attirer les investissements vers l’économie syrienne, a déploré M. Borissov. C’est un blocus économique que nous cherchons à briser par nos efforts communs. » « La venue de Iouri Borissov est importante, car en tant que vice-Premier ministre, il a l’oreille de Vladimir Poutine, mais aussi parce qu’il a des compétences très étendues, notamment dans le domaine de l’énergie. Il s’agit pour Moscou de marquer des points et de faire avancer plusieurs chantiers économiques en Syrie, notamment celui de l’infrastructure », analyse Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, contacté par L’Orient-Le Jour. La guerre n’a pas empêché des entreprises russes d’investir ces dernières années dans les secteurs pétrolier, gazier et minier syriens. Elles ont ainsi remporté des contrats, notamment pour la construction de minoteries et de stations de pompage d’eau. Une entreprise russe a obtenu en 2019 une concession de 49 ans pour la gestion et l’expansion du port commercial de Tartous. Un an plus tôt, la même société avait obtenu une concession de 50 ans pour investir et extraire le phosphate dans la région centrale de Palmyre. Une manière plus concrète de se voir rembourser son investissement militaire qui a permis à Bachar el-Assad de remporter la guerre et qui n’a certainement pas les fonds nécessaires pour passer à la caisse. Pour ce faire, il s’agit aussi pour Moscou de s’assurer que l’autre allié de Damas, Téhéran, ne compromette le projet russe de stabilisation de la Syrie. C’est en tout cas le message qu’avait voulu faire passer le président russe Vladimir Poutine lors de sa venue à Damas le 7 janvier dernier, soit quatre jours après l’élimination ciblée par les Américains de Kassem Soleimani, chef de la force al-Qods. En avril dernier, Moscou, à travers les médias russes, avait montré des signes d’impatience vis-à-vis du pouvoir syrien. Des articles avaient alors qualifié Bachar el-Assad de « dirigeant faible » qui aurait perdu « la confiance de l’élite financière », car incapable de lutter contre la corruption. Quelques semaines plus tard, l’ambassadeur russe à Damas, Alexandre Efimov, était nommé représentant spécial du président pour le développement des relations avec la Syrie, dans une volonté de resserrer un peu plus son contrôle sur son protégé syrien.
commentaires (2)
Tant de morts et de souffrance pour voir le boucher de Damas offrir en cadeau a son protrcteur Poutine toutes les richesses de la Syrie....cela donne la nausee.......
HABIBI FRANCAIS
10 h 14, le 08 septembre 2020