Poème d’ici

Éclats d’une cité aux mille et mille balcons

Éclats d’une cité aux mille et mille balcons

Illustration Raphaelle Macaron

Le bleu ici est coupé au couteau.

C’est un espace à l’arme blanche

soleil tanné.

Il n’y a pas que les hommes qui ont

vécu.

Les chaises aussi peuvent témoigner.

Tout tourné vers le couchant.

Arrière-goût d’un arrière-pays d’une

arrière-saison…

Les époques ici s’entredévorent les unes les autres.

Nous rendrons aux couleurs leur couleur,

et à la lumière sa clarté

pour sortir la mort de son obscur

et l’obscur de son mort.

Ici est une ville qui effleure nulle étoile.

Les étoiles d’obus ici fleurent la ville

en mille et mille éclats de murs.

Là-dedans il y avait de l’enfance

mais quel enfant pour raconter ?

Pas de mémoire. Pas de mémoire.

Catastrophe sous le tapis

où se tapissent les catastrophes.

Ici est une ville où la nuit jamais

ne trouve son obscur. Tintamarre d’oubli.

Tintamarre ! Ici une ville dévore une ville :

ville cannibale devenant dévorant plus fragile ville.

Ville vile here is the Devil !

C’est une ville aveugle de ses habitants.

Personne pour parler doucement aux choses.

Ville tapis sous lequel on oublie des infinis

faits de cadavres et de silence.

Personne pour dire « je » personne ici

pour dire « nous ».

Je me souviens des absences

le temps est une lame de rasoir. Dire

les mots de la mémoire, c’est se trancher

les commissures des lèvres.

J’écris en aveugle. Ici, là-bas,

trouver les mots qui redonneront lumière

aux décalcomanies des ténèbres.

C’est une ville entre la montagne et le couchant,

prise entre l’élévation et la noyade,

entre la transcendance des montagnes

et l’immanence des profondeurs de la mer.

Sur les trottoirs les dallages de marbre

sont souvent brisés.

Des palmiers, des pins, des figuiers, et c’est incompréhensible ;

il y a si peu d’attention qu’il est plus facile de croire

que ces arbres sont arrivés ici tout seuls : Caraïbes, Italie, Grèce.

Les artères éventrent la marche ;

impossibilité de relier la ville à ses pieds,

impossibilité de reconstruire,

impossibilité de raccourcis

mais le silence.

C’est une agriculture de béton.

Terre labourée, asphalte ensemencée.

Et Moi, de loin, je suis cette langue évasive,

entre le flou de mon souvenir et le béton de la ville.

Trop d’opacité pour permettre

l’aisance de la réalité.

Des lieux sans mémoire.

Chacun seul,

qui saura ce que chacun a vécu

au milieu de la catastrophe ?

Je n’abdique pas et c’est déjà

une violence.

Déflagration.

C’est sous des ciels dissemblables

que se dissout la grâce de l’enfance

passant de ciel cyan au ciel sable

Va et vient

ciel-ciel

ainsi se poncent

les lamelles fines de la joie.

La catastrophe prendra vite fin

disais-tu.

Et c’était là ce qui la faisait durer.

Ici, pas d’étonnement

pas de locataires dans les immeubles

pas de douleurs invisibles

pas de mystère.

Tu disais

les mots inutiles

qui ne consolent pas.

Là un trou d’obus

comme une lune en creux

dans la façade

d’un visage.

Dans une flaque de pluie

Un enfant joue

Avec le soleil

Tentant de rendre au ciel brûlant

Ses plaques de rayons.

Dans ses mains

Des siècles de farine.

Dans une flaque de sang

Un enfant sonde les ténèbres

Échouant à sortir le rouge du sombre

Dévorant son silence

s’abreuvant à même

son propre visage.

Il y a dans un ciel déchiré

les éclats d’une cité aux mille et mille balcons

où encore l’on fait pousser

la menthe sous le soleil radi.

Les enfants jouent au foot avec le soleil en ballon.

Une ombre de sang,

qu’est ce que c’est

l’ecchymose de la mémoire ;

le mercure au chrome du chagrin

sur la plaie du silence.

Le bleu ici est coupé au couteau.C’est un espace à l’arme blanchesoleil tanné.Il n’y a pas que les hommes qui ontvécu.Les chaises aussi peuvent témoigner.Tout tourné vers le couchant.Arrière-goût d’un arrière-pays d’unearrière-saison…Les époques ici s’entredévorent les unes les autres.Nous rendrons aux couleurs leur couleur, et à la lumière sa clartépour sortir la...

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Magnifique. Liberté j'écris ton nom...

CORNILLE CHRISTOPHE

15 h 25, le 10 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • Magnifique. Liberté j'écris ton nom...

    CORNILLE CHRISTOPHE

    15 h 25, le 10 septembre 2020

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