Le chef du Conseil supérieur chiite Abdel Amir Kabalan a vivement critiqué hier la campagne menée par le patriarche maronite Béchara Raï en faveur de la neutralité du Liban, estimant qu’il ne fallait pas « perdre la boussole » de l’intérêt national.
Dans un message aux Libanais à l’occasion de la commémoration de la guerre de juillet 2006 entre le Hezbollah et Israël, le dignitaire chiite a rendu un hommage appuyé sans le nommer au parti pro-iranien, saluant les « hommes de la Résistance, l’armée et les civils » qui ont permis de « remporter la victoire de juillet », et les « martyrs » de cette guerre.
« Il est ridicule et vil de voir que certains compatissent avec les traîtres et les agents, sous différents slogans qui déforment l’image du Liban résistant et victorieux pour le sortir de la lutte contre un ennemi injuste qui occupe encore nos terres et viole constamment notre souveraineté et vole nos richesses en matière d’eau et d’hydrocarbures », a affirmé le cheikh Kabalan.
Il a mis en garde contre le fait de « perdre la boussole de l’intérêt national en ce qui concerne le Liban et la façon de le sauver, au milieu de ces tempêtes et de l’agression internationale et régionale pour le morceler ». Sans jamais citer le patriarche maronite, il a estimé que cette « agression » contre le Liban se manifestait de différentes façons, « tantôt en lui imposant un blocus et des sanctions économiques, tantôt en s’ingérant dans ses affaires intérieures et en montant une partie contre l’autre, jusqu’aux appels à la fédération et à faire assumer à la Résistance la responsabilité de la crise économique, et à évoquer la neutralité du Liban comme sortie de crise ».
C’est la première fois que le dignitaire réagit aux appels à la neutralité du Liban, lancés avec insistance par le patriarche maronite depuis deux semaines. Vendredi, deux dignitaires chiites considérés comme proches du Hezbollah, l’uléma Ali Fadlallah et le mufti Hassan Charifé, avaient mis en garde dans leurs prêches respectifs du vendredi contre des formules « de nature à exacerber les divisions dans le pays », estimant que la priorité devrait être accordée pour le moment au règlement de la crise socio-économique qui accable l’ensemble de la population.
Dans le même temps, une violente campagne sur Twitter a été lancée contre le patriarche Raï, sous l’appellation « Raï (parrain) des agents », menée selon des analystes par des proches du Hezbollah.
« La logique de Mohammad et Jésus »
« La neutralité, selon la logique du prophète Mohammad et de Jésus, c’est de prendre le parti de la justice, de défendre un pays qui est égorgé par l’épée du blocus économique, de défendre les causes des opprimés, de remercier ceux qui ont combattu et libéré la terre et sont morts en martyrs pour elle », a encore dit le cheikh Kabalan, dans une défense du Hezbollah.
« Une telle neutralité nous impose de prendre des décisions difficiles face au projet international, régional et local qui œuvre de concert pour appauvrir encore les pauvres du Liban », a ajouté le dignitaire, appelant à prendre position « contre les démons de la corruption, du pillage, de l’oppression et de la sédition ».
« La neutralité, selon la logique du prophète Mohammad et de Jésus, ne fait pas la différence entre Est et Ouest », a encore dit le chef du CSC.
Le patriarche maronite avait à nouveau lancé samedi soir un appel à la neutralité du Liban, alors qu’il multiplie les déclarations en ce sens depuis deux semaines, ainsi que les critiques à l’encontre de la majorité au pouvoir, et implicitement du Hezbollah.
« Le système libanais ne peut être que neutre », avait affirmé Mgr Raï dans son homélie prononcée au cours d’une messe organisée à l’occasion de la Saint-Charbel à Bkaakafra, près de Dimane. Il a souligné qu’il ne s’agissait « pas d’une question politique ou partisane, mais bien morale ». « Les Libanais doivent comprendre que leur salut est unique : il repose sur un système neutre et efficace », a-t-il ajouté, indiquant que la beauté du Liban réside dans le fait qu’il est « un ami et un pont entre tous les pays et les peuples ».
Peu auparavant, il avait affirmé dans un entretien accordé à la chaîne locale de télévision LBCI que le Liban est « fondamentalement neutre ». « Le pacte national prévoit la neutralité et l’ouverture à tous les pays sauf Israël », a-t-il souligné. Le patriarche maronite a encore annoncé que des conférences de dialogue allaient être organisées afin de « dissiper tout malentendu » éventuel à ce sujet, soulignant qu’il ne fallait pas que « chaque personne comprenne la neutralité à sa manière », mais qu’elle devait devenir un « concept national et juridique ». Le patriarche a enfin souligné « ne pas être affecté par les attaques » contre sa personne et les accusations de collaboration avec l’ennemi.
commentaires (11)
« pays qui est égorgé par l’épée du blocus économique, résistance, traîtres, agent israélien, etcétéra etcétéra » Ces gens ont un vocabulaire extrêmement réduit qui ne fait référence qu’à la violence. On n’entend jamais : tolérance, vivre-ensemble, respect des uns pour les autres... Ceci venant de la bouche d’un homme à priori cultivé, que laissons-nous à la populace????
mokpo
22 h 35, le 20 juillet 2020