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Culture - Explosions de Beyrouth

Le secteur culturel et les artistes au chevet de la ville

Dans un formidable élan de générosité, les acteurs – qui sont souvent eux-mêmes, malheureusement, les laissés-pour-compte d’un système qui ignore leur existence et leur impact – tissent le patchwork d’une remarquable action de solidarité et d’entraide.

Le secteur culturel et les artistes au chevet de la ville

Illustration de Cynthia Merhej pour « L’Orient Le Jour ».

Raphaëlle Macaron : « S’il vous plaît, faites des dons »

« Choquée, le cœur brisé, je ne sais plus. S’il vous plaît, faites des dons », les paroles émues de l’illustratrice Raphaëlle Macaron écrite noir sur blanc sur son compte Instagram font le tour du monde. Des donateurs de tous les pays se mobilisent : en trois jours, près de 70 000 euros sont récoltés, à travers la vente des affiches de la jeune illustratrice et du Studio Fidèle (microédition de bande dessinée et d’illustration, studio d’impression Riso à Paris). Réalisées dans le style bien typique de la jeune artiste, ces affiches touristiques aux belles couleurs et aux lignes rétro font la « promotion » du Liban, de ses sites, de sa culture et de ses spécialités culinaires.

« Suite aux événements catastrophiques qui se déroulent au Liban, nous allons verser la totalité des recettes des ventes à Impact Lebanon. Ils coordonnent avec des ONG qui ont grandement besoin des aides », indique Macaron, qui se trouve actuellement à Paris. « Franchement, c’est le seul moyen de survivre en étant loin de Beyrouth. J’essaie d’être un tant soit peu utile, et d’envoyer de l’aide. »

Les posters sont disponibles sur le lien suivant : https://www.kisskissbankbank.com/en/projects/lebanon-relief-fund-raiser


Les posters de Raphaëlle Macaron. Photo DR


House of Today : s’impliquer dans la restauration

Voilà huit ans, depuis 2012, que sous le coup de baguette de Chérine Magrabi Tayeb, l’ONG House of Today (@houseoftoday) sert d’inestimable tremplin pour la communauté du design local, soutenant et propulsant chacun de ses talents au-devant de la scène libanaise et internationale, à la faveur de biennales beyrouthines mais aussi d’expositions aux quatre coins du monde. Pour l’instigatrice de cette plateforme, « le chemin a de tout temps été très rude pour chacun de nos créatifs et davantage avec la crise économique qui ronge le pays depuis quelques mois. Aujourd’hui, la portée et le message de leurs œuvres sont menacés avec leurs studios qui, pour beaucoup, ont volé en éclats. Il n’est pas question que cela se produise ». Voilà pourquoi, une fois les dégâts identifiés et leurs coûts estimés, Chérine Magrabi Tayeb s’engagera personnellement à restaurer les studios endommagés des pousses de House of Today mais aussi de chacun des artistes locaux qui sont invités à présenter leurs demandes à

info@house-of-today.com. Cette initiative de mécénat personnel, malheureusement l’une des seules jusqu’à présent, s’accompagnera d’une levée de fonds pour ceux qui désirent aider notre scène de design dans son envol.


Les posters de Raphaëlle Macaron. Photo DR


Starch : pour refondre la fourmilière créative

Fondée en 2008 par Rabih Kayrouz et Tala Hajjar, l’ONG Starch (@starchfoundation) aura, en plus de 10 ans, été l’ultime berceau créatif libanais grâce auquel une belle armée de talents locaux ont réussi à se lancer et faire fleurir leurs œuvres au Liban et partout ailleurs, les artistes Najla el-Zein, Rami Dalle, les designers Sayar/Gharibeh, Sana Asseh, les architectes Ghaith Abi Ghanem et Jad Melki, les créateurs de mode Krikor Jabotian, Salim Azzam pour ne citer qu’eux. De toute évidence, il était impensable pour Rabih Kayrouz et Tala Hajjar de tourner le dos à leurs poulains et aux autres acteurs de la scène créative libanaise dont les studios ont été gravement endommagés à cause de l’apocalypse du 4 août. De fait, après avoir lancé sur ses plateformes un appel public aux artistes touchés par l’explosion et ensuite identifié les dégâts (estimés à 850 000 dollars), Starch démarre une collecte de fonds qui permettrait d’assurer cette somme et ainsi de refondre toutes ces fourmilières créatives sans lesquelles Beyrouth ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.


Les posters de Raphaëlle Macaron. Photo DR


Art Relief for Beirut : apaiser et aider

Quand l’art se mobilise pour Beyrouth, voilà qui résume en quelques mots le projet caritatif Art Relief For Beirut (@artrelief4beirut), démarré par l’artiste libanais Mohammad Kanaan. Cette initiative a commencé par spontanément inviter des artistes qui voulaient venir en aide à la capitale libanaise secouée par un désastre sans pareil, à offrir leurs œuvres dont les recettes des ventes seront allouées à l’ONG Impact Lebanon et à la Croix-Rouge libanaise. Aussitôt, une foultitude d’artistes visuels locaux et internationaux, dont Ali Cherri, Étienne Marc, Omar Khouri, Gilbert Hage, Chaouki Choukini, Younès Rahmoun, Anna Aagraad et Tamara al-Samerraei, ont généreusement répondu à cet appel, mettant un éventail d’œuvres bigarrées à la disposition d’Art Relief for Beirut. Une initiative à double emploi donc, qui constitue à la fois un très bel événement artistique virtuel mais aussi et surtout une promesse que l’art peut, encore et toujours, bouger les choses et, d’une certaine manière, apaiser d’incommensurables maux par le biais du beau.


Les posters de Raphaëlle Macaron. Photo DR


Help Beirut Studios : une pierre à l’édifice

C’est une initiative à échelle personnelle, démarrée et pilotée par Cynthia Merhej, illustratrice et créatrice de la marque Renaissance, qui prouve que chaque pierre, même la plus minime, apportée à l’édifice de la reconstruction compte. Au lendemain du désastre provoqué par les explosions du 4 août, Merhej accourt soutenir ses amis qui ont tout perdu, notamment leurs studios et lieux de travail. Mais par-delà cette assistance immédiate, le déblayage et le nettoyage, elle réalise l’importance d’une aide plus profonde qui consisterait à réaménager le studio de la musicienne Jana Saleh, Papercup, la librairie de Rania et Studio Safar, le studio de design fondé par Maya Moumne et Hatem Imam, « afin que ces forces créatives continuent d’exister et de produire le travail essentiel qu’elles fournissent pour notre culture ». Elle monte ainsi, en deux temps, trois mouvements, une levée de fonds pour ces trois entreprises cornaquées par des femmes, à laquelle se sont joints une multitude de photographes internationaux, dont Senta Simond, Alice Neale ou Esther Theaker, qui reverseront les bénéfices de la vente de leurs images à cette cause. (@cynthiamerhej ; https://tinyurl.com/helpbeirutstudios)


« Lea », un portrait photo réalisé par Rania Matar mis en vente au profit de SEAL. Photo DR


For the Love of Beirut : célébrer l’amour de la ville « For the Love of Beirut »

(@gulfphotoplus) est un projet de collecte de fonds organisé par Ruwa et Gulf Photo Plus en partenariat avec le Beirut Center of Photography, In My House et Jadaliyya qui vise à « célébrer l’amour pour la ville de Beyrouth » en y soutenant les populations touchées par l’explosion. Cette initiative réunit les œuvres de plus de 60 artistes visuels libanais et internationaux, dont Myriam Boulos, Nadia Bseiso, Stephanie Sinclair, Maryam Khasawneh, Pep Bonet, Sara Naim, Nariman el-Mofty ou Abdo Shanan, qui offrent leurs images pour l’occasion. La totalité des recettes de ces ventes (moins les frais d’impression et d’emballage) sera reversée à la Croix-Rouge libanaise. La vente de ces photos imprimées sur du papier beaux-arts d’archives en format 10 x 15 qui a débuté le 10 août se terminera le 26 août à minuit, heure de Beyrouth. Expédiée dans le monde entier depuis Gulf Photo Plus à Dubaï, chacune de ces images saisissantes résonnera, en effet, comme une si belle preuve d’amour à Beyrouth.

Art Lives : en soutien aux artistes à Beyrouth

« Ettijahat – Independent Culture » et « Action for Hope » annoncent qu’ils apporteront un soutien exceptionnel, dans le cadre de l’initiative « Art Lives », aux artistes ainsi qu’à ceux qui exercent des professions culturelles, artistiques et techniques liées au travail artistique.

Ce programme de soutien est une réponse rapide pour aider les artistes et les praticiens culturels dont les moyens de subsistance ou la santé ont été affectés par l’explosion du port de Beyrouth, et vise à leur permettre de restaurer leurs maisons et leur santé physique et mentale le plus rapidement possible.

En raison de la nature particulière de cette annonce, un formulaire de candidature simple et court a été créé. Les candidats devront le télécharger (www.ettijahat.org) puis le remplir et l’envoyer avec les documents requis à l’adresse électronique suivante : artlives@ettijahat.org avant 15 heures, heure de Beyrouth, le 18 août 2020.

Les associations tiennent à préciser que la vie privée de tous les candidats sera protégée et aucune de leurs données personnelles ne sera divulguée. Les candidats acceptés seront informés avant le 31 août 2020.

De Californie, Aleph se mobilise

Aleph Gallery, la galerie contemporaine située à Lido Marina Village, en Californie, organise un événement spécial aujourd’hui jeudi 13 août pour aider le Liban et son peuple dans cette période critique. Tous les profits des ventes de ce jour iront à Impact Lebanon, une organisation à but non lucratif qui a mis en place une campagne de financement participatif pour aider les organisations sur le terrain et qui aide à partager des informations sur les personnes toujours portées disparues après l’explosion.

Matar : « Vous avez tous restauré ma foi en l’humanité »

Rania Matar, photographe libanaise installée aux États-Unis, s’est associée à l’Action sociale et économique pour le Liban (SEAL) pour offrir une photographie afin de collecter des fonds pour le fonds d’urgence de Beyrouth de SEAL. SEAL est une organisation non politique à but non lucratif libano-américaine, et tous les fonds seront utilisés pour soutenir des organisations locales (non gouvernementales) et fournir une aide humanitaire. Cette collecte de fonds est réalisée avec le soutien de la Robert Klein Gallery, de la Richard Levy Gallery et de la Galerie Tanit et 100 % des bénéfices seront reversés et tous les dons sont déductibles des impôts.

« J’ai choisi cette image intitulée Lea, dit Rania Matar, car (pour moi) elle en dit long sur le Liban : sa belle architecture, sa destruction mais aussi sa résilience, sa jeune génération inspirante qui n’a toujours pas perdu confiance dans le pays, la force et le courage de ses femmes, et bien plus, mais aussi les couleurs qui rappellent le drapeau. »

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Un hommage, en paroles et musique, à Beyrouth sinistrée

« Aujourd’hui, cette impression est vendue. Je remercie donc tous ceux qui ont soutenu cette collecte de fonds en achetant la photo, en faisant un don à SEAL, en m’aidant à faire passer le mot, ou par tout soutien et réconfort qu’ils ont pu apporter. »

Et de poursuivre : « Je vous suis extrêmement reconnaissante pour votre soutien et générosité, car cela s’est produit en un temps record. Cela fait mal de regarder mon bien-aimé Liban dans une telle détresse, et vous avez tous restauré ma foi en l’humanité en m’aidant généreusement à amasser 30 000 dollars en 10 heures !

L’argent sera mis à profit pour aider une ville qui souffre. Je vous remercie du fond du cœur. Et restez à l’écoute pour une autre collecte de fonds dans les semaines à venir. »

Nadim Naaman : « La parole de Gebran est plus que jamais nécessaire »

Pour Nadim Naaman qui avait présenté l’été dernier la comédie musicale Broken Wings à Beiteddine, une adaptation du roman Al-Ajniha al-Moutakassira où il jouait le rôle de l’écrivain, il était insupportable d’écouter les nouvelles du Liban et de ne rien faire.

Né en Grande-Bretagne d’un père libanais et d’une mère anglaise, le compositeur interprète confie : « On a l’impression aujourd’hui qu’il faudra peut-être un certain temps avant que de telles choses ne soient à nouveau possibles. Mais les messages et la poésie de Gebran sont plus que jamais nécessaires. » C’est pourquoi il lui a semblé très approprié d’utiliser ses relations théâtrales et musicales pour collecter des fonds pour le Liban. « Nous allons filmer quelques performances live de la comédie musicale, ici à Londres. Et cette séquence vidéo sera combinée avec des images de Beyrouth et du Liban et de certains collègues libanais se produisant également à Beyrouth. » En espérant que le clip deviendra viral dans les communautés libanaises du monde entier, avec un appel pour que des fonds soient envoyés directement aux associations caritatives libanaises appropriées (ceci est encore à confirmer). Le tournage commencera la semaine prochaine.


Une photo prise par Carmen Yahchouchi illustrant les formidables élans d’entraide par les jeunes volontaires dans les quartiers les plus endommagés.


AFAC et al-Mawred, pour assurer la survie et la continuité de la culture

Jamais en retard pour tendre la main au secteur culturel et aux artistes, al-Mawred al-Thaqafy (Culture Resource) et le Fonds arabe pour les arts et la culture-AFAC lancent une collecte de fonds internationale pour soutenir la communauté des arts et de la culture au sein de Beyrouth, à la suite de l’explosion dévastatrice qui a secoué la capitale libanaise le 4 août.

Les deux associations partenaires contribueront ensemble à la collecte en avançant un capital d’amorçage et assureront la gestion et la distribution des fonds aux organisations et aux artistes du secteur des arts et de la culture.

« La tragédie du 4 août a porté un coup fatal et sans précédent à tous les aspects de la vie de Beyrouth, y compris le secteur des arts et de la culture, indique le communiqué détaillant le partenariat. La survie et la continuité de ce secteur autrefois créatif et dynamique ne tiennent qu’à un fil aujourd’hui. Se remettre du choc nécessitera du temps, tout comme le retour de la communauté artistique et culturelle, pour restituer ses priorités, articuler ses visions et déployer tous les moyens possibles par le biais desquels les gens reconstruiront leur vie à partir des décombres de la destruction. »

Cette collecte s’appuie sur l’initiative de solidarité Solidarity Fund to Arts and Culture Structures in Lebanon (le Fonds de solidarité pour les structures artistiques et culturelles au Liban), lancée récemment par les deux organisations régionales et soutenue par trois généreux mécènes – la Fondation Drosos, la Fondation Ford et les fondations Open Society – pour répondre aux pressions cumulées liées à l’effondrement économique, aux restrictions sur les transactions financières et à l’inflation démesurée. C’est donc grâce à cette initiative qu’AFAC et al-Mawred ont pu mener une première enquête sur la situation des organisations artistiques et culturelles au Liban. « Nous avons connu de près leurs besoins et leurs défis, ce qui nous permettra désormais de répondre avec efficacité aux besoins d’urgence émergents », indiquent les deux associations. Et de préciser qu’un relèvement rapide est aussi essentiel qu’une réponse immédiate suite à l’impact de cette tragédie. « Soutenir une structure artistique et culturelle viable nécessite un accompagnement à moyen et long terme qui n’est possible que grâce à un soutien diversifié, cohérent et récurrent. »

À signaler que les fonds recueillis seront versés pour soutenir les organisations et les espaces artistiques et culturels affectés, par ordre d’urgence et de priorité. L’ évaluation préliminaire des organisations endommagées par l’explosion comprendra les éléments suivants, précisent AFAC et al-Mawred : la reconstruction d’urgence pour assurer la sécurité des bâtiments et des propriétés, ou paiement des frais de location en cas de déménagement temporaire à la suite de dommages complets ; la protection, l’hébergement et le transfert de collections de valeur (photos, films, archives musicales, etc.) ; la réhabilitation des lieux (principalement mobilière et autres biens appartenant aux organisations, y compris les réseaux d’infrastructure électrique, etc.) ; la réparation et/ou le remplacement d’équipements (ordinateurs, moniteurs, disques externes, bibliothèques spécialisées).

Le fonds soutiendra également à titre individuel les artistes qui ont perdu leur maison, leurs instruments et leurs équipements et qui auront éventuellement besoin de les réparer ou de les remplacer/de déménager dans de nouvelles maisons ou de nouveaux espaces afin de se remettre au travail et avancer...

Les dons peuvent être faits en ligne à travers ce lien (https://www.givingloop.org/afac) ou par virement bancaire.

Ceux qui souhaitent garder l’anonymat en tant que mécènes sont priés d’informer par e-mail (solidarityfund@mawred.org et solidarityfund@arabculturefund.org), le cas échéant le nom du mécène ou de l’organisation sera mentionné parmi d’autres dans toutes les communications liées à cette initiative.

Raphaëlle Macaron : « S’il vous plaît, faites des dons »« Choquée, le cœur brisé, je ne sais plus. S’il vous plaît, faites des dons », les paroles émues de l’illustratrice Raphaëlle Macaron écrite noir sur blanc sur son compte Instagram font le tour du monde. Des donateurs de tous les pays se mobilisent : en trois jours, près de 70 000 euros...

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