Mettant fin à plusieurs jours de suspense, les anciens Premiers ministres, Fouad Siniora, Saad Hariri, Nagib Mikati et Tammam Salam, ont décidé lundi soir de ne pas participer à la réunion de dialogue convoquée jeudi à Baabda sous la houlette du chef de l'Etat, Michel Aoun, alors que le pays connaît sa pire crise économique et sociale depuis trente ans.
"Cette invitation et son objectif déclaré semblent être déplacés et une perte de temps", a déclaré M. Siniora, à l'issue d'une réunion à la Maison du Centre. "Nous déclarons que nous ne sommes pas prêts à participer à une réunion sans (vision)", a-t-il aussi dit. "La performance du gouvernement ces derniers mois, à travers le dossier de Selaata, des nominations, du taux de change, montre une incapacité flagrante à être à la hauteur des défis", a ajouté M. Siniora. "Notre boycott est une protestation et une objection claire à l'incapacité du pouvoir à concevoir des solutions pour sauver le Liban, menacé par un effondrement complet, qui affecte la classe moyenne en particulier", a-t-il poursuivi.
Ces quatre anciens Premiers ministres représentent l’écrasante majorité de la rue sunnite et leur absence privera la réunion d’une bonne partie de sa raison d’être sur tous les plans : représentativité, sécurité et paix civile.
La ministre libanaise des Déplacés, Ghada Chreim, a réagi rapidement à leur annonce sur Twitter. "Ils s'excusent de ne pas assister à la réunion de Baabda, au lieu de s'excuser pour les actions de la plupart d'entre eux et de la plupart de ceux qui ont assumé la responsabilité publique (commises contre) le peuple libanais qui a été soumis au vol depuis des décennies", a-t-elle écrit.
"Votre Excellence, en ce qui concerne les excuses, il semble que vous ayez perdu la boussole. Celui qui doit s'excuser auprès du peuple libanais est celui qui a mené les guerres absurdes avec des ambitions présidentielles, contribué à la destruction du pays et à la remise de sa décision à l'étranger, compromis les fonds de l'État et du peuple, et s'est opposé à l'accord libanais de Taëf", a alors riposté la députée (courant du Futur), Roula Tabch Jaroudi.
Les assises nationales de Baabda sont destinées à "examiner et débattre de la situation politique générale, pour sauvegarder la stabilité et la paix civile, dans le but de prévenir tout débordement aux conséquences graves et destructrices pour la patrie, spécialement à l’ombre d’une situation économique, financière et sociale sans précédent au Liban", selon les invitations adressées la semaine dernière par la présidence. Y sont invités les président de l’Assemblée, Nabih Berry, et du Conseil, Hassane Diab, ainsi que les anciens chefs d’État et de gouvernement, le vice-président de l’Assemblée nationale et les chefs de partis et de groupes parlementaires. La participation à cette réunion élargie a toutefois fait des vagues au cours de la semaine écoulée et provoqué de nombreuses tractations entre les forces politiques. Dans ce cadre, le chef du Parlement a reçu ces derniers jours les représentants de plusieurs forces politiques, afin de les convaincre de confirmer leur participation au dialogue de Baabda. L'ancien Premier ministre Mikati a d'ailleurs été reçu par M. Berry dans la matinée.
Eviter "des effusions de sang"
De son côté, l'ancien président libanais, Michel Sleiman, a confirmé sa présence à la réunion de Baabda "conformément à ses appels constants à tenir des sessions de dialogue, et conformément à l'esprit de la déclaration de Baabda".
La "Rencontre consultative", qui représente les forces sunnites proches du Hezbollah, n'a pour sa part toujours pas tranché la question de sa participation au dialogue national. "Nous prendrons notre décision dans les heures ou jours à venir", a annoncé le groupe de députés dans un communiqué, publié lors d'une réunion "ouverte" à ce sujet aujourd'hui, au domicile du député Abdel Rahim Mrad. Dans ce texte, ils ont souligné "l'extrême nécessité" des différents objectifs annoncés de cette réunion et notamment "la protection de la stabilité nationale et de la sécurité sociale". Ils ont encore soulevé l'importance "d'arrêter de créer de nouvelles normes constitutionnelles à de fins politiques".
S'exprimant lundi dans l'après-midi, le président Aoun a souligné que le sujet principal de cette rencontre serait la "consolidation de la paix" via une prise de responsabilités de la part de toutes les parties internes, afin d'éviter que la situation ne se détériore et provoque des "effusions de sang". Il a encore démenti vouloir, à travers ce dialogue, retourner à la formation d'un gouvernement d'union nationale, une démarche qui, selon lui, "manque de démocratie, vu qu'elle ne prévoit pas de minorité et de majorité". Il a estimé, lors d'une réunion avec une délégation de l'association des journalistes économiques, que cette réunion était importante après les incidents ayant éclaté en marge de manifestations à Beyrouth et Tripoli, qui avaient viré en émeutes et échauffourées entre contestataires et forces armées.
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Ies gens du pouvoir ne sont pas à leur tentative de faire en sorte que les libanais soient considérés comme quantité négligeable et de leur imposer toujours des décisions venues de l’étranger pour anéantir le pays et boucler le caquet à tous ceux qui osent émettre une contre proposition pour sauver le pays. Ils ont bien fait de ne pas ceder à ce chantage qui vise à diviser plutôt que de rassembler.
Sissi zayyat
18 h 10, le 23 juin 2020